La majorité des marques qui défilent à Milan sont des institutions au moins quadragénaires. Avec le prestige de l’âge viennent aussi les défis. S’adapter à l’époque sans renier</a> son identité est crucial : sans cela, pas de survie possible. Plus tendu que jamais, le marché de la mode de 2018 exige toujours plus d’efficacité et de modernité, et les maisons italiennes sont particulièrement sous pression.

Connue pour ses tissus ultraluxe et ses motifs cachemire, la maison Etro fête cette année ses 50 ans. Pour l’occasion, Veronica Etro, qui signe les collections de mode féminine, a choisi de prendre</a> une toute nouvelle direction créative. Aux collections précédentes, très « voyageuse chic et cultivée », succède cette saison un esprit plus pop et sportif. Des filles équipées de planches de surf ou de skate se baladent dans la salle en maillot de bain ou mini-robe stretch à motifs presque fluo. Dans leur paradis exotique imaginaire, elles croisent des sylphides pop en grandes robes volantées et acidulées très seventies, abritées du soleil sous d’immenses capelines coordonnées. Avec cette collection, la créatrice vise clairement une clientèle plus jeune. Le virage paraît un peu brutal, et le parti pris écarte de manière radicale le riche ADN esthétique de la maison. Celui-ci est d’ailleurs très bien mis en valeur dans une rétrospective présentée au Musée de la culture de la ville de Milan.

C’est la saison des anniversaires dans la capitale de la mode italienne : Missoni célèbre ses 65 ans. Avec ses mailles multicolores, la maison toujours familiale incarne l’art de vivre</a> d’une époque : celle d’un après-guerre où l’Italie est devenue le paradis prospère des vacances au soleil et des fêtes épiques de ce qu’on appelait alors la « jet-set internationale ». Ces images de carte postale ont fait la fortune de Missoni. Directrice artistique de la maison et fille des fondateurs, Angela Missoni s’attache à éviter</a> la nostalgie et les clichés « dolce vita ». Avec ses silhouettes façon pyjamas aux tissages arachnéens et aux dégradés de teintes délicates, sa collection possède un indéniable charme poétique et sensible.

La nostalgie des années flamboyantes de Versace, quarante ans après sa naissance, a récemment fait remonter</a> la cote de la maison. Donatella Versace (qui a succédé à son frère Gianni assassiné en 1997) veille à cultiver</a> l’esprit Versace, un mélange de style baroque fun et confit dans les dorures qui a connu ses grandes heures dans les années 1980 et 1990. Pour l’été, la créatrice propose des silhouettes saturées d’imprimés et de couleurs tirées des archives. Les tulles drapés et fleuris sont enroulés serrés sur les silhouettes et composent des mosaïques qui font palpiter</a> la rétine ; les tailleurs pantalons ultra-graphiques sont entièrement habillés de carreaux optiques, les cuirs et les jerseys de couleurs vives enveloppent les corps de coulées lumineuses. Il y a beaucoup de recherche dans la collection. Versace est une maison adorée – y compris par les nouvelles générations – pour sa mode sexy et festive ; mais ici, il y a parfois trop d’effets superposés, trop d’histoires qui se croisent sur la même silhouette. Le style Versace perd de sa légèreté et donc de son efficacité.

Roberto Cavalli est une autre légende du glamour à l’italienne née dans les années 1970. Ses imprimés panthère ont habillé aussi bien les stars d’Hollywood que les femmes de footballeurs. Alors qu’elle approche la cinquantaine, la maison traverse une phase hésitante. Après le retrait du fondateur et le bref passage du Norvégien Peter Dundas, c’est aujourd’hui l’Anglais Paul Surridge qui signe les collections. Shorts cyclistes brodés, mini-robes volantées aux découpes asymétriques sur les hanches, silhouettes de jersey drapées et torsadées à même le corps, imprimés saturés sur des pièces tailleur composent un ensemble hétéroclite. Le créateur peine à capter</a> le côté flamboyant et décomplexé de la marque et à l’adapter à 2018. La nouvelle vie de Cavalli est encore incertaine mais pour cette maison comme pour les autres, rien n’est perdu : ce travail de gestation peut prendre du temps, tant pis si le monde de la mode n’est pas très patient.

Salvatore Ferragamo, par exemple, a connu quelques errances avant de trouver</a> la saison dernière son duo idéal de designers. Ensemble, l’Anglais Paul Andrew (chausseur comme le fondateur) pour la mode femme et le Français Guillaume Meilland pour la mode homme inventent un chic Ferragamo pour aujourd’hui. A 90 ans, la maison connue à l’origine pour ses souliers glamour aux formes inventives n’a pas vraiment d’image mode dans la mémoire collective. Les designers en profitent pour modeler</a> en liberté une identité qui mixe minimalisme intemporel et sensualité des matières et des couleurs à l’italienne. Beiges mats et satins aux teintes de bijoux, lignes droites et fluides, grandes jupes asymétriques ou salopette de cuir extrafin, imprimés tropicaux et effets sport-urbain… Leur seconde collection est équilibrée, moderne et raffinée. Elle confirme l’impression laissée par les débuts du duo la saison dernière. La nouvelle allure Ferragamo paraît promise à un bel avenir</a>.

