RFI : Le genre sera le fil rouge du 72e Festival d’Avignon. Est-ce votre réponse à un monde de plus en plus hybride dans beaucoup de domaines ?
Olivier Py : Le genre est une question de société qui devient mondiale et qui dépasse tout à fait les questions de discriminations, les questions de LGBT [Lesbiennes, gays, bisexuels et trans, ndlr] ou les questions de trans-identités. Le genre est une question centrale. Il se trouve que le théâtre a toujours abordé cette question. Donc, lui consacrer un festival, cela permet de faire un festival très varié, très ouvert et qui n’est pas propagandiste.
L’ouverture de la Cour d’honneur du Palais des papes sera assurée par Thomas Jolly, à 36 ans déjà une valeur sûre du Festival. Il met en scène Thyeste, de Sénèque. Pour vous, c’est la pièce « la plus sanglante dans l’histoire du théâtre ». Quel est l’enjeu derrière ce choix ?
Thomas Jolly est un homme qui peut s’enorgueillir de faire du théâtre populaire. Il fait un théâtre populaire, mais extrêmement exigeant. Il a voulu travailler sur une tragédie de Sénèque qui reprend les histoires des Atrides, mais très en amont, et qui est effectivement très violente et assez peu connue. On connaît mal la tragédie romaine. Il s’intéressait à la question de l’irreprésentable : comment représenter l’irreprésentable ? Des enfants seront présents sur scène, d’ailleurs avec la Maîtrise d’Avignon et de l’Opéra-Comique.
Trois créations viendront du Caire : Le Cri du Caire d’Abdullah Miniawy, Mama d’Ahmed El Attar et Fille des Égyptiens/Nes de BNT Al Masarwa. L’Égypte, est-ce une scène artistique qui vous inspire particulièrement ?
Pas particulièrement. Le monde arabe en général m’inspire, qu’il soit maghrébin, du Machrek ou oriental. Je suis attiré par le Sud et je crois que c’est très important et fondamental pour l’Europe. Et puis, en France, la question de l’intégration des Arabes et des musulmans est une question de société tellement lourde, voire violente et clivante. Donc, on apporte des éléments de réponse en programmant souvent des spectacles en langue arabe qui questionnent la vie de l’après-révolution arabe.
L’année dernière, la création de l’Afrique subsaharienne avait droit à un focus. Quelle suite donnez-vous cette année aux artistes africains ?
Il faut continuer à les programmer et on continuera à le faire. Cette année, il y aura un spectacle de danse qui viendra du Burkina Faso [Ben & Luc, de Mickaël Phelippeau (Orléans/Ouagadougou)]. Il y a une très grande énergie, à la fois en danse, mais aussi chez les écrivains et RFI en témoigne chaque année [avec le cycle de lectures Ça va, ça va le Monde !]. À l’avenir, la francophonie sera riche d’abord par l’Afrique. La France doit beaucoup à l’Afrique, parce que sa francophonie produit des auteurs extraordinaires.
Summerless, d’Amir Reza Koohestani, viendra de Téhéran pour raconter les heurs et malheurs de son pays. L’Iran est assez présent en France par le cinéma, la bande dessinée, la photographie… et le Louvre-Lens vient d’ouvrir une grande exposition sur l’art qajar (1786-1925) qui a porté l’Iran vers la modernité. Mais, il y a très peu de pièces de théâtre iraniennes sur les scènes françaises, à tort ?
Certainement à tort, mais c’est toujours plus difficile de travailler avec le monde de la scène, il faut des institutions, il faut l’organiser, c’est toujours plus dur… Koohestani est déjà venu en 2016 au Festival d’Avignon. Il fait partie des artistes qui parlent parfaitement bien de leur propre pays et ils le font d’une manière singulière. Il le fait toujours avec des anecdotes très courtes, mais très incisives. Cela sera peut-être un spectacle encore plus poétique que le précédent.
Pale Blue Dot (Le petit point bleu), d’Étienne Gaudillère, racontera l’histoire de WikiLeaks. Lors de la présentation de la programmation, vous évoquiez plusieurs fois aussi la surinformation et les fake news. En ce moment tout le monde est en train de faire son mea culpa là-dessus. Le monde du théâtre, a-t-il aussi des choses à se reprocher, par exemple de vouloir trop rester en dehors de l’univers numérique ?
Le théâtre n’a commis aucune faute. Ce sont les politiques qui ont commis des fautes. Le théâtre rencontre des questions qui sont des questions démocratiques et non pas des questions technologiques. La vérité, l’accès à la vérité, le changement dans le monde médiologique [une démarche essayant de surmonter l’opposition entre la culture et la technique, ndlr], l’avenir de la presse, tout cela, ce sont des questions dont on peut parler au théâtre, parce qu’au théâtre, on ne peut pas douter de la vérité, elle est face à nous.
► L’avant-programme de la 72e édition du Festival d’Avignon (6 et le 24 juillet).
