Cannes 2018 - “Le Monde est à toi” de Romain Gavras, farce pop à la française

Le Monde est à toi avec Isabelle Adjani, Karim Leklou — *Le Monde est à toi* avec Isabelle Adjani et Karim Leklou.

© StudioCanal

Un petit dealer, une mère jouant les divas et un père roi de la lose… Avec ses situations vaseuses, ses trognes et son casting de luxe, le polar de Romain Gavras renouvelle habillement la comédie à la française. Clinquant à souhait et méchant comme il faut.

Pour les moins de 30 ans, Romain Gavras est un demi-dieu. C’est lui qui a mis en image de manière percutante des sons fameux, de M.I.A. à Justice. Il a su dans le clip marier l’impossible : la provocation, l’inventivité, l’humour. Toutes ces qualités qui font l’attrait manifeste du Monde est à toi. François, un petit dealer (Karim Leklou, formidable, en faux nigaud) rêve d’un business ringard mais peinard : être le roi de la vente de Mister Freeze (le célèbre baton glacé) au Maghreb. En attendant, il est obligé de composer, de subir surtout les tocades d’un jeune caïd imprévisible surnommé Poutine, dont la violence n’a d’égale que la bêtise. François est entouré de proches peu fiables : un beau-père ancien taulard (Vincent Cassel, parfait en Mesrine de la lose) qui parle tout seul et voit partout les signes d’un complot surnaturel, deux jeunes loups du trafic prêts à tout, une mère combinarde et extravagante jouant les divas sans en avoir vraiment les moyens (Isabelle Adjani)…

Un savoureux défilé de pieds nickelés et de bras cassés

Le Monde est à toi est une farce pop made in France, qui redonne pas mal de sang neuf à la comédie française. Hyper codé, truffé de clins d’œil (à Scarface, entre autres), le film cultive un humour accueillant volontiers le malaise et l’absurde. Pas vraiment de gags ici, mais des trognes, des situations vaseuses, de la férocité comme dans cette bonne comédie italienne d’antan. Au cœur d’ambiances clinquantes à souhait, Romain Gavras orchestre un défilé savoureux de pieds nickelés et de bras cassés. Sa satire débute dans une gigantesque cité de banlieue en arc de cercle (du vieux moderne des années 70), puis se poursuit sous le soleil éclatant d’Espagne, le long de la Costa Brava. On craint d’abord que cette histoire de revente d’une cargaison de cannabis ne tourne en rond, mais l’intrigue se révèle bien plus fournie que prévue, avec des retournements inattendus. Le casting de luxe (en plus des stars sus-citées, il y a Philippe Katerine, François Damiens….) se prête très bien au jeu, peaufinant outrance et autodérision. Outre la comédie italienne, on pense aussi à Quentin Tarantino, référence écrasante. Romain Gavras n’a pas encore toute la maîtrise de l’auteur de Jackie Brown. N’empêche il s’en approche. Depuis Notre jour viendra (2010), il a en tout cas fait beaucoup de chemin.