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Pierre Bergé, une fidélité à toute épreuve

Il est des hommes dont l'existence a été façonnée par les rencontres. Pierre Bergé, qui vient de mourir à l'âge de 86 ans, des suites d'une myopathie des membres inférieurs qu'il n'hésitait pas à évoquer dès 2010, était incontestablement l'un d'entre eux. Au cours de sa vie, il a ainsi croisé la route de cinq personnalités exceptionnelles (Giono, Cocteau, Buffet, Saint Laurent et Mitterrand) auxquelles il est resté indéfectiblement fidèle. La fidélité : telle était apparemment la valeur suprême pour Pierre Bergé, celle qu'il fallait privilégier envers et contre tout, quitte à se faire de nombreux ennemis, à être craint, méprisé ou haï. Quitte à apparaître, aux yeux de beaucoup, comme un Machiavel contemporain, une éminence grise, un homme d'influence au verbe volontiers féroce. Récemment, il déclarait encore à quelques proches  : « J'estime avoir passé l'âge de me forcer à être sympathique. »

Fils d'un fonctionnaire des impôts et d'une institutrice à forte personnalité, avec laquelle il entretenait une relation fusionnelle et dont il demeurera très proche jusqu'à son décès en 2016 à 108 ans, Pierre Bergé voit le jour le 14 novembre 1930 à l'île d'Oléron. Très vite, la famille s'installe à La Rochelle, où il effectuera ses études. Jamais à court d'un paradoxe, ce passionné d'art et de littérature ne décrochera jamais son bac : il a giflé un professeur qui s'était montré insultant et est viré sur le champ du lycée, à 16 ans. Cette absence supposée de culture, littéraire et artistique ne va jamais cesser d'être l'objet d'une manière de complexe, qu'il va s'attacher alors à surmonter, presque avec frénésie, en acquérant des valeurs « sûres ». D'emblée, Pierre Bergé assume son homosexualité, une posture courageuse à une époque où elle continue d'être l'objet d'un fichage par la police. Il a moins de vingt ans lorsqu'il fait la connaissance de Jean Giono et de Jean Cocteau, dont il restera l'ami jusqu'à leur mort. Monté à Paris, il rencontre le peintre Bernard Buffet et découvre en même temps ce qui sera sa vocation : accompagner les artistes et faire fructifier leur talent. Puisqu'il n'en est pas un, il se tiendra au plus près d'eux pour s'occuper de leur carrière et les soulager de toutes les questions extérieures à la création. « Je sais que je suis probablement un artiste frustré, reconnaissait-il, ce qui me permet d'assez bien comprendre les préoccupations et les angoisses des créateurs ». Pierre Bergé avait une vision très baudelairienne de l'artiste : un albatros superbe dans l'azur mais extrêmement maladroit sur terre. « J'ai passé ma vie à aider les artistes et à les soutenir », soulignait-il.

« Le premier businessman de la mode »

©Pierre Bergé avec Yves Saint Laurent

Expérimenté avec Bernard Buffet, ce rôle de mentor trouvera sa pleine mesure auprès d'un jeune couturier prometteur, appelé à remplacer Christian Dior au pied levé : Yves-Mathieu Saint-Laurent. Pierre Bergé rencontre ce natif d'Oran en janvier 1958, alors qu'il vient de faire une entrée fulgurante dans le milieu des couturiers en présentant sa première collection. De là, naîtra l'une des plus belles histoires de la mode du XXème siècle. « Un cordon ombilical nous relie », affirmera-t-il. Lorsqu'Yves Saint Laurent est évincé de chez Dior, c'est Pierre Bergé qui trouve les fonds nécessaires pour l'aider à créer sa propre maison de couture. Esthète, passionné par l'art, Pierre Bergé mettra durant plus de quatre décennies son incroyable sens des affaires au service de ses passions et de ses amis. « Ce fut le premier businessman de la mode », reconnaîtra le styliste Tom Ford. Par deux fois, en cédant la griffe en 1993 au groupe Elf-Aquitaine, puis en 1999 à François Pinault, il réalisera des opérations financières considérées par les experts comme de véritables « coups de maître ». Il se fera toutefois épinglé par la Commission des opérations de Bourse (COB) qui lui reprochera d'avoir commis un délit d'initié en 1992 et lui infligera une amende d'un million de francs.

