On risque d’être aveuglé par son extraordinaire longévité : quand Danielle Darrieux, décédée le 17 octobre à 100 ans, a tourné son premier film, Le Bal, en 1931, le cinéma commençait à peine à parler</a>. Lorsque le dernier long-métrage auquel elle a participé, Pièce montée, de Denys Granier-Deferre, est sorti en 2010, il a été projeté en numérique. Car le vrai prodige de la trajectoire de Danielle Darrieux dans l’histoire du cinéma tient moins à ces huit décennies passées sur les plateaux, qu’à l’inépuisable richesse de sa filmographie : parmi ces 110 titres, on trouvera des chefs-d’œuvre (Madame de…, de Max Ophüls ou L’Affaire Cicéron, de Joseph L. Mankiewicz), de grands divertissements (Premier rendez-vous, d’Henri Decoin ou Huit Femmes, de François Ozon), des films signés par des artisans aujourd’hui oubliés (René Guissart, Henry Koster,Duilio Coletti) et d’autres dirigés par des générations successives d’auteurs, d’Ophüls à Anne Fontaine, en passant par Sacha Guitry, Claude Chabrol, Jacques Demy, André Téchiné, Benoît Jacquot ou Paul Vecchiali.
Ce serait bien assez pour dessiner</a> un destin hors du commun, mais en un siècle, Danielle Darrieux a aussi trouvé le temps d’être en haut de l’affiche des théâtres parisiens (et même, brièvement, de Broadway), de faire</a> de jolies incursions dans la chanson et – accessoirement – de défrayer</a> la chronique mondaine.
Sur un plateau de cinéma dès 14 ans
Danielle Darrieux est née le 1er mai 1917 à Bordeaux. Elle grandit à Paris, élevée par sa mère, devenue veuve très tôt. La famille est désargentée, bohème, mais fréquente la bonne société. A l’Institut de la Tour, la petite Danielle a pour condisciples les enfants de François Mauriac. Elle étudie le piano et le violoncelle, et comme elle chante bien, d’une voix haut perchée, on la destine à une carrière musicale. Jusqu’à ce qu’un ami de la famille suggère que l’adolescente (on est en 1931) passe une audition pour le rôle principal du Bal, adaptation d’un roman d’Irène Némirovsky par le metteur en scène allemand Wilhelm Thiele. Elle fêtera ses 14 ans sur le plateau, et signera aussitôt un contrat avec les producteurs.
Son succès est immédiat et elle enchaîne les tournages « en Allemagne, en Tchécoslovaquie, en Bulgarie », de films qu’elle « confond tous un peu », se souviendra-t-elle plus tard, gardant tout de même une place à part pour Mauvaise Graine (1934), le premier long-métrage d’un exilé autrichien qui poursuivra son chemin jusqu’à Hollywood, Billy Wilder.
Danielle Darrieux est alors très jeune, mais assez consciente des enjeux de sa carrière pour, en 1936, entrer</a> en conflit avec ses producteurs qui veulent la faire tourner</a> sous la direction de Léon (dit Léo) Joannon alors qu’elle vient de se voir</a> offrir</a> le rôle de Marie Vetsera, dans le Mayerling d’Anatole Litvak : « Naturellement, je n’étais pas libre, mais tourner avec Litvak, c’était passer</a> à un autre cinéma, a-t-elle raconté à Dominique Delouche pour son ouvrage Max et Danielle (éd. La Tour verte, 2011). Alors tout simplement, j’ai fait faux bond à Léo Joannon et sa Mademoiselle Mozart pour tourner Mayerling ! Tout mon cachet est passé dans le dédit que m’ont demandé les producteurs. »
En contrat àHollywood
Mayerling est un succès international et Universal invite Danielle Darrieux à découvrir</a> les charmes d’Hollywood. Elle a épousé le scénariste et réalisateur Henri Decoin qui a écrit pour elle le scénario d’un autre de ses succès, Port-Arthur – dans lequel, grimée, elle tient le rôle de l’épouse japonaise d’un officier</a> russe –, et l’a dirigée dans Abus de confiance.