Read AgainRFI : Le genre sera le fil rouge du 72e Festival d’Avignon. Est-ce votre réponse à un monde de plus en plus hybride dans beaucoup de domaines ?
Olivier Py : Le genre est une question de société qui devient mondiale et qui dépasse tout à fait les questions de discriminations, les questions de LGBT [Lesbiennes, gays, bisexuels et trans, ndlr] ou les questions de trans-identités. Le genre est une question centrale. Il se trouve que le théâtre a toujours abordé cette question. Donc, lui consacrer un festival, cela permet de faire un festival très varié, très ouvert et qui n’est pas propagandiste.
L’ouverture de la Cour d’honneur du Palais des papes sera assurée par Thomas Jolly, à 36 ans déjà une valeur sûre du Festival. Il met en scène Thyeste, de Sénèque. Pour vous, c’est la pièce « la plus sanglante dans l’histoire du théâtre ». Quel est l’enjeu derrière ce choix ?
Thomas Jolly est un homme qui peut s’enorgueillir de faire du théâtre populaire. Il fait un théâtre populaire, mais extrêmement exigeant. Il a voulu travailler sur une tragédie de Sénèque qui reprend les histoires des Atrides, mais très en amont, et qui est effectivement très violente et assez peu connue. On connaît mal la tragédie romaine. Il s’intéressait à la question de l’irreprésentable : comment représenter l’irreprésentable ? Des enfants seront présents sur scène, d’ailleurs avec la Maîtrise d’Avignon et de l’Opéra-Comique.
Trois créations viendront du Caire : Le Cri du Caire d’Abdullah Miniawy, Mama d’Ahmed El Attar et Fille des Égyptiens/Nes de BNT Al Masarwa. L’Égypte, est-ce une scène artistique qui vous inspire particulièrement ?
Pas particulièrement. Le monde arabe en général m’inspire, qu’il soit maghrébin, du Machrek ou oriental. Je suis attiré par le Sud et je crois que c’est très important et fondamental pour l’Europe. Et puis, en France, la question de l’intégration des Arabes et des musulmans est une question de société tellement lourde, voire violente et clivante. Donc, on apporte des éléments de réponse en programmant souvent des spectacles en langue arabe qui questionnent la vie de l’après-révolution arabe.
L’année dernière, la création de l’Afrique subsaharienne avait droit à un focus. Quelle suite donnez-vous cette année aux artistes africains ?
Il faut continuer à les programmer et on continuera à le faire. Cette année, il y aura un spectacle de danse qui viendra du Burkina Faso [Ben & Luc, de Mickaël Phelippeau (Orléans/Ouagadougou)]. Il y a une très grande énergie, à la fois en danse, mais aussi chez les écrivains et RFI en témoigne chaque année [avec le cycle de lectures Ça va, ça va le Monde !]. À l’avenir, la francophonie sera riche d’abord par l’Afrique. La France doit beaucoup à l’Afrique, parce que sa francophonie produit des auteurs extraordinaires.
Summerless, d’Amir Reza Koohestani, viendra de Téhéran pour raconter les heurs et malheurs de son pays. L’Iran est assez présent en France par le cinéma, la bande dessinée, la photographie… et le Louvre-Lens vient d’ouvrir une grande exposition sur l’art qajar (1786-1925) qui a porté l’Iran vers la modernité. Mais, il y a très peu de pièces de théâtre iraniennes sur les scènes françaises, à tort ?
Certainement à tort, mais c’est toujours plus difficile de travailler avec le monde de la scène, il faut des institutions, il faut l’organiser, c’est toujours plus dur… Koohestani est déjà venu en 2016 au Festival d’Avignon. Il fait partie des artistes qui parlent parfaitement bien de leur propre pays et ils le font d’une manière singulière. Il le fait toujours avec des anecdotes très courtes, mais très incisives. Cela sera peut-être un spectacle encore plus poétique que le précédent.
Pale Blue Dot (Le petit point bleu), d’Étienne Gaudillère, racontera l’histoire de WikiLeaks. Lors de la présentation de la programmation, vous évoquiez plusieurs fois aussi la surinformation et les fake news. En ce moment tout le monde est en train de faire son mea culpa là-dessus. Le monde du théâtre, a-t-il aussi des choses à se reprocher, par exemple de vouloir trop rester en dehors de l’univers numérique ?
Le théâtre n’a commis aucune faute. Ce sont les politiques qui ont commis des fautes. Le théâtre rencontre des questions qui sont des questions démocratiques et non pas des questions technologiques. La vérité, l’accès à la vérité, le changement dans le monde médiologique [une démarche essayant de surmonter l’opposition entre la culture et la technique, ndlr], l’avenir de la presse, tout cela, ce sont des questions dont on peut parler au théâtre, parce qu’au théâtre, on ne peut pas douter de la vérité, elle est face à nous.
► L’avant-programme de la 72e édition du Festival d’Avignon (6 et le 24 juillet).
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