Search

"Maman a choisi le jour de mon mariage pour piquer une de ses crises" par Elton John - Paris Match

Six mois après la sortie de « Rocketman », Elton John publie ses Mémoires (éditions Albin Michel). Paris Match en diffuse des extraits en exclusivité. Aujourd'hui, Sir Elton évoque son mariage avec David Furnish et... la réaction de sa mère. 

Maman avait choisi le jour le plus important de ma vie pour piquer une de ses crises, de celles qui me terrifiaient quand j’étais gamin. J’avais hérité d’une partie de son sale caractère, mais je savais changer de logiciel assez rapidement: dès que je me rendais compte de ce que j’avais fait – merde, non seulement je me suis conduit comme un crétin, mais en plus je me suis conduit comme ma mère –, je m’empressais de m’excuser platement […].

Maman, elle, en était incapable : elle n’éprouvait jamais de regrets, n’avait jamais le sentiment d’avoir tort ou de s’être mal conduite. Dans le meilleur des cas, ça se soldait par une engueulade terrible – où, comme toujours, il fallait absolument qu’elle ait le dernier mot –, suivie d’une fausse réconciliation, une trêve fragile qui ne durait que jusqu’à l’explosion suivante. Au fil des ans, elle avait porté sa capacité à bouder à des niveaux épiques, grandioses. Maman était la Cecil B. DeMille de la mauvaise humeur, la Tolstoï du tirage de tronche.

Lire aussi: Le jour où Stallone et Richard Gere se sont disputé les faveurs de Lady Diana, par Elton John

J’exagère à peine. Songez que cette femme n’a pas adressé la parole à sa sœur pendant dix ans à cause d’une sombre histoire de tasse de thé: Tatie Win y avait-elle mis oui ou non du lait écrémé? L’acharnement de cette femme à faire la tête était tel qu’après une prise de bec avec moi et l’un des fils du premier mariage de Derf, elle était partie s’installer à Minorque dans les années 1980. Maman dans toute sa splendeur: plutôt changer de pays qu’admettre ses torts ou s’excuser. On ne raisonne pas quelqu’un comme ça.

"

Maman était la Cecil B. DeMille de la mauvaise humeur, la Tolstoï du tirage de tronche

"

En regardant s’éloigner sa voiture, je me suis dit que j’aurais préféré qu’elle soit à Minorque. Ou sur la Lune. […] Quand David et moi avons échangé nos vœux, elle s’est mise à pérorer tout haut, au point de couvrir nos propres voix, répétant à l’envi que l’endroit était horrible et que jamais elle ne s’y serait mariée. Après avoir paraphé l’acte d’union avec les autres témoins, elle a sifflé: «Bon ben c’est fait!» puis elle a reposé bruyamment le stylo, tourné les talons et s’est éloignée. Drôle d’ambiance: j’oscillais constamment entre l’euphorie du moment et la peur panique de ce qu’elle était en train de tramer. Je savais trop bien que lui adresser la parole ne ferait que conduire à une scène homérique qui gâcherait tout et ce, encore mieux, devant les caméras du monde entier et nos six cents invités. Ce n’était pas du tout l’image que je souhaitais donner de l’union civile la plus médiatisée du pays: Elton John et sa mère se hurlant dessus devant la nation entière, sur les marches de l’hôtel de ville de Windsor. […]

Maman était certes quelqu’un de très difficile, mais certainement pas homophobe. Elle m’avait soutenu quand je lui avais dit que j’étais gay et elle ne s’était pas laissé démonter quand des journalistes l’avaient coincée après mon coming out dans «Rolling Stone». Elle leur avait dit que je faisais preuve de courage et qu’elle se fichait éperdument de savoir si j’étais gay ou hétéro. Pourquoi ce changement trente ans plus tard? Je pense que le vrai problème est qu’elle n’a jamais supporté qu’un autre soit plus proche de moi qu’elle. […]

Elton, 2 ans, s’appelle encore Reginald. Il est ici à Pinner, en banlieue londonienne, avec sa mère, Sheila Dwight, employée de bureau. Entre eux, la relation aura toujours été conflictuelle.