Au printemps 1938, le New York Times décrit ainsi l’arrivée du couple aux Etats-Unis : « Mlle Darrieux est arrivée ici avec un époux du nom d’Henri Decoin, un chien du nom de Flora, un violoncelle et 47 malles d’articles de mode de la rue de la Paix. » Aux côtés de Douglas Fairbanks Jr, elle tourne La Coqueluche de Paris, sous la direction d’Henry Koster. Le film est bien accueilli aux Etats-Unis, mais Danielle Darrieux ne s’y plaît guère. Elle casse son contrat avec Universal et rentre en France à la veille de la deuxième guerre mondiale.
A ce moment, elle a remis sa carrière entre les mains de son metteur en scène de mari. Ils tournent ensemble Retour à l’aube (1938), Battement de cœur (1940) et Premier rendez-vous, qui sort en 1941. Cette comédie lui donne le rôle d’une petite pensionnaire qui se distrait en répondant aux petites annonces sentimentales, se jetant entre les griffes d’un inquiétant personnage (Fernand Ledoux). Danielle Darrieux y pousse la chansonnette d’un air innocent, ce qui dissipe les vapeurs déplaisantes qui émanent de la situation de départ. Le film est un immense succès dans la France occupée.
Quelques mois après sa sortie, son interprète part pour Berlin en compagnie de quelques-uns de ses collègues (dont Suzy Delair et Albert Préjean). Le film a été produit par la Continental, société allemande sise à Paris, et le régime nazi a su trouver</a> les mots qu’il fallait pour convaincre</a> l’interprète de Premier rendez-vous de faire le voyage. Divorcée de Decoin en 1941, elle a épousé en 1942 Porfirio Rubirosa, play-boy aux performances amoureuses hors norme, mais aussi représentant de la République dominicaine en France. L’ex-gendre du dictateur Trujillo s’est répandu en déclarations anti-allemandes, ce qui lui a valu d’être interné. Sa libération a été promise à sa femme en échange d’un contrat avec la Continental et de la visite à Berlin. Les deux parties s’exécutent (Danielle Darrieux tournera deux films pour la firme allemande), et l’actrice se réfugie à Megève avec son époux jusqu’à la Libération. A l’automne 1944, alors que le couple est rentré à Paris, sa voiture est prise pour cible par un groupe de FFI armés, Rubirosa est blessé, l’actrice est indemne.
Mythique dans « Madame de… »
Malgré ces avanies, Danielle Darrieux ne tarde pas à reprendre</a> le chemin des plateaux de cinéma et de théâtre. Il lui faudra plus de temps pour renouer</a> avec le succès artistique. Elle enchaîne en effet des films désormais oubliés avant que Claude Autant-Lara ne lui confie le rôle-titre dans son adaptation d’Occupe-toi d’Amélie (1949) et, surtout, que Max Ophüls ne lui offre de jouer</a> dans La Ronde, en 1950. Sous la direction du metteur en scène de Lettre d’une inconnue, qui vient de mettre</a> un terme à son exil hollywoodien, elle tournera ensuite dans Le Plaisir (1952) et trouvera son plus beau personnage dans Madame de…, d’après Louise de Vilmorin.
De l’histoire de la mondaine dont la vie futile tourne à la tragédie, Danielle Darrieux a dit : « Ça restera mon film, celui grâce auquel on ne m’oubliera pas tout à fait ». Pour la première partie du film, Ophüls lui a demandé « d’incarner l’inexistence », ce qu’elle fait avec une superbe irrésistible avant de briser</a> le cœur de tous les spectateurs, témoins de l’inexorable déchéance de Madame de…
En 1952, Joseph L. Mankiewicz la fait revenir</a> à Hollywood, où elle tourne L’Affaire Cicéron aux côtés de James Mason. Elle incarne une aristocrate qui côtoie le milieu des espions à Ankara, pendant la seconde guerre mondiale. Là, cette actrice, qui se fait une gloire de ne se fier</a> qu’à son instinct, doit recourir</a> à la technique : « Mankiewicz m’a annoncé qu’il allait tourner [une longue scène avec beaucoup de dialogues] en une seule prise. Là, j’étais obligée de faire de la mécanique, a-t-elle raconté au Monde. James Mason m’a fait répéter</a> dans un coin pendant une heure, je jouais en sachant ce que je faisais, ça me gênait presque. »
En France, elle tourne sans arrêt, sous la direction de Guitry (Napoléon, Si Paris nous était conté), de Julien Duvivier (Pot-Bouille, Marie-Octobre), Autant-Lara (Le Rouge et le Noir, Vive Henri IV, vive l’amour). Nombre de ces films sont de grands succès et, en 1958, une enquête du Centre national de la cinématographie la place au troisième rang des actrices les plus populaires, derrière Michèle Morgan et Brigitte Bardot.
