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Balance ton Nobel

Profondément destabilisée par un scandale sexuel, l'Académie suédoise met en veille le prix Nobel de littérature 2018.

L'Académie suédoise, qui décerne chaque année le Prix Nobel de littérature depuis 1901, a officiellement renoncé à attribuer la fameuse distinction en 2018. La raison ? La prestigieuse institution est profondément déstabilisée par un scandale de moeurs dont le protagoniste principal est... un Français ! 

En janvier dernier, L'Express a été le premier média hexagonal à révéler "l'affaire Jean-Claude Arnault", du nom de l'époux français de l'académicienne Katarina Frostensson, poétesse, dramaturge et essayiste suédoise.  

À LIRE AUSSI >> Jean-Claude Arnault, le Prix Nobel du harcèlement  

Né à Marseille, Arnault est depuis plusieurs décennies l'une des figures les plus en vue et les plus influentes du monde littéraire suédois. Longtemps au coeur de terribles rumeurs dans le Tout-Stockholm, celui que l'on surnommait Jean-Kladd (soit Jean-Crade) est aujourd'hui accusé d'agressions sexuelles et de viols par au moins dix-huit femmes. Leurs témoignages ont été publiés en novembre par le grand quotidien Dagens Nyheter dans la foulée de l'affaire Weinstein.  

Deux clans s'opposent

Le 1er avril dernier, la chaîne TF1 a consacré un édifiant reportage à l'affaire, sous le titre "Nobel, le scandale sexuel", dans l'émission Sept à Huit.  

Nulle part ailleurs dans le monde, le mouvement #MeToo n'a eu autant de retentissement qu'en Suède, débouchant sur une seconde révolution féministe (après celle des années 1960). 

En janvier, les Suédoises avaient d'ailleurs vivement réagi à la tribune sur la liberté d'importuner signée par 100 Françaises dont Catherine Millet et Catherine Deneuve. Lire-ci dessous. 

À LIRE AUSSI >> Critiquée dans la tribune signée par Deneuve, la Suède éclate de rire 

Au royaume scandinave, l'affaire Jean-Claude Arnault est la conséquence la plus visible du mouvement #MeToo.  

Après les révélations de Dagens Nyheter, à l'automne dernier, les dix-huit membres de l'Académie suédoise commencent à se déchirer. Deux clans s'opposent. L'un reproche à l'autre de refuser de briser l'omerta et de "couvrir" Jean-Claude Arnault .  

Sous les feux des projecteurs, la Secrétaire perpétuelle Sara Danius ordonne une enquête interne, qu'elle confie à un cabinet d'avocats. L'enquête dure trois mois, pendant lesquels le poison de la division continue de se répandre parmi les académiciens. 

Démissions en série

Plusieurs d'entre eux démissionnent. D'autres exigent que Katarina Frostensson, restée solidaire de son mari français, quitte l'Académie. Absent de Stockholm, le couple a disparu de la circulation depuis lors. Il serait, dit-on, réfugié en France. Sous pression, la poétesse finit par démissionner. 

Les querelles internes se poursuivent. Accusée par l'un des académiciens d'être "la pire secrétaire perpétuelle depuis la création de l'institution", Sara Danius jette l'éponge. Le départ de la première femme à occuper cette fonction renforce le soupçon de sexisme qui plane déjà sur l'Académie suédoise, certains membres étant soupçonnés de connaitre parfaitement les moeurs d'Arnault. 

Dans un communiqué la Secrétaire perpétuelle avait d'ailleurs évoqué le comportement importun de ce dernier à l'égard de certaines académiciennes et... de leurs filles! 

Le roi s'en mêle

Les démissions s'enchaînent. Elles finissent par rendre impossible la désignation d'un prix Nobel de littérature en 2018. Selon les statuts de l'Académie, ses membres ne peuvent pas se réunir (et encore moins choisir un lauréat) si le quorum de onze académiciens n'est pas atteint. Or il ne l'est plus.  

Face à cette crise, qui jette le discrédit le plus complet sur l'institution la plus respectée de Suède, le roi de Suède Carl XVI Gustav lui-même se sent obligé de s'exprimer, en sa qualité de protecteur de l'institution fondée en 1786 par l'un de ses prédécesseur, le francophile Gustav III.  

Le roi actuel annonce notamment une modification des statuts. Désormais les membres de la Svenska Akademin ont la possibilité de démissionner. Jusqu'à présent cette éventualité n'avait même jamais été envisagée.... "Un académicien inactif pendant deux ans sera considéré comme démissionnaire", selon les nouveaux statuts.  

Le report du Nobel 2018, la modification des statuts et la nomination de nouveaux membres dans un avenir plus ou moins proche doivent, espère-t-on en Suède, permettre à l'Académie suédoise de retrouver un semblant de sérénité. Pour l'heure, l'institution, naguère admirée, ressemble à un champ de ruine.  

Seule consolation, les cinq autres prix Nobel ne sont pas en péril. Ils sont décernés chaque année, à l'automne, par l'Académie royale des sciences (prix de physique et prix de chimie), par l'institut Karolinska (prix de médecine), par le parlement norvégien (de la paix), par la Banque du Suède (économie). 

