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Les Misérables : critique qui passe la BAC - ÉcranLarge.com

KIDS ARE NOT ALL RIGHT

À Montfermeil des enfants jouent en plein soleil, équipés de pistolets à eau. Quand approche une ronde de police, ils se dissimulent et attendent patiemment l’arrivée des fonctionnaires, inconscient de l’embuscade humide qui se prépare. Lorsque les mômes surgissent pour les arroser, c’est d’abord la joie naïve de la surprise qui envahit l’écran, les mines ahuries des uns, les sourires des autres, puis soudain, le geste plus du tout innocent d’un pré-ado qui, fixant les flics, barre sa gorge de son indexe.

photoAvant le feu...

La séquence dure une poignée de secondes, mais parvient à capturer la violence des paradoxes qui sous-tendent la Cité, la banalité d’existences capables de basculer à tout moment dans l’affrontement. Fort de son expérience de lanceur d’alerte (il filma en 2008 une bavure policière qui devait secouer Montfermeil) Ladj Ly ne fait pas des Misérables une démonstration académique, mais le produit de tensions avant tout physiques, organiques. Ce qui s’entrechoque à l’image ce sont d’abord des corps, des rapports de domination et de territorialité.

Des policiers, sur le point de céder au coup de force, qui enragent et enflamment un territoire qui se refuse depuis longtemps à eux, un corps collectif atomisé, dont les membres sont portés à ébullition par la misère et les agents d’un État démissionnaire, mais pyromane. Tous ces shrapnels épars, le cinéaste parvient à les rassembler pour mieux leur donner corps. À l’image de ce drone par lequel l’étincelle se fait incendie, sa mise en scène rassemble différents régimes d’images, sait tirer parti d’un tournage qu’on devine prompt à user simultanément de plusieurs caméras. Et malgré cette polyphonie visuelle, Les Misérables s’impose comme une leçon de découpage, d’assemblage et de grammaire cinématographique.

photoDes flics au bord de la crise de nerfs

LES HAINES

Œuvre riche et maîtrisée, la première réalisation de fiction de Ladj Ly évite les écueils d’un cinéma social péremptoire ou déconnecté des exigences d’un cinéma ambitieux. Les Misérables s’inscrit dans la tradition d’un pur cinéma de genre, et propose un polar politique toujours soucieux de son impact, de son efficacité.

Le sentiment d’assister à un croisement entre les créations de Friedkin, de Lumet ou de Boisset (pour ce qui est de la perception aiguë des frictions hexagonales) grandit aussi bien lors des scènes de confrontation que lors des séquences intimes, où les protagonistes côtoient leurs points de rupture.

photoUne image travaillée...

 

Enfin, ce qui achève d’emporter le morceau pour le spectateur un peu méfiant vis-à-vis des productions primées à Cannes et estampillées « sociales », c’est la maîtrise inattendue de la parole. Ce n’est pas par hasard que le film s’intitule Les Misérables, et contre toute attente, l’œuvre adopte et accueille avec réussite l’héritage de Victor Hugo si évidemment revendiqué.

Le métrage développe avec réussite l’oralité, poussant certains échanges aux limites de la déclamation, dans un rapport au verbe totalement hugolien. Non seulement Ladj Ly parvient miraculeusement à ne jamais sombrer dans la théâtralité, mais il embrasse ainsi un leg artistique que bien peu d’artistes osent revendiquer et magnifier à l’heure actuelle.

Affiche

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À Montfermeil des enfants jouent en plein soleil, équipés de pistolets à eau. Quand approche une ronde de police, ils se dissimulent et attendent patiemment l’arrivée des fonctionnaires, inconscient de l’embuscade humide qui se prépare. Lorsque les mômes surgissent pour les arroser, c’est d’abord la joie naïve de la surprise qui envahit l’écran, les mines ahuries des uns, les sourires des autres, puis soudain, le geste plus du tout innocent d’un pré-ado qui, fixant les flics, barre sa gorge de son indexe.

photoAvant le feu...

La séquence dure une poignée de secondes, mais parvient à capturer la violence des paradoxes qui sous-tendent la Cité, la banalité d’existences capables de basculer à tout moment dans l’affrontement. Fort de son expérience de lanceur d’alerte (il filma en 2008 une bavure policière qui devait secouer Montfermeil) Ladj Ly ne fait pas des Misérables une démonstration académique, mais le produit de tensions avant tout physiques, organiques. Ce qui s’entrechoque à l’image ce sont d’abord des corps, des rapports de domination et de territorialité.

Des policiers, sur le point de céder au coup de force, qui enragent et enflamment un territoire qui se refuse depuis longtemps à eux, un corps collectif atomisé, dont les membres sont portés à ébullition par la misère et les agents d’un État démissionnaire, mais pyromane. Tous ces shrapnels épars, le cinéaste parvient à les rassembler pour mieux leur donner corps. À l’image de ce drone par lequel l’étincelle se fait incendie, sa mise en scène rassemble différents régimes d’images, sait tirer parti d’un tournage qu’on devine prompt à user simultanément de plusieurs caméras. Et malgré cette polyphonie visuelle, Les Misérables s’impose comme une leçon de découpage, d’assemblage et de grammaire cinématographique.

photoDes flics au bord de la crise de nerfs

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Œuvre riche et maîtrisée, la première réalisation de fiction de Ladj Ly évite les écueils d’un cinéma social péremptoire ou déconnecté des exigences d’un cinéma ambitieux. Les Misérables s’inscrit dans la tradition d’un pur cinéma de genre, et propose un polar politique toujours soucieux de son impact, de son efficacité.

Le sentiment d’assister à un croisement entre les créations de Friedkin, de Lumet ou de Boisset (pour ce qui est de la perception aiguë des frictions hexagonales) grandit aussi bien lors des scènes de confrontation que lors des séquences intimes, où les protagonistes côtoient leurs points de rupture.

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Enfin, ce qui achève d’emporter le morceau pour le spectateur un peu méfiant vis-à-vis des productions primées à Cannes et estampillées « sociales », c’est la maîtrise inattendue de la parole. Ce n’est pas par hasard que le film s’intitule Les Misérables, et contre toute attente, l’œuvre adopte et accueille avec réussite l’héritage de Victor Hugo si évidemment revendiqué.

Le métrage développe avec réussite l’oralité, poussant certains échanges aux limites de la déclamation, dans un rapport au verbe totalement hugolien. Non seulement Ladj Ly parvient miraculeusement à ne jamais sombrer dans la théâtralité, mais il embrasse ainsi un leg artistique que bien peu d’artistes osent revendiquer et magnifier à l’heure actuelle.

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