Réfugié à partir de fin 1999 sur l'Aventin de la haute couture, Pierre Bergé verra d'un mauvais oeil le duo de Gucci, Domenico De Sole-Tom Ford, s'emparer, sans ménagement, des parfums et du prêt-à-porter de son protégé, et appliquer les méthodes de management qui ont fait le succès du maroquinier florentin. Les relations au sein du tandem Pierre Bergé-Yves Saint Laurent d'une part, et avec la galaxie Pinault d'autre part, ne tarderont pas à se détériorer. Non seulement le couturier et son mentor n'assistent pas à la première collection de prêt-à-porter Yves Saint Laurent conçue par Tom Ford et destinée à revitaliser la marque Rive Gauche. Mais pis encore, ils se rendent au premier défilé d'Hedi Slimane chez Dior Homme, du groupe LVMH (propriétaire du groupe Les Echos). Les tensions deviennent trop fortes. Yves Saint Laurent ne se sent plus maître chez lui. En janvier 2002, Pierre Bergé met en scène avec un art consommé de la dramaturgie, les adieux définitifs d'Yves Saint Laurent. Pour lui, cette décision signe automatiquement la mort de la haute couture. Deux ans plus tard, il crée la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent avec pour mission de conserver le patrimoine créatif du couturier, d'organiser des expositions et de soutenir des actions éducatives en faveur du monde artistique. En 2008, Yves Saint Laurent s'éteint à 71 ans à son domicile parisien des suites d'un cancer du cerveau, créant un vif émoi dans le monde de la couture parisienne. L'année suivante, une grande vente aux enchères - alors rebaptisée « la vente du siècle - est organisée sous la nef du Grand Palais par les maisons Christie's et Pierre Bergé & Associés, rassemblant 733 lots ayant appartenu au couple et vendus pour un total de 373 millions d'euros.

Une place croissante auprès de François Mitterrand

Doté de centres d'intérêt multiples, Pierre Bergé ne s'est pas contenté d'être le Pygmalion d'Yves Saint Laurent. Outre la mode qu'il considère comme un art, il s'intéresse à la littérature, au théâtre, à la peinture et à la musique. En 1977, il fonde, au théâtre de l'Athénée Louis-Jouvet, les « lundis musicaux » au cours desquels se produiront des artistes tels que Montserrat Caballe, Placido Domingo, Kiri Te Kanawa ou Jessye Norman. Il se fait également le mécène de nombreuses opérations culturelles, sauvant par exemple la maison de Zola à Médan ou contribuant à l'installation d'un pyramidion doré au sommet de l'obélisque de la place de la Concorde.

Une autre rencontre va élargir considérablement sa palette : à l'art et aux affaires va venir s'ajouter la politique. En 1984, Jack Lang, alors ministre de la Culture, présente à François Mitterrand celui qui fait partie des rares patrons à avoir soutenu la gauche en 1981. Entre les deux hommes natifs des Charentes naîtra une amitié improbable mais solide. Ce lien lui vaudra d'être nommé, en 1989, à la tête de l'Opéra de Paris. Structure regroupant non seulement Garnier et Favard mais aussi Bastille, qui figure parmi les « grands travaux » du président Mitterrand et qui fait l'objet de vigoureuses querelles entre la gauche et la droite. A ce poste très exposé, Pierre Bergé livrera, durant cinq ans et demi, des batailles tout autant politiques que musicales. Réputé pour ses colères et pour un certain autoritarisme, il s'oppose, dès le départ, à Daniel Barenboïm auquel il reproche d'avoir concentré tous les pouvoirs et de n'être pas assez présent à Paris. Le montant des émoluments versés au directeur musical choque pour un opéra censé être populaire. Pierre Bergé, l'ami des artistes, n'en renvoie pas moins Baremboïm et fait alors le pari de la jeunesse en nommant le chef sud-coréen Myung Whun Chung. Parallèlement à son long règne à la tête de l'Opéra de Paris, Pierre Bergé prend une place croissante auprès de François Mitterrand. Alors que les courtisans désertent peu à peu un homme rongé par la maladie et par les révélations sur son passé, lui s'en rapproche de plus en plus. « Depuis 1988, il est celui que les journalistes interrogent pour savoir ce que pense le Président », note Georges-Marc Benamou.