Elton, 2 ans, s’appelle encore Reginald. Il est ici à Pinner, en banlieue londonienne, avec sa mère, Sheila Dwight, employée de bureau. Entre eux, la relation aura toujours été conflictuelle. © DR

J’ai repris contact avec elle quand j’ai su qu’elle était très malade. Je lui ai envoyé des photos des enfants. C’est à peine si elle les a mentionnés: «Te voilà bien occupé à présent», aura été dans sa réponse la seule allusion à leur existence. Je l’ai invitée à déjeuner. Elle a débarqué à Woodside et le premier truc qu’elle a dit, c’est: «J’avais oublié à quel point c’est petit ici.» Mais j’étais bien décidé à ne pas répondre, à ne pas mordre à l’hameçon. Les enfants étaient là, ils jouaient dans leur chambre à l’étage, et quand j’ai demandé si elle voulait les voir, elle a répondu non. […] Après cela, on s’est parlé de temps en temps au téléphone. Je ne lui demandais jamais ce qu’elle pensait de quoi que ce soit que j’avais fait, et quand d’aventure j’évoquais les enfants, elle changeait immédiatement de sujet. […]

La mort de maman m’a chamboulé comme je ne m’y attendais pas. […] On a tenu une petite cérémonie intime dans la chapelle de Woodside: j’ai voulu ne me souvenir que du meilleur, seulement entouré de la famille. Alors que je prononçais quelques mots à son sujet, je me suis mis à pleurer. […] Le corbillard a emporté son cercueil. Nous étions là, à le regarder s’éloigner. C’est mon oncle Reg qui a rompu le silence. Il avait une dernière chose à dire à sa sœur: «Là tu ne réponds plus, hein, Sheila? »

SC_IMG_4555

«Moi, Elton John»
(éditions Albin Michel)
Sortie mondiale le 17 octobre

Retrouvez de nouveaux extraits des mémoires d'Elton John dans le numéro 3675 de Paris Match, en vente dans les kiosques et sur iPad

Toute reproduction interdite

Let's block ads! (Why?)

Read Again

Six mois après la sortie de « Rocketman », Elton John publie ses Mémoires (éditions Albin Michel). Paris Match en diffuse des extraits en exclusivité. Aujourd'hui, Sir Elton évoque son mariage avec David Furnish et... la réaction de sa mère. 

Maman avait choisi le jour le plus important de ma vie pour piquer une de ses crises, de celles qui me terrifiaient quand j’étais gamin. J’avais hérité d’une partie de son sale caractère, mais je savais changer de logiciel assez rapidement: dès que je me rendais compte de ce que j’avais fait – merde, non seulement je me suis conduit comme un crétin, mais en plus je me suis conduit comme ma mère –, je m’empressais de m’excuser platement […].

Maman, elle, en était incapable : elle n’éprouvait jamais de regrets, n’avait jamais le sentiment d’avoir tort ou de s’être mal conduite. Dans le meilleur des cas, ça se soldait par une engueulade terrible – où, comme toujours, il fallait absolument qu’elle ait le dernier mot –, suivie d’une fausse réconciliation, une trêve fragile qui ne durait que jusqu’à l’explosion suivante. Au fil des ans, elle avait porté sa capacité à bouder à des niveaux épiques, grandioses. Maman était la Cecil B. DeMille de la mauvaise humeur, la Tolstoï du tirage de tronche.

Lire aussi: Le jour où Stallone et Richard Gere se sont disputé les faveurs de Lady Diana, par Elton John

J’exagère à peine. Songez que cette femme n’a pas adressé la parole à sa sœur pendant dix ans à cause d’une sombre histoire de tasse de thé: Tatie Win y avait-elle mis oui ou non du lait écrémé? L’acharnement de cette femme à faire la tête était tel qu’après une prise de bec avec moi et l’un des fils du premier mariage de Derf, elle était partie s’installer à Minorque dans les années 1980. Maman dans toute sa splendeur: plutôt changer de pays qu’admettre ses torts ou s’excuser. On ne raisonne pas quelqu’un comme ça.

