Prix du roman des étudiants France Culture-Télérama
Yann Rabanier pour Télérama
Violoniste passée à l’écriture, Léonor de Récondo est la lauréate du prix du Roman des étudiants.
Avant la plume, il y eut l’archet. De 5 à 30 ans, Léonor de Récondo, lauréate 2017 du prix du Roman des étudiants France Culture-Télérama, n’a vécu que pour son violon. De Boston, où une bourse l’a envoyée en 1994 étudier au New England Conservatory of Music, jusqu’à La Haye, où elle s’est spécialisée en musique baroque, elle a toujours fait corps avec son instrument : « Le violon, c’est dans ma peau. J’ai besoin d’en jouer tous les jours. J’aime sentir l’épaisseur du son. C’est physique, j’ai grandi avec. » Mais chacun sait l’importance des silences en musique. La vertu régénératrice des soupirs. Au petit matin ou tard dans la nuit, entre deux avions, deux concerts, l’écriture s’est glissée comme une évidence. Des journaux intimes, pour commencer, puis le roman s’est imposé. Lentement, l’identité artistique de Léonor de Récondo s’est dédoublée. Quoi de plus normal qu’elle ait consacré son œuvre littéraire à l’ambivalence et à la découverte de soi ?
Son violon ne s’est pas tu, mais ses livres ont été lus, son art de passer au laser le trouble des existences s’est su. En 2013, face au succès du splendide Pietra viva, autour d’un Michel-Ange trentenaire, il a fallu qu’elle admette l’accord parfait : elle était devenue violoniste et écrivaine à parts égales. L’inspiration lui était née de vacances en Toscane, entre 4 et 14 ans, à l’ombre de son père sculpteur et peintre. Fille d’artistes, Léonor n’a jamais imaginé d’autre chemin : « Mes parents m’ont appris à vivre pour la beauté du monde et le dépassement de soi par la discipline artistique. Il faut être là pour montrer d’autres regards transcendés, c’est ce qui m’anime. »
Parfois le regard se fait prémonitoire, l’œuvre se niche dans le murmure contemporain, à l’insu de son créateur. C’est ce qui est arrivé à Léonor de Récondo, dont les derniers romans ont anticipé l’actualité avec une intuition sidérante. Paru il y a quatre ans, Amours raconte la libération homosexuelle d’une femme de chambre soumise au droit de cuissage par son patron, dans les années 1900. Quant à Point cardinal, il relate la transformation d’un père de famille en femme. Lors des rencontres avec les jurés du prix du Roman des étudiants France Culture-Télérama, la romancière a été étonnée de découvrir « une génération aussi concernée par la question du genre. Cela date des manifestations d’opposition au mariage pour tous. Les 15-25 ans ont pris conscience qu’on pouvait leur ôter la liberté d’être ce qu’ils ont envie d’être ». A 41 ans, elle ne se souvient pas d’avoir eu ces préoccupations à leur âge : « J’ai grandi à l’ombre du sida. Je suis de la génération du repli sur soi par rapport à la sexualité. Un repli lié à la peur, vers quelque chose de plus conventionnel, avec un retour en force de la maternité. J’ai l’impression que les jeunes sont en train de rouvrir ce qui s’était refermé. »
Epuré, limpide, magnétique, Point cardinal participe à cette ouverture. Pour la première fois, elle s’y est heurtée à un écueil révélateur de l’évolution des consciences : « J’ai beaucoup travaillé sur ce basculement dans l’écriture, où mon héros Laurent cesse d’être “il” pour devenir “elle”. L’aventure linguistique de l’évolution de ce pronom m’a permis de sentir combien la langue française est genrée. Les réflexions actuelles sur la grammaire me passionnent. La langue fait état de l’avancée de la pensée d’une société. On voit bien qu’il y a quelque chose qui bouge, et c’est salutaire. » Le prénom Léonor ne prend pas de « e » final. Comme suspendu, plein de promesses •
Prix du roman des étudiants France Culture-Télérama
Yann Rabanier pour Télérama
Violoniste passée à l’écriture, Léonor de Récondo est la lauréate du prix du Roman des étudiants.
