Search

Ready Player One - la critique du dernier film de Steven Spielberg

Steven Spielberg, le grand maître du merveilleux au cinéma, livre un festin visuel avec "Ready Player One", un spectacle étourdissant qui pèche un peu par sa narration. 

Hasard du calendrier, la récente sortie de Tomb Raider avait relancé une question aussi vieille que l’Atari 2600. Verra-t-on, un jour, un bon film sur un jeu vidéo ? Il aura fallu, finalement, attendre deux semaines de plus - et que Steven Spielberg se saisisse de la manette. Certes, son dernier film est l’adaptation d’un livre sur un jeu vidéo, fictif qui plus est, mais dans “Ready Player One”, le grand maître du merveilleux au cinéma a su restituer mieux que quiconque l’immersion et le plaisir vidéoludique dans un long métrage accessible à tous.

Fable futuriste et traditionnel conte "spielbergien" sur le passage à l’âge adulte, “Ready Player One” met en scène un monde où les humains n’ont plus que leurs écrans pour exister. Tout dans la réalité est délabré. La ville, les vies, l’espoir. Mieux vaut s’évader dans l'OASIS, un univers virtuel accessible via un casque connecté, dans lequel chacun pourra se réinventer ; avec enfin la chance de pouvoir réussir, sous une forme idéale et divertissante. Car son créateur a conçu le jeu comme son ultime coffre à jouets, rempli de tous ses personnages préférés.

“Où est Charlie ?” avec les personnages légendaires de la pop culture

Les spectateurs, eux, vont jouer à “Où est Charlie ?” durant plus de deux heures. Films et séries, comics et manga, jeux vidéo… Il serait vain de se lancer dans le détail des caméos des légendes de la pop culture, tant elles semblent toutes présentes - absolument toutes. On aura, en revanche, une pensée émue pour l’équipe de juristes chargée des copyrights, et une promesse pour tenter les cinéphiles : celle d’une séquence magistrale dédiée à l’un des plus grand films de l’histoire, chef d'oeuvre d’un ami proche de Spielberg.

À l’écran, tout cela donne un grand huit éblouissant. Avec une énergie à vous épuiser tous les jeunots d’écoles de cinéma, le vétéran de 71 ans sert un festin visuel aux mille couleurs, et pourtant jamais criard, et une cavalcade de moments spectaculaires dont il a le secret. Après “Pentagon Papers”, son pamphlet pour une juste place des femmes dans la société et la liberté de presse, c’est l’autre Spielberg que l’on retrouve ici, le réalisateur d’Indiana Jones, E.T., Jurassic Park… et de Hook, aussi.

Un film incroyablement vivant, mais qui pèche par sa narration

Comme son adaptation de Peter Pan, “Ready Player One” est un film incroyablement vivant, étourdissant même, mais qui pèche par sa narration. Après un premier acte d’exposition à marche forcée, voix-off didactique à l’appui, le scénario avance en pilote automatique, va parfois vite en besogne, au point de perdre de sa cohérence. Le rythme effréné rend l’affaire un peu plus brouillonne encore, et l’on a l’impression de subir le film, plutôt que de le suivre. Ses personnages, forcément superficiel malgré la prestation solide de Tye Sheridan et Olivia Cooke, en pâtissent. Là aussi, on les écoute plus qu’on ne s’y attache.

Le spectacle l’emporte aussi sur le propos du film. À voir cette société entièrement connectée, il vient à l’esprit cette fameuse image du patron de Facebook, Mark Zuckerberg, remontant une salle pleine d'individus portant tous des lunettes de réalité augmentée, tels des morts-vivants du réel, et qui avait saisi d’effroi l'opinion publique. “Ready Player One” n’est jamais la catharsis de cette grande peur de notre époque, celle de la dissolution de la réalité, de la perte du vrai.

Un bel auto-portrait 

À son corps défendant, cela ne semble jamais être l’intention de Spielberg. Si l’on peut regretter que le réalisateur de “Minority Report” (son grand film de SF, où la technologie de l’information se trouvait, comme ici, un enjeu de pouvoir) ne prenne pas cette voie, il serait difficile de juger son film pour ce qu’il ne souhaite pas être. “Ready Player One” se veut une ode à la culture populaire, à ses spectateurs, à ses lecteurs à ses joueurs, à ses rêveurs, à tous ses amoureux obsessionnels.

Plus qu’un commentaire sociétal donc, on trouvera plutôt un gentil coup de griffe contre les gestionnaires sans imagination, qui n’ont d’autre idée que d’exploiter chaque pixel par de la publicité, à travers le personnage du grand méchant (Ben Mendelsohn, toujours impeccable). Et bien sûr, dans celui James Halliday (Mark Rylance, génial en vieil ado déconnecté de la réalité), le pourvoyeur de rêve, l’ éternel gamin et le créateur prisonnier de son oeuvre, un bel auto-portrait de Steven Spielberg.

Retrouvez ce week-end notre grand entretien avec Steven Spielberg... 

Let's block ads! (Why?)

