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Le metteur en scène Claude Régy est mort - Le Monde

Claude Régy à Paris, en novembre 2015.
Claude Régy à Paris, en novembre 2015. JOEL SAGET / AFP

Il disait que ce serait son dernier spectacle : quand Claude Régy a créé Rêve et folie, de Georg Trakl, en septembre 2016, au Théâtre de Nanterre-Amandiers, il avait 93 ans, il allait bien, mais il sentait venir la fin. Rien ne semblait mieux adapté à l’adieu de ce metteur en scène que les mots d’un poète tutoyant la mort annoncée et l’interdit incandescent. Le spectacle bouleversa, et son souvenir bouleverse plus encore alors que l’on apprend la mort de Claude Régy, à Paris, dans la nuit du 25 au 26 décembre, à l’âge de 96 ans : ce spectacle testamentaire menait aux « frontières ultimes de notre esprit », pour reprendre les mots de Georg Trakl, dits sur scène par Yann Boudaud. Mais tout autant que la voix du comédien, ancrée dans une obsédante lenteur, c’était la lumière qui, dans Rêve et folie, hypnotisait : elle semblait venir d’un monde interstellaire, d’un espace infini et pourtant clos par le chemin entre la naissance et la disparition.

Maintenant qu’est venu le temps du souvenir, une image s’impose : un vieil homme regarde le mont Fuji, au loin. Il est debout sur une terrasse, de dos, dans une maison au milieu des arbres. De sa voix lente, il dit : « Je me demande comment j’ai pu créer un nouveau spectacle à peu près chaque année, pendant soixante ans. Pour moi, c’est un mystère absolu. » Cet homme, c’est Claude Régy, tel qu’il apparaît dans Du régal pour les vautours, le beau film d’amour testamentaire qu’Alexandre Barry a tourné quand le metteur en scène a créé Intérieur, de Maeterlinck, à Shizuoka, en 2013. Le grand âge n’empêchait pas alors Claude Régy de suivre ses spectacles en tournée soir après soir, où qu’ils se jouent en France et à l’étranger, ni de grimper par les escaliers en haut d’un ancien hôtel particulier, au cœur de Paris, où il habitait un tout petit appartement monacal, dans le ciel.

C’est là qu’il recevait, toujours élégant, précis dans sa conversation, et souvent drôle, contrairement à l’image que le monde renvoyait de lui : il y avait tant d’admiration autour de Claude Régy, une telle aura autour de ses spectacles, que tout humour semblait écarté. L’homme s’en amusait, mais il était très ferme quand il parlait de ses choix, qui ont engendré un théâtre inoubliable. Voir un spectacle de Claude Régy, c’était vivre une expérience, entrer dans une salle où rien d’extérieur ne pénétrait, et approcher l’inatteignable de la sensation, ce moment où la parole, les corps et l’espace ne font qu’un. Personne n’a autant laissé place au silence entre les mots, à l’immobilité dans le mouvement, à l’obscurité dans la lumière. Personne n’a travaillé autant d’auteurs contemporains majeurs, français et étrangers, que souvent il a fait découvrir. Et personne ne peut aligner une si belle liste d’acteurs.

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Claude Régy à Paris, en novembre 2015.
Claude Régy à Paris, en novembre 2015. JOEL SAGET / AFP

Il disait que ce serait son dernier spectacle : quand Claude Régy a créé Rêve et folie, de Georg Trakl, en septembre 2016, au Théâtre de Nanterre-Amandiers, il avait 93 ans, il allait bien, mais il sentait venir la fin. Rien ne semblait mieux adapté à l’adieu de ce metteur en scène que les mots d’un poète tutoyant la mort annoncée et l’interdit incandescent. Le spectacle bouleversa, et son souvenir bouleverse plus encore alors que l’on apprend la mort de Claude Régy, à Paris, dans la nuit du 25 au 26 décembre, à l’âge de 96 ans : ce spectacle testamentaire menait aux « frontières ultimes de notre esprit », pour reprendre les mots de Georg Trakl, dits sur scène par Yann Boudaud. Mais tout autant que la voix du comédien, ancrée dans une obsédante lenteur, c’était la lumière qui, dans Rêve et folie, hypnotisait : elle semblait venir d’un monde interstellaire, d’un espace infini et pourtant clos par le chemin entre la naissance et la disparition.

Maintenant qu’est venu le temps du souvenir, une image s’impose : un vieil homme regarde le mont Fuji, au loin. Il est debout sur une terrasse, de dos, dans une maison au milieu des arbres. De sa voix lente, il dit : « Je me demande comment j’ai pu créer un nouveau spectacle à peu près chaque année, pendant soixante ans. Pour moi, c’est un mystère absolu. » Cet homme, c’est Claude Régy, tel qu’il apparaît dans Du régal pour les vautours, le beau film d’amour testamentaire qu’Alexandre Barry a tourné quand le metteur en scène a créé Intérieur, de Maeterlinck, à Shizuoka, en 2013. Le grand âge n’empêchait pas alors Claude Régy de suivre ses spectacles en tournée soir après soir, où qu’ils se jouent en France et à l’étranger, ni de grimper par les escaliers en haut d’un ancien hôtel particulier, au cœur de Paris, où il habitait un tout petit appartement monacal, dans le ciel.

C’est là qu’il recevait, toujours élégant, précis dans sa conversation, et souvent drôle, contrairement à l’image que le monde renvoyait de lui : il y avait tant d’admiration autour de Claude Régy, une telle aura autour de ses spectacles, que tout humour semblait écarté. L’homme s’en amusait, mais il était très ferme quand il parlait de ses choix, qui ont engendré un théâtre inoubliable. Voir un spectacle de Claude Régy, c’était vivre une expérience, entrer dans une salle où rien d’extérieur ne pénétrait, et approcher l’inatteignable de la sensation, ce moment où la parole, les corps et l’espace ne font qu’un. Personne n’a autant laissé place au silence entre les mots, à l’immobilité dans le mouvement, à l’obscurité dans la lumière. Personne n’a travaillé autant d’auteurs contemporains majeurs, français et étrangers, que souvent il a fait découvrir. Et personne ne peut aligner une si belle liste d’acteurs.

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