Avant la plume, il y eut l’archet. De 5 à 30 ans, Léonor de Récondo, lauréate 2017 du prix du Roman des étudiants France Culture-Télérama, n’a vécu que pour son violon. De Boston, où une bourse l’a envoyée en 1994 étudier au New England Conservatory of Music, jusqu’à La Haye, où elle s’est spécialisée en musique baroque, elle a toujours fait corps avec son instrument : « Le violon, c’est dans ma peau. J’ai besoin d’en jouer tous les jours. J’aime sentir l’épaisseur du son. C’est physique, j’ai grandi avec. » Mais chacun sait l’importance des silences en musique. La vertu régénératrice des soupirs. Au petit matin ou tard dans la nuit, entre deux avions, deux concerts, l’écriture s’est glissée comme une évidence. Des journaux intimes, pour commencer, puis le roman s’est imposé. Lentement, l’identité artistique de Léonor de Récondo s’est dédoublée. Quoi de plus normal qu’elle ait consacré son œuvre littéraire à l’ambivalence et à la découverte de soi ?
Son violon ne s’est pas tu, mais ses livres ont été lus, son art de passer au laser le trouble des existences s’est su. En 2013, face au succès du splendide Pietra viva, autour d’un Michel-Ange trentenaire, il a fallu qu’elle admette l’accord parfait : elle était devenue violoniste et écrivaine à parts égales. L’inspiration lui était née de vacances en Toscane, entre 4 et 14 ans, à l’ombre de son père sculpteur et peintre. Fille d’artistes, Léonor n’a jamais imaginé d’autre chemin : « Mes parents m’ont appris à vivre pour la beauté du monde et le dépassement de soi par la discipline artistique. Il faut être là pour montrer d’autres regards transcendés, c’est ce qui m’anime. »
Parfois le regard se fait prémonitoire, l’œuvre se niche dans le murmure contemporain, à l’insu de son créateur. C’est ce qui est arrivé à Léonor de Récondo, dont les derniers romans ont anticipé l’actualité avec une intuition sidérante. Paru il y a quatre ans, Amours raconte la libération homosexuelle d’une femme de chambre soumise au droit de cuissage par son patron, dans les années 1900. Quant à Point cardinal, il relate la transformation d’un père de famille en femme. Lors des rencontres avec les jurés du prix du Roman des étudiants France Culture-Télérama, la romancière a été étonnée de découvrir « une génération aussi concernée par la question du genre. Cela date des manifestations d’opposition au mariage pour tous. Les 15-25 ans ont pris conscience qu’on pouvait leur ôter la liberté d’être ce qu’ils ont envie d’être ». A 41 ans, elle ne se souvient pas d’avoir eu ces préoccupations à leur âge : « J’ai grandi à l’ombre du sida. Je suis de la génération du repli sur soi par rapport à la sexualité. Un repli lié à la peur, vers quelque chose de plus conventionnel, avec un retour en force de la maternité. J’ai l’impression que les jeunes sont en train de rouvrir ce qui s’était refermé. »
Epuré, limpide, magnétique, Point cardinal participe à cette ouverture. Pour la première fois, elle s’y est heurtée à un écueil révélateur de l’évolution des consciences : « J’ai beaucoup travaillé sur ce basculement dans l’écriture, où mon héros Laurent cesse d’être “il” pour devenir “elle”. L’aventure linguistique de l’évolution de ce pronom m’a permis de sentir combien la langue française est genrée. Les réflexions actuelles sur la grammaire me passionnent. La langue fait état de l’avancée de la pensée d’une société. On voit bien qu’il y a quelque chose qui bouge, et c’est salutaire. » Le prénom Léonor ne prend pas de « e » final. Comme suspendu, plein de promesses •
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