Read Again

Steven Spielberg, le grand maître du merveilleux au cinéma, livre un festin visuel avec "Ready Player One", un spectacle étourdissant qui pèche un peu par sa narration. 

Hasard du calendrier, la récente sortie de Tomb Raider avait relancé une question aussi vieille que l’Atari 2600. Verra-t-on, un jour, un bon film sur un jeu vidéo ? Il aura fallu, finalement, attendre deux semaines de plus - et que Steven Spielberg se saisisse de la manette. Certes, son dernier film est l’adaptation d’un livre sur un jeu vidéo, fictif qui plus est, mais dans “Ready Player One”, le grand maître du merveilleux au cinéma a su restituer mieux que quiconque l’immersion et le plaisir vidéoludique dans un long métrage accessible à tous.

Fable futuriste et traditionnel conte "spielbergien" sur le passage à l’âge adulte, “Ready Player One” met en scène un monde où les humains n’ont plus que leurs écrans pour exister. Tout dans la réalité est délabré. La ville, les vies, l’espoir. Mieux vaut s’évader dans l'OASIS, un univers virtuel accessible via un casque connecté, dans lequel chacun pourra se réinventer ; avec enfin la chance de pouvoir réussir, sous une forme idéale et divertissante. Car son créateur a conçu le jeu comme son ultime coffre à jouets, rempli de tous ses personnages préférés.

“Où est Charlie ?” avec les personnages légendaires de la pop culture

Les spectateurs, eux, vont jouer à “Où est Charlie ?” durant plus de deux heures. Films et séries, comics et manga, jeux vidéo… Il serait vain de se lancer dans le détail des caméos des légendes de la pop culture, tant elles semblent toutes présentes - absolument toutes. On aura, en revanche, une pensée émue pour l’équipe de juristes chargée des copyrights, et une promesse pour tenter les cinéphiles : celle d’une séquence magistrale dédiée à l’un des plus grand films de l’histoire, chef d'oeuvre d’un ami proche de Spielberg.

À l’écran, tout cela donne un grand huit éblouissant. Avec une énergie à vous épuiser tous les jeunots d’écoles de cinéma, le vétéran de 71 ans sert un festin visuel aux mille couleurs, et pourtant jamais criard, et une cavalcade de moments spectaculaires dont il a le secret. Après “Pentagon Papers”, son pamphlet pour une juste place des femmes dans la société et la liberté de presse, c’est l’autre Spielberg que l’on retrouve ici, le réalisateur d’Indiana Jones, E.T., Jurassic Park… et de Hook, aussi.

Un film incroyablement vivant, mais qui pèche par sa narration

Comme son adaptation de Peter Pan, “Ready Player One” est un film incroyablement vivant, étourdissant même, mais qui pèche par sa narration. Après un premier acte d’exposition à marche forcée, voix-off didactique à l’appui, le scénario avance en pilote automatique, va parfois vite en besogne, au point de perdre de sa cohérence. Le rythme effréné rend l’affaire un peu plus brouillonne encore, et l’on a l’impression de subir le film, plutôt que de le suivre. Ses personnages, forcément superficiel malgré la prestation solide de Tye Sheridan et Olivia Cooke, en pâtissent. Là aussi, on les écoute plus qu’on ne s’y attache.

Le spectacle l’emporte aussi sur le propos du film. À voir cette société entièrement connectée, il vient à l’esprit cette fameuse image du patron de Facebook, Mark Zuckerberg, remontant une salle pleine d'individus portant tous des lunettes de réalité augmentée, tels des morts-vivants du réel, et qui avait saisi d’effroi l'opinion publique. “Ready Player One” n’est jamais la catharsis de cette grande peur de notre époque, celle de la dissolution de la réalité, de la perte du vrai.

Un bel auto-portrait 

À son corps défendant, cela ne semble jamais être l’intention de Spielberg. Si l’on peut regretter que le réalisateur de “Minority Report” (son grand film de SF, où la technologie de l’information se trouvait, comme ici, un enjeu de pouvoir) ne prenne pas cette voie, il serait difficile de juger son film pour ce qu’il ne souhaite pas être. “Ready Player One” se veut une ode à la culture populaire, à ses spectateurs, à ses lecteurs à ses joueurs, à ses rêveurs, à tous ses amoureux obsessionnels.

Plus qu’un commentaire sociétal donc, on trouvera plutôt un gentil coup de griffe contre les gestionnaires sans imagination, qui n’ont d’autre idée que d’exploiter chaque pixel par de la publicité, à travers le personnage du grand méchant (Ben Mendelsohn, toujours impeccable). Et bien sûr, dans celui James Halliday (Mark Rylance, génial en vieil ado déconnecté de la réalité), le pourvoyeur de rêve, l’ éternel gamin et le créateur prisonnier de son oeuvre, un bel auto-portrait de Steven Spielberg.

Retrouvez ce week-end notre grand entretien avec Steven Spielberg... 

Let's block ads! (Why?)



Bagikan Berita Ini

Related Posts :

0 Response to "Ready Player One - la critique du dernier film de Steven Spielberg"

Post a Comment

Powered by Blogger.