A Milan, il y a aussi des maisons qui tiennent à rester</a> dans leur bulle, loin des questionnements et avancées de leur industrie, et plus largement, du monde. C’est le cas de l’inébranlable Giorgio Armani, qui reçoit comme chaque saison dans son palais minimaliste signé par l’architecte japonais Tadao Ando. Sa collection est aérienne : on y croise des silhouettes semi-translucides qui superposent soies, organza, maille et Rhodoïde. Hypnotique comme un ballet extraterrestre au fond d’un océan, le défilé décline à l’infini cette vision très précise. Inutile de chercher</a> là la moindre tendance, le créateur y est allergique. Le style Armani vit en autarcie, immunisé contre les influences extérieures.

Le cas Dolce & Gabbana est différent. Le duo de designers a beaucoup travaillé sur un casting très en phase avec l’époque et l’insatiable appétit des réseaux sociaux pour les stars et les images spectaculaires. Au générique du show, on croise donc Monica Bellucci, Carla Bruni, Isabella Rossellini, son fils, sa fille et son petit-fils, d’autres enfants de stars (ceux de Pamela Anderson ou encore de Jude Law), des mannequins de toutes tailles, âges, origines et corpulences, des couples hétérosexuels et homosexuels… Ce condensé qui défend la diversité et l’égalité, une idée de grande famille humaine universelle, est parfaitement dans l’air du temps et aussi dans la logique des créateurs qui, il y a deux saisons, dédiaient leurs créations aux millennials.
Pour habiller</a> ce monde moderne, Dolce & Gabbana joue la carte de l’immuable style italien. Sur le podium se succèdent silhouettes de veuves dévotes corsetés de noir ou de vamp Cinecitta, maxi ou mini-robe à cascades de volants fleuris, imprimés nature ou produits du marché, motifs tirés de l’iconographie religieuse qui transforment les tenues en ex-voto et quelques tailleurs richement rebrodés. Grosses baskets et maxi sweat-shirts apportent une très discrète touche street à une collection qui célèbre une Italie fantasmée, source d’inspiration permanente de la marque. Envers et contre tout.
Read AgainLa majorité des marques qui défilent à Milan sont des institutions au moins quadragénaires. Avec le prestige de l’âge viennent aussi les défis. S’adapter à l’époque sans renier</a> son identité est crucial : sans cela, pas de survie possible. Plus tendu que jamais, le marché de la mode de 2018 exige toujours plus d’efficacité et de modernité, et les maisons italiennes sont particulièrement sous pression.

Connue pour ses tissus ultraluxe et ses motifs cachemire, la maison Etro fête cette année ses 50 ans. Pour l’occasion, Veronica Etro, qui signe les collections de mode féminine, a choisi de prendre</a> une toute nouvelle direction créative. Aux collections précédentes, très « voyageuse chic et cultivée », succède cette saison un esprit plus pop et sportif. Des filles équipées de planches de surf ou de skate se baladent dans la salle en maillot de bain ou mini-robe stretch à motifs presque fluo. Dans leur paradis exotique imaginaire, elles croisent des sylphides pop en grandes robes volantées et acidulées très seventies, abritées du soleil sous d’immenses capelines coordonnées. Avec cette collection, la créatrice vise clairement une clientèle plus jeune. Le virage paraît un peu brutal, et le parti pris écarte de manière radicale le riche ADN esthétique de la maison. Celui-ci est d’ailleurs très bien mis en valeur dans une rétrospective présentée au Musée de la culture de la ville de Milan.

C’est la saison des anniversaires dans la capitale de la mode italienne : Missoni célèbre ses 65 ans. Avec ses mailles multicolores, la maison toujours familiale incarne l’art de vivre</a> d’une époque : celle d’un après-guerre où l’Italie est devenue le paradis prospère des vacances au soleil et des fêtes épiques de ce qu’on appelait alors la « jet-set internationale ». Ces images de carte postale ont fait la fortune de Missoni. Directrice artistique de la maison et fille des fondateurs, Angela Missoni s’attache à éviter</a> la nostalgie et les clichés « dolce vita ». Avec ses silhouettes façon pyjamas aux tissages arachnéens et aux dégradés de teintes délicates, sa collection possède un indéniable charme poétique et sensible.