L'ouverture prochaine de deux musées

Pierre Bergé devient ainsi le mécène et l'éditorialiste du magazine « Globe », véritablement « mitterrandolâtre », et use de toute son influence pour rendre impossible une éventuelle candidature Rocard à l'élection présidentielle de 1995. Lionel Jospin ne sera pas mieux loti : ayant réclamé un droit d'inventaire sur l'héritage Mitterrand, il s'attire les foudres d'un Pierre Bergé qui pousse même la provocation jusqu'à soutenir Jacques Chirac au premier tour de l'élection. « Je ne suis pas socialiste, je ne suis donc pas obligé moralement de soutenir un candidat socialiste », expliquera-t-il avec une logique assez perverse. Proche de Laurent Fabius, il n'hésitera pas, dans l'une de ces formules acérées qu'il affectionnait, à s'en prendre au « menton mussolinien » de Lionel Jospin. Gardien ombrageux, sourcilleux et intransigeant de la mémoire de l'ancien président de la République, il prendra, à sa mort, la tête de l'institut François Mitterrand.

Incarnation pour beaucoup d'une certaine « gauche caviar », agnostique et laïque, il revendiquera publiquement son homosexualité et soutiendra très activement le magazine gay Têtu - qu'il a financé jusqu'en 2013. Car, au fil des années, l'homme d'influence s'est doublé d'un homme de combat. C'est très officiellement qu'il s'engage dans la lutte contre le sida, via l'association Arcat-Sida, et contre le racisme, à travers son soutien à SOS-Racisme.

Homme de presse, Pierre Bergé devient en 2010, aux côtés de Matthieu Pigasse et Xavier Niel, actionnaire du Monde, dont il assure la présidence du conseil de surveillance. Sa disparition, ce vendredi 8 septembre, survient quelques semaines avant l'inauguration de deux musées dédiés à l'oeuvre de son ancien compagnon Yves Saint Laurent, l'un à Paris et l'autre à Marrakech.

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Il est des hommes dont l'existence a été façonnée par les rencontres. Pierre Bergé, qui vient de mourir à l'âge de 86 ans, des suites d'une myopathie des membres inférieurs qu'il n'hésitait pas à évoquer dès 2010, était incontestablement l'un d'entre eux. Au cours de sa vie, il a ainsi croisé la route de cinq personnalités exceptionnelles (Giono, Cocteau, Buffet, Saint Laurent et Mitterrand) auxquelles il est resté indéfectiblement fidèle. La fidélité : telle était apparemment la valeur suprême pour Pierre Bergé, celle qu'il fallait privilégier envers et contre tout, quitte à se faire de nombreux ennemis, à être craint, méprisé ou haï. Quitte à apparaître, aux yeux de beaucoup, comme un Machiavel contemporain, une éminence grise, un homme d'influence au verbe volontiers féroce. Récemment, il déclarait encore à quelques proches  : « J'estime avoir passé l'âge de me forcer à être sympathique. »

Fils d'un fonctionnaire des impôts et d'une institutrice à forte personnalité, avec laquelle il entretenait une relation fusionnelle et dont il demeurera très proche jusqu'à son décès en 2016 à 108 ans, Pierre Bergé voit le jour le 14 novembre 1930 à l'île d'Oléron. Très vite, la famille s'installe à La Rochelle, où il effectuera ses études. Jamais à court d'un paradoxe, ce passionné d'art et de littérature ne décrochera jamais son bac : il a giflé un professeur qui s'était montré insultant et est viré sur le champ du lycée, à 16 ans. Cette absence supposée de culture, littéraire et artistique ne va jamais cesser d'être l'objet d'une manière de complexe, qu'il va s'attacher alors à surmonter, presque avec frénésie, en acquérant des valeurs « sûres ». D'emblée, Pierre Bergé assume son homosexualité, une posture courageuse à une époque où elle continue d'être l'objet d'un fichage par la police. Il a moins de vingt ans lorsqu'il fait la connaissance de Jean Giono et de Jean Cocteau, dont il restera l'ami jusqu'à leur mort. Monté à Paris, il rencontre le peintre Bernard Buffet et découvre en même temps ce qui sera sa vocation : accompagner les artistes et faire fructifier leur talent. Puisqu'il n'en est pas un, il se tiendra au plus près d'eux pour s'occuper de leur carrière et les soulager de toutes les questions extérieures à la création. « Je sais que je suis probablement un artiste frustré, reconnaissait-il, ce qui me permet d'assez bien comprendre les préoccupations et les angoisses des créateurs ». Pierre Bergé avait une vision très baudelairienne de l'artiste : un albatros superbe dans l'azur mais extrêmement maladroit sur terre. « J'ai passé ma vie à aider les artistes et à les soutenir », soulignait-il.

