« Je compte m’arrêter à dix ». Au fur et à mesure que ses films sortent, les fans de Tarantino savent qu’ils ne leur restent plus beaucoup de temps avant la fin de ce décompte, annoncé depuis longtemps. Si le réalisateur peut toujours changer d’avis, le ton de ses derniers longs-métrages laisse cependant poindre une gravité nouvelle, annonciatrice d’une forme d’aboutissement. Après avoir dynamité les codes du western dans les excellents Django Unchained et Les Huits Salopards, il nous revient cet été par le biais d’une époque qui l’a toujours fait fantasmer. 25 ans après Pulp Fiction, le choix de la mecque du cinéma comme décor n’est pas anodin. Pourtant, Once Upon a Time in Hollywood fait preuve de bien plus de maturité que son lointain cousin, encore considéré comme son œuvre-étendard.
Une fois n’est pas coutume, le synopsis de son film reste volontairement famélique. Rick Dalton (Leonardo DiCaprio) est un acteur de séries et de western sur le déclin, qui cherche sa voie dans une industrie qu’il ne reconnait plus. Il tente de maintenir son confort de vie accompagné de Cliff Booth (Brad Pitt), son cascadeur attitré, mais surtout ami et homme à tout faire. Deux larrons à l’ancienne, qui voient leur monde s’éteindre alors qu’Hollywood devient le repère de la vague hippie et de la contre-culture organisée. Leur voisin, un certain Roman Polanski, pourrait peut-être devenir une porte de sortie…
Tarantino est né en 63, mais la mise en scène de Once Upon nous fait penser que c’était déjà 20 ans trop tard. L’image, gorgée de soleil, est une brûlante lettre d’amour au celluloïd (aussi appelés… Films-Flamme!). Le ciel, d’un bleu azuréen, nous fait regretter nos Ray-ban et les voitures s’affichent sous des reflets satinés, comme si elles jaillissaient de leurs affiches publicitaires. Le tout accompagné d’une bande son rock mélancolique, qui diffuse les meilleurs tubes de The Mama & The Papas, Jose Feliciano, Billy Stewart…Tarantino retranscrit l’attraction de cette Amérique comme s’il avait toujours voulu être assez âgé pour en faire partie.
L’histoire commune de son duo donne lieu à un long patchwork de scènes qui s’enchainent avec une fluidité presque arrogante. Comme une introspection, Tarantino s’amuse à tourner un film dans le film, tout en narrant la fin d’une époque à laquelle des dizaines de demi-stars s’accrochent. Sa petite entreprise est entrecoupée de sketches très réussis, mais également d’un aparté sur la sanglante « Famille » de Charles Manson. Cette dernière n’occupe finalement pas la place qu’on pensait, mais cela n’a pas grande importance. Une fois n’est pas coutume, il n’hésite d’ailleurs pas à tordre le cou à l’histoire officielle pour la conformer à son délire.
Comme un gamin insolent, Tarantino mélange les genres pour nous prouver qu’il sait le faire. Il rend aussi hommage à « ces films au kilo » oubliables, dont le flot constant de sorties permet de faire vivre l’industrie, enfermant au passage des acteurs dans des rôles à vie. Ce que Dalton n’arrive pas à supporter.
Depuis Django, il nappe ainsi son récit d’une nouvelle forme d’amertume, que l’on retrouve ici de façon subtile, mais notable. Son œuvre, composée comme un souvenir raconté, n’en est que plus mélancolique. Que les amateurs de la première heure se rassurent, ils retrouveront avec plaisir un de ses gimmicks favoris dans une scène d’une violence exacerbée… Qui provoque l’hilarité de la salle.