La nostalgie des années flamboyantes de Versace, quarante ans après sa naissance, a récemment fait remonter</a> la cote de la maison. Donatella Versace (qui a succédé à son frère Gianni assassiné en 1997) veille à cultiver</a> l’esprit Versace, un mélange de style baroque fun et confit dans les dorures qui a connu ses grandes heures dans les années 1980 et 1990. Pour l’été, la créatrice propose des silhouettes saturées d’imprimés et de couleurs tirées des archives. Les tulles drapés et fleuris sont enroulés serrés sur les silhouettes et composent des mosaïques qui font palpiter</a> la rétine ; les tailleurs pantalons ultra-graphiques sont entièrement habillés de carreaux optiques, les cuirs et les jerseys de couleurs vives enveloppent les corps de coulées lumineuses. Il y a beaucoup de recherche dans la collection. Versace est une maison adorée – y compris par les nouvelles générations – pour sa mode sexy et festive ; mais ici, il y a parfois trop d’effets superposés, trop d’histoires qui se croisent sur la même silhouette. Le style Versace perd de sa légèreté et donc de son efficacité.

Roberto Cavalli est une autre légende du glamour à l’italienne née dans les années 1970. Ses imprimés panthère ont habillé aussi bien les stars d’Hollywood que les femmes de footballeurs. Alors qu’elle approche la cinquantaine, la maison traverse une phase hésitante. Après le retrait du fondateur et le bref passage du Norvégien Peter Dundas, c’est aujourd’hui l’Anglais Paul Surridge qui signe les collections. Shorts cyclistes brodés, mini-robes volantées aux découpes asymétriques sur les hanches, silhouettes de jersey drapées et torsadées à même le corps, imprimés saturés sur des pièces tailleur composent un ensemble hétéroclite. Le créateur peine à capter</a> le côté flamboyant et décomplexé de la marque et à l’adapter à 2018. La nouvelle vie de Cavalli est encore incertaine mais pour cette maison comme pour les autres, rien n’est perdu : ce travail de gestation peut prendre du temps, tant pis si le monde de la mode n’est pas très patient.

Salvatore Ferragamo, par exemple, a connu quelques errances avant de trouver</a> la saison dernière son duo idéal de designers. Ensemble, l’Anglais Paul Andrew (chausseur comme le fondateur) pour la mode femme et le Français Guillaume Meilland pour la mode homme inventent un chic Ferragamo pour aujourd’hui. A 90 ans, la maison connue à l’origine pour ses souliers glamour aux formes inventives n’a pas vraiment d’image mode dans la mémoire collective. Les designers en profitent pour modeler</a> en liberté une identité qui mixe minimalisme intemporel et sensualité des matières et des couleurs à l’italienne. Beiges mats et satins aux teintes de bijoux, lignes droites et fluides, grandes jupes asymétriques ou salopette de cuir extrafin, imprimés tropicaux et effets sport-urbain… Leur seconde collection est équilibrée, moderne et raffinée. Elle confirme l’impression laissée par les débuts du duo la saison dernière. La nouvelle allure Ferragamo paraît promise à un bel avenir</a>.

A Milan, il y a aussi des maisons qui tiennent à rester</a> dans leur bulle, loin des questionnements et avancées de leur industrie, et plus largement, du monde. C’est le cas de l’inébranlable Giorgio Armani, qui reçoit comme chaque saison dans son palais minimaliste signé par l’architecte japonais Tadao Ando. Sa collection est aérienne : on y croise des silhouettes semi-translucides qui superposent soies, organza, maille et Rhodoïde. Hypnotique comme un ballet extraterrestre au fond d’un océan, le défilé décline à l’infini cette vision très précise. Inutile de chercher</a> là la moindre tendance, le créateur y est allergique. Le style Armani vit en autarcie, immunisé contre les influences extérieures.

Le cas Dolce & Gabbana est différent. Le duo de designers a beaucoup travaillé sur un casting très en phase avec l’époque et l’insatiable appétit des réseaux sociaux pour les stars et les images spectaculaires. Au générique du show, on croise donc Monica Bellucci, Carla Bruni, Isabella Rossellini, son fils, sa fille et son petit-fils, d’autres enfants de stars (ceux de Pamela Anderson ou encore de Jude Law), des mannequins de toutes tailles, âges, origines et corpulences, des couples hétérosexuels et homosexuels… Ce condensé qui défend la diversité et l’égalité, une idée de grande famille humaine universelle, est parfaitement dans l’air du temps et aussi dans la logique des créateurs qui, il y a deux saisons, dédiaient leurs créations aux millennials.
Pour habiller</a> ce monde moderne, Dolce & Gabbana joue la carte de l’immuable style italien. Sur le podium se succèdent silhouettes de veuves dévotes corsetés de noir ou de vamp Cinecitta, maxi ou mini-robe à cascades de volants fleuris, imprimés nature ou produits du marché, motifs tirés de l’iconographie religieuse qui transforment les tenues en ex-voto et quelques tailleurs richement rebrodés. Grosses baskets et maxi sweat-shirts apportent une très discrète touche street à une collection qui célèbre une Italie fantasmée, source d’inspiration permanente de la marque. Envers et contre tout.
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