« Le premier businessman de la mode »

©Pierre Bergé avec Yves Saint Laurent

Expérimenté avec Bernard Buffet, ce rôle de mentor trouvera sa pleine mesure auprès d'un jeune couturier prometteur, appelé à remplacer Christian Dior au pied levé : Yves-Mathieu Saint-Laurent. Pierre Bergé rencontre ce natif d'Oran en janvier 1958, alors qu'il vient de faire une entrée fulgurante dans le milieu des couturiers en présentant sa première collection. De là, naîtra l'une des plus belles histoires de la mode du XXème siècle. « Un cordon ombilical nous relie », affirmera-t-il. Lorsqu'Yves Saint Laurent est évincé de chez Dior, c'est Pierre Bergé qui trouve les fonds nécessaires pour l'aider à créer sa propre maison de couture. Esthète, passionné par l'art, Pierre Bergé mettra durant plus de quatre décennies son incroyable sens des affaires au service de ses passions et de ses amis. « Ce fut le premier businessman de la mode », reconnaîtra le styliste Tom Ford. Par deux fois, en cédant la griffe en 1993 au groupe Elf-Aquitaine, puis en 1999 à François Pinault, il réalisera des opérations financières considérées par les experts comme de véritables « coups de maître ». Il se fera toutefois épinglé par la Commission des opérations de Bourse (COB) qui lui reprochera d'avoir commis un délit d'initié en 1992 et lui infligera une amende d'un million de francs.

Réfugié à partir de fin 1999 sur l'Aventin de la haute couture, Pierre Bergé verra d'un mauvais oeil le duo de Gucci, Domenico De Sole-Tom Ford, s'emparer, sans ménagement, des parfums et du prêt-à-porter de son protégé, et appliquer les méthodes de management qui ont fait le succès du maroquinier florentin. Les relations au sein du tandem Pierre Bergé-Yves Saint Laurent d'une part, et avec la galaxie Pinault d'autre part, ne tarderont pas à se détériorer. Non seulement le couturier et son mentor n'assistent pas à la première collection de prêt-à-porter Yves Saint Laurent conçue par Tom Ford et destinée à revitaliser la marque Rive Gauche. Mais pis encore, ils se rendent au premier défilé d'Hedi Slimane chez Dior Homme, du groupe LVMH (propriétaire du groupe Les Echos). Les tensions deviennent trop fortes. Yves Saint Laurent ne se sent plus maître chez lui. En janvier 2002, Pierre Bergé met en scène avec un art consommé de la dramaturgie, les adieux définitifs d'Yves Saint Laurent. Pour lui, cette décision signe automatiquement la mort de la haute couture. Deux ans plus tard, il crée la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent avec pour mission de conserver le patrimoine créatif du couturier, d'organiser des expositions et de soutenir des actions éducatives en faveur du monde artistique. En 2008, Yves Saint Laurent s'éteint à 71 ans à son domicile parisien des suites d'un cancer du cerveau, créant un vif émoi dans le monde de la couture parisienne. L'année suivante, une grande vente aux enchères - alors rebaptisée « la vente du siècle - est organisée sous la nef du Grand Palais par les maisons Christie's et Pierre Bergé & Associés, rassemblant 733 lots ayant appartenu au couple et vendus pour un total de 373 millions d'euros.