En 1953, elle a refusé le premier rôle du Blé en herbe, d’Autant-Lara, parce qu’elle ne se sent « pas prête à jouer les dévoreuses de chair fraîche ». Dès 1954, elle est Madame de Rénal dans Le Rouge et le Noir face au Julien Sorel de Gérard Philipe ; en 1955, elle estLady Chatterley pour Marc Allégret. Cette adaptation de D.H. Lawrence reste dans l’histoire du cinéma pour avoir</a> été censurée aux Etats-Unis, déclenchant un long processus judiciaire qui trouvera son épilogue quatre ans plus tard devant la Cour suprême, qui autorisera la sortie du film.
Divinité tutélaire du cinéma français
Au début des années 1960, Danielle Darrieux attrape la Nouvelle Vague comme peu de ses contemporains ont su le faire. Elle est l’une des conquêtes du Landru de Claude Chabrol et en 1967, la mère de Catherine Deneuve et Françoise Dorléac dans Les Demoiselles de Rochefort. De toute la distribution du film de Jacques Demy, elle est la seule à chanter</a> sur la bande-son, le reste des comédiens étant doublé. Dès 1961, elle apparaît dans Les Petits Drames d’un débutant, Paul Vecchiali, qui lui offrira un grand rôle dans En haut des marches (1983). A l’occasion de la rétrospective que la Cinémathèque a consacrée à Danielle Darrieux en 2009, le cinéaste a écrit un texte à la gloire de son interprète dans lequel il remarque : « Si Danielle Darrieux réussit tout ce qu’elle entreprend, théâtre, cinéma, télévision, chanson, ce n’est pas seulement parce qu’elle est une musicienne pointilleuse (sens du rythme, équilibre de la voix, humour dans les contrepoints), c’est surtout parce que sa santé physique et morale la met à l’abri des glissements morbides, les éclats de rire</a> lui servent de viatique, et les larmes d’exutoire. »
On ne saurait mieux résumer</a> l’extraordinaire deuxième partie de la carrière de l’adolescente du Bal, devenue divinité tutélaire du cinéma français. Au théâtre, Danielle Darrieux, qui a fait une incursion à Broadway en 1970 en succédant à Katharine Hepburn dans le rôle-titre de Coco, musical inspiré de la vie de Chanel, préfère le boulevard. Elle reprend le personnage créé par Jacqueline Maillan dans Potiche en 1982, et termine sa carrière sur scène avec Oscar et la Dame rose, d’Eric-Emmanuel Schmitt, qui lui vaut un Molière en 2003. En 1967, elle a donné un tour de chant qui a connu un certain succès, et l’intégrale des chansons qu’elle a interprétées entre 1931 et 1951 a été éditée en 2002.
Tout en enchaînant les rôles sur grand et petit écrans, elle trouve le moyen de ne pas rater</a> les rendez-vous que lui proposent des cinéastes aussi divers qu’André Téchiné (Le Lieu du crime, en 1986, dans lequel elle est à nouveau la mère de Catherine Deneuve), Benoît Jacquot (Corps et biens, 1986) ou François Ozon (Huit Femmes, 2001). Elle tourne souvent sous la direction de femmes – Marie-Claude Treilhou (Le Jour des rois, 1991), Jeanne Labrune (Ça ira mieux demain, 2000), Anne Fontaine (Nouvelle Chance, 2006) et Marjane Satrapi, qui fera appel à elle pour prêter</a> sa voix à la grand-mère de Persépolis (2007). Ses dernières apparitions à la télévision et au cinéma remontent à 2010.