Réunir deux géants comme DiCaprio et Pitt peut s’avérer contre-productif. Pas ici. En instaurant de fait une hiérarchie entre les deux hommes, l’un travaillant pour l’autre, Tarantino aurait pu aisément mettre en avant DiCaprio. Il choisit pourtant de tisser une amitié authentique et touchante, qui lie les acteurs comme les deux faces d’une même pièce. Il leur laisse néanmoins un vrai espace d’expression, où chacun des deux peut respectivement occuper une scène. À partir du moment où Cliff dépose Rick au travail, le film se scinde en deux.
De son côté, DiCaprio utilise tout son talent pour nous faire croire qu’il n’en a pas. Et ça fonctionne. Affublé d’une moustache ridicule, il oublie des dialogues indigents et s’énerve tout seul dans sa loge. Il excelle dans le rôle d’un clown capricieux, qui se rêvait en Steve McQueen pour finalement devenir la tête d’affiche de ces films qu’on oublie souvent d’avoir vu. Avec une bienveillance presque paternaliste, son ami tente de le rassurer en fin de journée, alors que son sort est bien moins reluisant.
Sous ses Ray-Ban et ses chemises bariolées, Pitt incarne un vieux beau cool à souhait, qui bricole sa vie au jour le jour. Un super-héros délavé, qui casse la figure à Bruce Lee et mange les mêmes nouilles tous les soirs dans sa caravane. Le genre de personne qu’on veut fréquenter sans être. Pitt incarne à merveille ce versant du rêve américain, et vole presque la vedette dans la dernière demi-heure. Les deux acteurs sont néanmoins bien épaulés par le reste du casting, impeccable. Mais il ne leur sert que de faire-valoir tant le duo semble être seul maître à bord.
Plus généralement, on se délecte de voir ces deux ténors s’amuser à jouer des has-been qu’ils ne seront jamais. L’impression de regarder une vérité alternative est prégnante, et rappelle que certains choix peuvent changer drastiquement la vie d’un artiste. C’est au travers de ce genre de portraits, finalement assez rare chez Tarantino, que le film sort du cadre de divertissement pour offrir une véritable vision de cinéma. Et l’exercice est captivant.
Read Again« Je compte m’arrêter à dix ». Au fur et à mesure que ses films sortent, les fans de Tarantino savent qu’ils ne leur restent plus beaucoup de temps avant la fin de ce décompte, annoncé depuis longtemps. Si le réalisateur peut toujours changer d’avis, le ton de ses derniers longs-métrages laisse cependant poindre une gravité nouvelle, annonciatrice d’une forme d’aboutissement. Après avoir dynamité les codes du western dans les excellents Django Unchained et Les Huits Salopards, il nous revient cet été par le biais d’une époque qui l’a toujours fait fantasmer. 25 ans après Pulp Fiction, le choix de la mecque du cinéma comme décor n’est pas anodin. Pourtant, Once Upon a Time in Hollywood fait preuve de bien plus de maturité que son lointain cousin, encore considéré comme son œuvre-étendard.
Une fois n’est pas coutume, le synopsis de son film reste volontairement famélique. Rick Dalton (Leonardo DiCaprio) est un acteur de séries et de western sur le déclin, qui cherche sa voie dans une industrie qu’il ne reconnait plus. Il tente de maintenir son confort de vie accompagné de Cliff Booth (Brad Pitt), son cascadeur attitré, mais surtout ami et homme à tout faire. Deux larrons à l’ancienne, qui voient leur monde s’éteindre alors qu’Hollywood devient le repère de la vague hippie et de la contre-culture organisée. Leur voisin, un certain Roman Polanski, pourrait peut-être devenir une porte de sortie…
Tarantino est né en 63, mais la mise en scène de Once Upon nous fait penser que c’était déjà 20 ans trop tard. L’image, gorgée de soleil, est une brûlante lettre d’amour au celluloïd (aussi appelés… Films-Flamme!). Le ciel, d’un bleu azuréen, nous fait regretter nos Ray-ban et les voitures s’affichent sous des reflets satinés, comme si elles jaillissaient de leurs affiches publicitaires. Le tout accompagné d’une bande son rock mélancolique, qui diffuse les meilleurs tubes de The Mama & The Papas, Jose Feliciano, Billy Stewart…Tarantino retranscrit l’attraction de cette Amérique comme s’il avait toujours voulu être assez âgé pour en faire partie.