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Profondément destabilisée par un scandale sexuel, l'Académie suédoise met en veille le prix Nobel de littérature 2018.

L'Académie suédoise, qui décerne chaque année le Prix Nobel de littérature depuis 1901, a officiellement renoncé à attribuer la fameuse distinction en 2018. La raison ? La prestigieuse institution est profondément déstabilisée par un scandale de moeurs dont le protagoniste principal est... un Français ! 

En janvier dernier, L'Express a été le premier média hexagonal à révéler "l'affaire Jean-Claude Arnault", du nom de l'époux français de l'académicienne Katarina Frostensson, poétesse, dramaturge et essayiste suédoise.  

À LIRE AUSSI >> Jean-Claude Arnault, le Prix Nobel du harcèlement  

Né à Marseille, Arnault est depuis plusieurs décennies l'une des figures les plus en vue et les plus influentes du monde littéraire suédois. Longtemps au coeur de terribles rumeurs dans le Tout-Stockholm, celui que l'on surnommait Jean-Kladd (soit Jean-Crade) est aujourd'hui accusé d'agressions sexuelles et de viols par au moins dix-huit femmes. Leurs témoignages ont été publiés en novembre par le grand quotidien Dagens Nyheter dans la foulée de l'affaire Weinstein.  

Deux clans s'opposent

Le 1er avril dernier, la chaîne TF1 a consacré un édifiant reportage à l'affaire, sous le titre "Nobel, le scandale sexuel", dans l'émission Sept à Huit.  

Nulle part ailleurs dans le monde, le mouvement #MeToo n'a eu autant de retentissement qu'en Suède, débouchant sur une seconde révolution féministe (après celle des années 1960). 

En janvier, les Suédoises avaient d'ailleurs vivement réagi à la tribune sur la liberté d'importuner signée par 100 Françaises dont Catherine Millet et Catherine Deneuve. Lire-ci dessous. 

À LIRE AUSSI >> Critiquée dans la tribune signée par Deneuve, la Suède éclate de rire 

Au royaume scandinave, l'affaire Jean-Claude Arnault est la conséquence la plus visible du mouvement #MeToo.  

Après les révélations de Dagens Nyheter, à l'automne dernier, les dix-huit membres de l'Académie suédoise commencent à se déchirer. Deux clans s'opposent. L'un reproche à l'autre de refuser de briser l'omerta et de "couvrir" Jean-Claude Arnault .  

Sous les feux des projecteurs, la Secrétaire perpétuelle Sara Danius ordonne une enquête interne, qu'elle confie à un cabinet d'avocats. L'enquête dure trois mois, pendant lesquels le poison de la division continue de se répandre parmi les académiciens. 

Démissions en série

Plusieurs d'entre eux démissionnent. D'autres exigent que Katarina Frostensson, restée solidaire de son mari français, quitte l'Académie. Absent de Stockholm, le couple a disparu de la circulation depuis lors. Il serait, dit-on, réfugié en France. Sous pression, la poétesse finit par démissionner. 

Les querelles internes se poursuivent. Accusée par l'un des académiciens d'être "la pire secrétaire perpétuelle depuis la création de l'institution", Sara Danius jette l'éponge. Le départ de la première femme à occuper cette fonction renforce le soupçon de sexisme qui plane déjà sur l'Académie suédoise, certains membres étant soupçonnés de connaitre parfaitement les moeurs d'Arnault. 

Dans un communiqué la Secrétaire perpétuelle avait d'ailleurs évoqué le comportement importun de ce dernier à l'égard de certaines académiciennes et... de leurs filles! 

Le roi s'en mêle

Les démissions s'enchaînent. Elles finissent par rendre impossible la désignation d'un prix Nobel de littérature en 2018. Selon les statuts de l'Académie, ses membres ne peuvent pas se réunir (et encore moins choisir un lauréat) si le quorum de onze académiciens n'est pas atteint. Or il ne l'est plus.  

Face à cette crise, qui jette le discrédit le plus complet sur l'institution la plus respectée de Suède, le roi de Suède Carl XVI Gustav lui-même se sent obligé de s'exprimer, en sa qualité de protecteur de l'institution fondée en 1786 par l'un de ses prédécesseur, le francophile Gustav III.  

Le roi actuel annonce notamment une modification des statuts. Désormais les membres de la Svenska Akademin ont la possibilité de démissionner. Jusqu'à présent cette éventualité n'avait même jamais été envisagée.... "Un académicien inactif pendant deux ans sera considéré comme démissionnaire", selon les nouveaux statuts.  

Le report du Nobel 2018, la modification des statuts et la nomination de nouveaux membres dans un avenir plus ou moins proche doivent, espère-t-on en Suède, permettre à l'Académie suédoise de retrouver un semblant de sérénité. Pour l'heure, l'institution, naguère admirée, ressemble à un champ de ruine.  

Seule consolation, les cinq autres prix Nobel ne sont pas en péril. Ils sont décernés chaque année, à l'automne, par l'Académie royale des sciences (prix de physique et prix de chimie), par l'institut Karolinska (prix de médecine), par le parlement norvégien (de la paix), par la Banque du Suède (économie). 

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