Read AgainOn risque d’être aveuglé par son extraordinaire longévité : quand Danielle Darrieux, décédée le 17 octobre à 100 ans, a tourné son premier film, Le Bal, en 1931, le cinéma commençait à peine à parler</a>. Lorsque le dernier long-métrage auquel elle a participé, Pièce montée, de Denys Granier-Deferre, est sorti en 2010, il a été projeté en numérique. Car le vrai prodige de la trajectoire de Danielle Darrieux dans l’histoire du cinéma tient moins à ces huit décennies passées sur les plateaux, qu’à l’inépuisable richesse de sa filmographie : parmi ces 110 titres, on trouvera des chefs-d’œuvre (Madame de…, de Max Ophüls ou L’Affaire Cicéron, de Joseph L. Mankiewicz), de grands divertissements (Premier rendez-vous, d’Henri Decoin ou Huit Femmes, de François Ozon), des films signés par des artisans aujourd’hui oubliés (René Guissart, Henry Koster,Duilio Coletti) et d’autres dirigés par des générations successives d’auteurs, d’Ophüls à Anne Fontaine, en passant par Sacha Guitry, Claude Chabrol, Jacques Demy, André Téchiné, Benoît Jacquot ou Paul Vecchiali.
Ce serait bien assez pour dessiner</a> un destin hors du commun, mais en un siècle, Danielle Darrieux a aussi trouvé le temps d’être en haut de l’affiche des théâtres parisiens (et même, brièvement, de Broadway), de faire</a> de jolies incursions dans la chanson et – accessoirement – de défrayer</a> la chronique mondaine.
Sur un plateau de cinéma dès 14 ans
Danielle Darrieux est née le 1er mai 1917 à Bordeaux. Elle grandit à Paris, élevée par sa mère, devenue veuve très tôt. La famille est désargentée, bohème, mais fréquente la bonne société. A l’Institut de la Tour, la petite Danielle a pour condisciples les enfants de François Mauriac. Elle étudie le piano et le violoncelle, et comme elle chante bien, d’une voix haut perchée, on la destine à une carrière musicale. Jusqu’à ce qu’un ami de la famille suggère que l’adolescente (on est en 1931) passe une audition pour le rôle principal du Bal, adaptation d’un roman d’Irène Némirovsky par le metteur en scène allemand Wilhelm Thiele. Elle fêtera ses 14 ans sur le plateau, et signera aussitôt un contrat avec les producteurs.
Son succès est immédiat et elle enchaîne les tournages « en Allemagne, en Tchécoslovaquie, en Bulgarie », de films qu’elle « confond tous un peu », se souviendra-t-elle plus tard, gardant tout de même une place à part pour Mauvaise Graine (1934), le premier long-métrage d’un exilé autrichien qui poursuivra son chemin jusqu’à Hollywood, Billy Wilder.
Danielle Darrieux est alors très jeune, mais assez consciente des enjeux de sa carrière pour, en 1936, entrer</a> en conflit avec ses producteurs qui veulent la faire tourner</a> sous la direction de Léon (dit Léo) Joannon alors qu’elle vient de se voir</a> offrir</a> le rôle de Marie Vetsera, dans le Mayerling d’Anatole Litvak : « Naturellement, je n’étais pas libre, mais tourner avec Litvak, c’était passer</a> à un autre cinéma, a-t-elle raconté à Dominique Delouche pour son ouvrage Max et Danielle (éd. La Tour verte, 2011). Alors tout simplement, j’ai fait faux bond à Léo Joannon et sa Mademoiselle Mozart pour tourner Mayerling ! Tout mon cachet est passé dans le dédit que m’ont demandé les producteurs. »
En contrat àHollywood
Mayerling est un succès international et Universal invite Danielle Darrieux à découvrir</a> les charmes d’Hollywood. Elle a épousé le scénariste et réalisateur Henri Decoin qui a écrit pour elle le scénario d’un autre de ses succès, Port-Arthur – dans lequel, grimée, elle tient le rôle de l’épouse japonaise d’un officier</a> russe –, et l’a dirigée dans Abus de confiance.