"

Maman était la Cecil B. DeMille de la mauvaise humeur, la Tolstoï du tirage de tronche

"

En regardant s’éloigner sa voiture, je me suis dit que j’aurais préféré qu’elle soit à Minorque. Ou sur la Lune. […] Quand David et moi avons échangé nos vœux, elle s’est mise à pérorer tout haut, au point de couvrir nos propres voix, répétant à l’envi que l’endroit était horrible et que jamais elle ne s’y serait mariée. Après avoir paraphé l’acte d’union avec les autres témoins, elle a sifflé: «Bon ben c’est fait!» puis elle a reposé bruyamment le stylo, tourné les talons et s’est éloignée. Drôle d’ambiance: j’oscillais constamment entre l’euphorie du moment et la peur panique de ce qu’elle était en train de tramer. Je savais trop bien que lui adresser la parole ne ferait que conduire à une scène homérique qui gâcherait tout et ce, encore mieux, devant les caméras du monde entier et nos six cents invités. Ce n’était pas du tout l’image que je souhaitais donner de l’union civile la plus médiatisée du pays: Elton John et sa mère se hurlant dessus devant la nation entière, sur les marches de l’hôtel de ville de Windsor. […]

Maman était certes quelqu’un de très difficile, mais certainement pas homophobe. Elle m’avait soutenu quand je lui avais dit que j’étais gay et elle ne s’était pas laissé démonter quand des journalistes l’avaient coincée après mon coming out dans «Rolling Stone». Elle leur avait dit que je faisais preuve de courage et qu’elle se fichait éperdument de savoir si j’étais gay ou hétéro. Pourquoi ce changement trente ans plus tard? Je pense que le vrai problème est qu’elle n’a jamais supporté qu’un autre soit plus proche de moi qu’elle. […]

Elton, 2 ans, s’appelle encore Reginald. Il est ici à Pinner, en banlieue londonienne, avec sa mère, Sheila Dwight, employée de bureau. Entre eux, la relation aura toujours été conflictuelle.

Elton, 2 ans, s’appelle encore Reginald. Il est ici à Pinner, en banlieue londonienne, avec sa mère, Sheila Dwight, employée de bureau. Entre eux, la relation aura toujours été conflictuelle. © DR

J’ai repris contact avec elle quand j’ai su qu’elle était très malade. Je lui ai envoyé des photos des enfants. C’est à peine si elle les a mentionnés: «Te voilà bien occupé à présent», aura été dans sa réponse la seule allusion à leur existence. Je l’ai invitée à déjeuner. Elle a débarqué à Woodside et le premier truc qu’elle a dit, c’est: «J’avais oublié à quel point c’est petit ici.» Mais j’étais bien décidé à ne pas répondre, à ne pas mordre à l’hameçon. Les enfants étaient là, ils jouaient dans leur chambre à l’étage, et quand j’ai demandé si elle voulait les voir, elle a répondu non. […] Après cela, on s’est parlé de temps en temps au téléphone. Je ne lui demandais jamais ce qu’elle pensait de quoi que ce soit que j’avais fait, et quand d’aventure j’évoquais les enfants, elle changeait immédiatement de sujet. […]

La mort de maman m’a chamboulé comme je ne m’y attendais pas. […] On a tenu une petite cérémonie intime dans la chapelle de Woodside: j’ai voulu ne me souvenir que du meilleur, seulement entouré de la famille. Alors que je prononçais quelques mots à son sujet, je me suis mis à pleurer. […] Le corbillard a emporté son cercueil. Nous étions là, à le regarder s’éloigner. C’est mon oncle Reg qui a rompu le silence. Il avait une dernière chose à dire à sa sœur: «Là tu ne réponds plus, hein, Sheila? »

SC_IMG_4555

«Moi, Elton John»
(éditions Albin Michel)
Sortie mondiale le 17 octobre

Retrouvez de nouveaux extraits des mémoires d'Elton John dans le numéro 3675 de Paris Match, en vente dans les kiosques et sur iPad

Toute reproduction interdite

Let's block ads! (Why?)



Bagikan Berita Ini

0 Response to ""Maman a choisi le jour de mon mariage pour piquer une de ses crises" par Elton John - Paris Match"

Post a Comment

Powered by Blogger.