Une place croissante auprès de François Mitterrand

Doté de centres d'intérêt multiples, Pierre Bergé ne s'est pas contenté d'être le Pygmalion d'Yves Saint Laurent. Outre la mode qu'il considère comme un art, il s'intéresse à la littérature, au théâtre, à la peinture et à la musique. En 1977, il fonde, au théâtre de l'Athénée Louis-Jouvet, les « lundis musicaux » au cours desquels se produiront des artistes tels que Montserrat Caballe, Placido Domingo, Kiri Te Kanawa ou Jessye Norman. Il se fait également le mécène de nombreuses opérations culturelles, sauvant par exemple la maison de Zola à Médan ou contribuant à l'installation d'un pyramidion doré au sommet de l'obélisque de la place de la Concorde.

Une autre rencontre va élargir considérablement sa palette : à l'art et aux affaires va venir s'ajouter la politique. En 1984, Jack Lang, alors ministre de la Culture, présente à François Mitterrand celui qui fait partie des rares patrons à avoir soutenu la gauche en 1981. Entre les deux hommes natifs des Charentes naîtra une amitié improbable mais solide. Ce lien lui vaudra d'être nommé, en 1989, à la tête de l'Opéra de Paris. Structure regroupant non seulement Garnier et Favard mais aussi Bastille, qui figure parmi les « grands travaux » du président Mitterrand et qui fait l'objet de vigoureuses querelles entre la gauche et la droite. A ce poste très exposé, Pierre Bergé livrera, durant cinq ans et demi, des batailles tout autant politiques que musicales. Réputé pour ses colères et pour un certain autoritarisme, il s'oppose, dès le départ, à Daniel Barenboïm auquel il reproche d'avoir concentré tous les pouvoirs et de n'être pas assez présent à Paris. Le montant des émoluments versés au directeur musical choque pour un opéra censé être populaire. Pierre Bergé, l'ami des artistes, n'en renvoie pas moins Baremboïm et fait alors le pari de la jeunesse en nommant le chef sud-coréen Myung Whun Chung. Parallèlement à son long règne à la tête de l'Opéra de Paris, Pierre Bergé prend une place croissante auprès de François Mitterrand. Alors que les courtisans désertent peu à peu un homme rongé par la maladie et par les révélations sur son passé, lui s'en rapproche de plus en plus. « Depuis 1988, il est celui que les journalistes interrogent pour savoir ce que pense le Président », note Georges-Marc Benamou.

L'ouverture prochaine de deux musées

Pierre Bergé devient ainsi le mécène et l'éditorialiste du magazine « Globe », véritablement « mitterrandolâtre », et use de toute son influence pour rendre impossible une éventuelle candidature Rocard à l'élection présidentielle de 1995. Lionel Jospin ne sera pas mieux loti : ayant réclamé un droit d'inventaire sur l'héritage Mitterrand, il s'attire les foudres d'un Pierre Bergé qui pousse même la provocation jusqu'à soutenir Jacques Chirac au premier tour de l'élection. « Je ne suis pas socialiste, je ne suis donc pas obligé moralement de soutenir un candidat socialiste », expliquera-t-il avec une logique assez perverse. Proche de Laurent Fabius, il n'hésitera pas, dans l'une de ces formules acérées qu'il affectionnait, à s'en prendre au « menton mussolinien » de Lionel Jospin. Gardien ombrageux, sourcilleux et intransigeant de la mémoire de l'ancien président de la République, il prendra, à sa mort, la tête de l'institut François Mitterrand.

Incarnation pour beaucoup d'une certaine « gauche caviar », agnostique et laïque, il revendiquera publiquement son homosexualité et soutiendra très activement le magazine gay Têtu - qu'il a financé jusqu'en 2013. Car, au fil des années, l'homme d'influence s'est doublé d'un homme de combat. C'est très officiellement qu'il s'engage dans la lutte contre le sida, via l'association Arcat-Sida, et contre le racisme, à travers son soutien à SOS-Racisme.

Homme de presse, Pierre Bergé devient en 2010, aux côtés de Matthieu Pigasse et Xavier Niel, actionnaire du Monde, dont il assure la présidence du conseil de surveillance. Sa disparition, ce vendredi 8 septembre, survient quelques semaines avant l'inauguration de deux musées dédiés à l'oeuvre de son ancien compagnon Yves Saint Laurent, l'un à Paris et l'autre à Marrakech.

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