Au printemps 1938, le New York Times décrit ainsi l’arrivée du couple aux Etats-Unis : « Mlle Darrieux est arrivée ici avec un époux du nom d’Henri Decoin, un chien du nom de Flora, un violoncelle et 47 malles d’articles de mode de la rue de la Paix. » Aux côtés de Douglas Fairbanks Jr, elle tourne La Coqueluche de Paris, sous la direction d’Henry Koster. Le film est bien accueilli aux Etats-Unis, mais Danielle Darrieux ne s’y plaît guère. Elle casse son contrat avec Universal et rentre en France à la veille de la deuxième guerre mondiale.
A ce moment, elle a remis sa carrière entre les mains de son metteur en scène de mari. Ils tournent ensemble Retour à l’aube (1938), Battement de cœur (1940) et Premier rendez-vous, qui sort en 1941. Cette comédie lui donne le rôle d’une petite pensionnaire qui se distrait en répondant aux petites annonces sentimentales, se jetant entre les griffes d’un inquiétant personnage (Fernand Ledoux). Danielle Darrieux y pousse la chansonnette d’un air innocent, ce qui dissipe les vapeurs déplaisantes qui émanent de la situation de départ. Le film est un immense succès dans la France occupée.
Quelques mois après sa sortie, son interprète part pour Berlin en compagnie de quelques-uns de ses collègues (dont Suzy Delair et Albert Préjean). Le film a été produit par la Continental, société allemande sise à Paris, et le régime nazi a su trouver</a> les mots qu’il fallait pour convaincre</a> l’interprète de Premier rendez-vous de faire le voyage. Divorcée de Decoin en 1941, elle a épousé en 1942 Porfirio Rubirosa, play-boy aux performances amoureuses hors norme, mais aussi représentant de la République dominicaine en France. L’ex-gendre du dictateur Trujillo s’est répandu en déclarations anti-allemandes, ce qui lui a valu d’être interné. Sa libération a été promise à sa femme en échange d’un contrat avec la Continental et de la visite à Berlin. Les deux parties s’exécutent (Danielle Darrieux tournera deux films pour la firme allemande), et l’actrice se réfugie à Megève avec son époux jusqu’à la Libération. A l’automne 1944, alors que le couple est rentré à Paris, sa voiture est prise pour cible par un groupe de FFI armés, Rubirosa est blessé, l’actrice est indemne.
Mythique dans « Madame de… »
Malgré ces avanies, Danielle Darrieux ne tarde pas à reprendre</a> le chemin des plateaux de cinéma et de théâtre. Il lui faudra plus de temps pour renouer</a> avec le succès artistique. Elle enchaîne en effet des films désormais oubliés avant que Claude Autant-Lara ne lui confie le rôle-titre dans son adaptation d’Occupe-toi d’Amélie (1949) et, surtout, que Max Ophüls ne lui offre de jouer</a> dans La Ronde, en 1950. Sous la direction du metteur en scène de Lettre d’une inconnue, qui vient de mettre</a> un terme à son exil hollywoodien, elle tournera ensuite dans Le Plaisir (1952) et trouvera son plus beau personnage dans Madame de…, d’après Louise de Vilmorin.
De l’histoire de la mondaine dont la vie futile tourne à la tragédie, Danielle Darrieux a dit : « Ça restera mon film, celui grâce auquel on ne m’oubliera pas tout à fait ». Pour la première partie du film, Ophüls lui a demandé « d’incarner l’inexistence », ce qu’elle fait avec une superbe irrésistible avant de briser</a> le cœur de tous les spectateurs, témoins de l’inexorable déchéance de Madame de…
En 1952, Joseph L. Mankiewicz la fait revenir</a> à Hollywood, où elle tourne L’Affaire Cicéron aux côtés de James Mason. Elle incarne une aristocrate qui côtoie le milieu des espions à Ankara, pendant la seconde guerre mondiale. Là, cette actrice, qui se fait une gloire de ne se fier</a> qu’à son instinct, doit recourir</a> à la technique : « Mankiewicz m’a annoncé qu’il allait tourner [une longue scène avec beaucoup de dialogues] en une seule prise. Là, j’étais obligée de faire de la mécanique, a-t-elle raconté au Monde. James Mason m’a fait répéter</a> dans un coin pendant une heure, je jouais en sachant ce que je faisais, ça me gênait presque. »
En France, elle tourne sans arrêt, sous la direction de Guitry (Napoléon, Si Paris nous était conté), de Julien Duvivier (Pot-Bouille, Marie-Octobre), Autant-Lara (Le Rouge et le Noir, Vive Henri IV, vive l’amour). Nombre de ces films sont de grands succès et, en 1958, une enquête du Centre national de la cinématographie la place au troisième rang des actrices les plus populaires, derrière Michèle Morgan et Brigitte Bardot.
