Jonathan Groff dans Mindhunter
@Netflix
Le réalisateur adapte sur Netflix l’essai d’un agent du FBI et précurseur du “profilage” à la fin des années 1970. Un thriller psychologique rigoureux et captivant, dont nous avons pu voir les deux premiers épisodes avant le lancement de la série sur Netflix, le 13 octobre 2017.
David Fincher est fasciné par les esprits hors norme, que le commun des mortels ne semble pouvoir cerner. Celui de Mark Zuckerberg dans The Social Network (2010), du yuppie en crise de Fight Club (1999),de l’épouse mystérieuse de Gone Girl (2014). Mais aussi les esprits malades des tueurs en série de Seven(1995), Millénium (2011) et Zodiac(2007). Il réalise et produit pour Netflix la série Mindhunter, adaptation de l’essai Agent spécial du FBI : j’ai traqué des serial killers (éd. du Rocher),signé John E. Douglas (avec Mark Olshaker). A la fin des années 1970, cet agent spécial a imaginé les fondements du « profilage », en allant interviewer en prison les pires criminels de l’époque, dans l’espoir de comprendre leur façon de penser et d’agir. Mindhunter met en scène une version romancée de son enquête, menée par Holden Ford, un jeune négociateur ambitieux et passionné (Jonathan Groff, vu dans Looking), et Bill Tench, son partenaire plus âgé et mesuré (Holt McCallany, vu dans Lights out).
Aux origines du profilage
« Que faire quand le mobile du crime est insaisissable ? » La question est plusieurs fois répétée au cours des deux premiers épisodes de Mindhunter – les seuls rendus visibles en amont à la presse. Ford, négociateur et formateur adepte de l’écoute et du dialogue en toutes circonstances, veut trouver un moyen de rationaliser les gestes de ceux que ses supérieurs appellent des « fous ». Au fait des dernières théories académiques sur le sujet, il s’engage dans une étude dont la question clé est résumée par son coéquipier : « Comment anticiper la folie des assassins si nous ne savons pas comment ils pensent ? » Ensemble, les deux hommes sillonnent le pays à la rencontre des flics locaux d’abord, pour les former aux rudiments de ce qui ne s’appelle pas encore le « profilage », puis, rapidement, des plus célèbres tueurs en série du pays, à commencer par Ed Kemper, alias l’Ogre de Santa Cruz, condamné pour avoir tué et décapité six femmes… dont sa propre mère.
Road-trip atypique
Scénarisée par Joe Penhall (responsable de l’adaptation cinématographique de La Route, de Cormac McCarthy) et la dramaturge Jennifer Haley, Mindhunter porte, dès ses premiers plans, la marque de David Fincher, producteur et réalisateur de quatre épisodes : photo élégante, légèrement glacée, cadre millimétré, souplesse des mouvements de caméra et montage « cut ». Comme House of cards en son temps, la série fait d’abord preuve d’une certaine rigidité, qui se ressent autant dans son application formelle que dans l’interprétation de Jonathan Groff, engoncé dans son costume-cravate. Penhall, Haley et Fincher tiennent visiblement à prendre leur sujet au sérieux, et à ne pas glisser vers la psychologie de bas étage et les lieux communs qui pullulent dans la plupart des séries de profilage comme Esprits criminels. La minutie scientifique de Mindhunter, les longues discussions et les réflexions techniques qui rythment ces premiers épisodes les rendent d’abord peu séduisants.
Holt McCallany, Anna Torv et Jonathan Groff dans Mindhunter.
@Netflix
Heureusement, on comprend vite qu’il se cache derrière ce road-trip atypique une réflexion passionnante. Ford et Tench ne s’attaquent pas seulement à une question criminelle. Ils affrontent une perte de sens généralisée, une disparition des valeurs sur lesquelles on pensait que la société américaine reposait solidement. Isolés dans un système qui préfère encore prendre les lois à la lettre et ne jamais questionner leurs sens, les deux agents réalisent un travail qui tient autant de la réforme policière que de la psychanalyse. Plus l’humain joue un rôle important dans Mindhunter, plus on se passionne et on s’interroge sur la direction que prendra l’intrigue. C’est au terme du deuxième épisode, quand les personnages ont eu un peu de temps pour s’épaissir et faire connaissance, que la série laisse apercevoir tout son potentiel.
Source d’inspiration
Si ces promesses se confirment, Mindhunter pourrait être une sorte de « buddy movie », l’histoire de deux flics charismatiques, incarnés par deux excellents comédiens (qui seront par la suite rejoints par la non moins excellente Anna Torv, vue dans Fringe). Elle devra pour cela tenir un équilibre entre suspense et réflexion sur « l’esprit criminel » et sa frontière avec celui du flic qui le traque – où s’arrête la raison, et où débute la « folie » ? Très intelligemment, les scénaristes y ajoutent peu à peu une bonne dose d’humour, qui repose sur les énergies complémentaires du délicat Groff et du rugueux McCallany. Le livre de Olshaker et Douglas ayant servi de source d’inspiration à nombre de fictions sur les tueurs en série, à commencer par Le Silence des agneaux,Mindhunter offre une sorte de préambule, appliqué mais prenant, à un genre jamais démodé.
Retrouvez notre entretien avec David Fincher dans Télérama, en kiosque le mercredi 25 octobre.