L’histoire commune de son duo donne lieu à un long patchwork de scènes qui s’enchainent avec une fluidité presque arrogante. Comme une introspection, Tarantino s’amuse à tourner un film dans le film, tout en narrant la fin d’une époque à laquelle des dizaines de demi-stars s’accrochent. Sa petite entreprise est entrecoupée de sketches très réussis, mais également d’un aparté sur la sanglante « Famille » de Charles Manson. Cette dernière n’occupe finalement pas la place qu’on pensait, mais cela n’a pas grande importance. Une fois n’est pas coutume, il n’hésite d’ailleurs pas à tordre le cou à l’histoire officielle pour la conformer à son délire.
Comme un gamin insolent, Tarantino mélange les genres pour nous prouver qu’il sait le faire. Il rend aussi hommage à « ces films au kilo » oubliables, dont le flot constant de sorties permet de faire vivre l’industrie, enfermant au passage des acteurs dans des rôles à vie. Ce que Dalton n’arrive pas à supporter.
Depuis Django, il nappe ainsi son récit d’une nouvelle forme d’amertume, que l’on retrouve ici de façon subtile, mais notable. Son œuvre, composée comme un souvenir raconté, n’en est que plus mélancolique. Que les amateurs de la première heure se rassurent, ils retrouveront avec plaisir un de ses gimmicks favoris dans une scène d’une violence exacerbée… Qui provoque l’hilarité de la salle.
Réunir deux géants comme DiCaprio et Pitt peut s’avérer contre-productif. Pas ici. En instaurant de fait une hiérarchie entre les deux hommes, l’un travaillant pour l’autre, Tarantino aurait pu aisément mettre en avant DiCaprio. Il choisit pourtant de tisser une amitié authentique et touchante, qui lie les acteurs comme les deux faces d’une même pièce. Il leur laisse néanmoins un vrai espace d’expression, où chacun des deux peut respectivement occuper une scène. À partir du moment où Cliff dépose Rick au travail, le film se scinde en deux.
De son côté, DiCaprio utilise tout son talent pour nous faire croire qu’il n’en a pas. Et ça fonctionne. Affublé d’une moustache ridicule, il oublie des dialogues indigents et s’énerve tout seul dans sa loge. Il excelle dans le rôle d’un clown capricieux, qui se rêvait en Steve McQueen pour finalement devenir la tête d’affiche de ces films qu’on oublie souvent d’avoir vu. Avec une bienveillance presque paternaliste, son ami tente de le rassurer en fin de journée, alors que son sort est bien moins reluisant.
Sous ses Ray-Ban et ses chemises bariolées, Pitt incarne un vieux beau cool à souhait, qui bricole sa vie au jour le jour. Un super-héros délavé, qui casse la figure à Bruce Lee et mange les mêmes nouilles tous les soirs dans sa caravane. Le genre de personne qu’on veut fréquenter sans être. Pitt incarne à merveille ce versant du rêve américain, et vole presque la vedette dans la dernière demi-heure. Les deux acteurs sont néanmoins bien épaulés par le reste du casting, impeccable. Mais il ne leur sert que de faire-valoir tant le duo semble être seul maître à bord.
Plus généralement, on se délecte de voir ces deux ténors s’amuser à jouer des has-been qu’ils ne seront jamais. L’impression de regarder une vérité alternative est prégnante, et rappelle que certains choix peuvent changer drastiquement la vie d’un artiste. C’est au travers de ce genre de portraits, finalement assez rare chez Tarantino, que le film sort du cadre de divertissement pour offrir une véritable vision de cinéma. Et l’exercice est captivant.
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