En 1953, elle a refusé le premier rôle du Blé en herbe, d’Autant-Lara, parce qu’elle ne se sent « pas prête à jouer les dévoreuses de chair fraîche ». Dès 1954, elle est Madame de Rénal dans Le Rouge et le Noir face au Julien Sorel de Gérard Philipe ; en 1955, elle estLady Chatterley pour Marc Allégret. Cette adaptation de D.H. Lawrence reste dans l’histoire du cinéma pour avoir</a> été censurée aux Etats-Unis, déclenchant un long processus judiciaire qui trouvera son épilogue quatre ans plus tard devant la Cour suprême, qui autorisera la sortie du film.
Divinité tutélaire du cinéma français
Au début des années 1960, Danielle Darrieux attrape la Nouvelle Vague comme peu de ses contemporains ont su le faire. Elle est l’une des conquêtes du Landru de Claude Chabrol et en 1967, la mère de Catherine Deneuve et Françoise Dorléac dans Les Demoiselles de Rochefort. De toute la distribution du film de Jacques Demy, elle est la seule à chanter</a> sur la bande-son, le reste des comédiens étant doublé. Dès 1961, elle apparaît dans Les Petits Drames d’un débutant, Paul Vecchiali, qui lui offrira un grand rôle dans En haut des marches (1983). A l’occasion de la rétrospective que la Cinémathèque a consacrée à Danielle Darrieux en 2009, le cinéaste a écrit un texte à la gloire de son interprète dans lequel il remarque : « Si Danielle Darrieux réussit tout ce qu’elle entreprend, théâtre, cinéma, télévision, chanson, ce n’est pas seulement parce qu’elle est une musicienne pointilleuse (sens du rythme, équilibre de la voix, humour dans les contrepoints), c’est surtout parce que sa santé physique et morale la met à l’abri des glissements morbides, les éclats de rire</a> lui servent de viatique, et les larmes d’exutoire. »
On ne saurait mieux résumer</a> l’extraordinaire deuxième partie de la carrière de l’adolescente du Bal, devenue divinité tutélaire du cinéma français. Au théâtre, Danielle Darrieux, qui a fait une incursion à Broadway en 1970 en succédant à Katharine Hepburn dans le rôle-titre de Coco, musical inspiré de la vie de Chanel, préfère le boulevard. Elle reprend le personnage créé par Jacqueline Maillan dans Potiche en 1982, et termine sa carrière sur scène avec Oscar et la Dame rose, d’Eric-Emmanuel Schmitt, qui lui vaut un Molière en 2003. En 1967, elle a donné un tour de chant qui a connu un certain succès, et l’intégrale des chansons qu’elle a interprétées entre 1931 et 1951 a été éditée en 2002.
Tout en enchaînant les rôles sur grand et petit écrans, elle trouve le moyen de ne pas rater</a> les rendez-vous que lui proposent des cinéastes aussi divers qu’André Téchiné (Le Lieu du crime, en 1986, dans lequel elle est à nouveau la mère de Catherine Deneuve), Benoît Jacquot (Corps et biens, 1986) ou François Ozon (Huit Femmes, 2001). Elle tourne souvent sous la direction de femmes – Marie-Claude Treilhou (Le Jour des rois, 1991), Jeanne Labrune (Ça ira mieux demain, 2000), Anne Fontaine (Nouvelle Chance, 2006) et Marjane Satrapi, qui fera appel à elle pour prêter</a> sa voix à la grand-mère de Persépolis (2007). Ses dernières apparitions à la télévision et au cinéma remontent à 2010.
Bagikan Berita Ini
0 Response to "La comédienne Danielle Darrieux est morte, à l'âge de 100 ans"
Post a Comment