Jonathan Groff dans Mindhunter
@Netflix
Le réalisateur adapte sur Netflix l’essai d’un agent du FBI et précurseur du “profilage” à la fin des années 1970. Un thriller psychologique rigoureux et captivant, dont nous avons pu voir les deux premiers épisodes avant le lancement de la série sur Netflix, le 13 octobre 2017.
David Fincher est fasciné par les esprits hors norme, que le commun des mortels ne semble pouvoir cerner. Celui de Mark Zuckerberg dans The Social Network (2010), du yuppie en crise de Fight Club (1999),de l’épouse mystérieuse de Gone Girl (2014). Mais aussi les esprits malades des tueurs en série de Seven(1995), Millénium (2011) et Zodiac(2007). Il réalise et produit pour Netflix la série Mindhunter, adaptation de l’essai Agent spécial du FBI : j’ai traqué des serial killers (éd. du Rocher),signé John E. Douglas (avec Mark Olshaker). A la fin des années 1970, cet agent spécial a imaginé les fondements du « profilage », en allant interviewer en prison les pires criminels de l’époque, dans l’espoir de comprendre leur façon de penser et d’agir. Mindhunter met en scène une version romancée de son enquête, menée par Holden Ford, un jeune négociateur ambitieux et passionné (Jonathan Groff, vu dans Looking), et Bill Tench, son partenaire plus âgé et mesuré (Holt McCallany, vu dans Lights out).
Aux origines du profilage
« Que faire quand le mobile du crime est insaisissable ? » La question est plusieurs fois répétée au cours des deux premiers épisodes de Mindhunter – les seuls rendus visibles en amont à la presse. Ford, négociateur et formateur adepte de l’écoute et du dialogue en toutes circonstances, veut trouver un moyen de rationaliser les gestes de ceux que ses supérieurs appellent des « fous ». Au fait des dernières théories académiques sur le sujet, il s’engage dans une étude dont la question clé est résumée par son coéquipier : « Comment anticiper la folie des assassins si nous ne savons pas comment ils pensent ? » Ensemble, les deux hommes sillonnent le pays à la rencontre des flics locaux d’abord, pour les former aux rudiments de ce qui ne s’appelle pas encore le « profilage », puis, rapidement, des plus célèbres tueurs en série du pays, à commencer par Ed Kemper, alias l’Ogre de Santa Cruz, condamné pour avoir tué et décapité six femmes… dont sa propre mère.
Road-trip atypique
Scénarisée par Joe Penhall (responsable de l’adaptation cinématographique de La Route, de Cormac McCarthy) et la dramaturge Jennifer Haley, Mindhunter porte, dès ses premiers plans, la marque de David Fincher, producteur et réalisateur de quatre épisodes : photo élégante, légèrement glacée, cadre millimétré, souplesse des mouvements de caméra et montage « cut ». Comme House of cards en son temps, la série fait d’abord preuve d’une certaine rigidité, qui se ressent autant dans son application formelle que dans l’interprétation de Jonathan Groff, engoncé dans son costume-cravate. Penhall, Haley et Fincher tiennent visiblement à prendre leur sujet au sérieux, et à ne pas glisser vers la psychologie de bas étage et les lieux communs qui pullulent dans la plupart des séries de profilage comme Esprits criminels. La minutie scientifique de Mindhunter, les longues discussions et les réflexions techniques qui rythment ces premiers épisodes les rendent d’abord peu séduisants.
Holt McCallany, Anna Torv et Jonathan Groff dans Mindhunter.
@Netflix
Heureusement, on comprend vite qu’il se cache derrière ce road-trip atypique une réflexion passionnante. Ford et Tench ne s’attaquent pas seulement à une question criminelle. Ils affrontent une perte de sens généralisée, une disparition des valeurs sur lesquelles on pensait que la société américaine reposait solidement. Isolés dans un système qui préfère encore prendre les lois à la lettre et ne jamais questionner leurs sens, les deux agents réalisent un travail qui tient autant de la réforme policière que de la psychanalyse. Plus l’humain joue un rôle important dans Mindhunter, plus on se passionne et on s’interroge sur la direction que prendra l’intrigue. C’est au terme du deuxième épisode, quand les personnages ont eu un peu de temps pour s’épaissir et faire connaissance, que la série laisse apercevoir tout son potentiel.
Source d’inspiration
Si ces promesses se confirment, Mindhunter pourrait être une sorte de « buddy movie », l’histoire de deux flics charismatiques, incarnés par deux excellents comédiens (qui seront par la suite rejoints par la non moins excellente Anna Torv, vue dans Fringe). Elle devra pour cela tenir un équilibre entre suspense et réflexion sur « l’esprit criminel » et sa frontière avec celui du flic qui le traque – où s’arrête la raison, et où débute la « folie » ? Très intelligemment, les scénaristes y ajoutent peu à peu une bonne dose d’humour, qui repose sur les énergies complémentaires du délicat Groff et du rugueux McCallany. Le livre de Olshaker et Douglas ayant servi de source d’inspiration à nombre de fictions sur les tueurs en série, à commencer par Le Silence des agneaux,Mindhunter offre une sorte de préambule, appliqué mais prenant, à un genre jamais démodé.
Retrouvez notre entretien avec David Fincher dans Télérama, en kiosque le mercredi 25 octobre.
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