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«L'Amour est dans le pré»: Mathieu, homme aux mille vies, cherche l'homme de sa vie - 20 Minutes

Mathieu, célibataire de la 15e saison de L'Amour est dans le pré, au côté du cheval camarguais d'un ami, au Salon international de l'agriculture de Paris, le 23 février 2020. — Jo Zhou / M6
  • M6 diffuse ce lundi et le lundi suivant, à 21h05, les portraits des treize agriculteurs célibataires de la quinzième et nouvelle saison de L’amour est dans le pré.
  • Le 16 mars, le public découvrira le portrait de Mathieu, 44 ans, éleveur de taureaux en Camargue.
  • Mathieu s’est confié en exclusivité à 20 Minutes.

A deux pas du Parc des expositions où se tient le Salon de l’agriculture, on retrouve Mathieu dans un café à Porte-de-Versailles (Paris 15e), un lundi soir de février. Pendant quatre jours, dans la frénésie de la foire, il a fait la promotion des Terrines de Mémé Suzon, sa marque de produits du terroir. L’heure est à la décompression. Il dit avoir été fatigué par l’exercice, groggy par le flot de la foule. On ne l’aurait pas deviné tant il semble au taquet, l’œil prompt à friser, le sourire jamais loin et la parole libre comme un ruisseau.

On rencontre Mathieu car il est l’un des célibataires de la nouvelle saison de L’amour est dans le pré. Les premiers portraits seront diffusés ce lundi soir sur M6 et les autres – dont le sien – le lundi suivant.

D’emblée, son profil tranche avec celui de la plupart de ses prédécesseurs, agriculteurs isolés, vieux garçons et autres cœurs en friche. Le quadragénaire venu d’Avignon (Vaucluse) est célibataire depuis un an et c’est la première fois que cela lui arrive. « J’ai toujours été en couple. Des relations de deux ans, quatre ans, cinq ans. J’en finissais une et j’en entamais le jour même une autre. D’ailleurs, j’en arrêtais souvent une pour en commencer une nouvelle », explique-t-il. Mathieu a du charme (beaucoup) et du bagout (beaucoup) mais le dessiner en Don Juan des champs ce serait l’esquisser de travers.

Mathieu, candidat de la saison 15 de L'Amour est dans le pré, en août 2019.
Mathieu, candidat de la saison 15 de L'Amour est dans le pré, en août 2019. - Cecile ROGUE/M6

Coming-out express

Sous sa carcasse toute en force tatouée, il laisse entrevoir une certaine vulnérabilité. Il raconte son épiphanie homo. A l’époque, il a 20 ans, il sort avec une fille depuis deux ans mais il sait très bien, depuis longtemps, que l’hétérosexualité n’est pas sa fatalité. Ce soir-là, il prend pour la première fois le chemin du Rome Club, une boîte gay de Montpellier (Hérault). Pour se donner du courage, il descend une bouteille de blanc dans sa voiture. « Je suis entré. J’étais de la chair fraîche – à l’époque, physiquement, j’étais une bombe. J’ai embrassé un garçon et là, je me suis dit : "C’est ça quoi, il n’y a pas photo." »

L’évidence est telle qu’il n’a pas tourné autour du pot pour faire son coming-out. « Le lendemain, je l’ai annoncé à ma mère au resto. A 14h, je suis parti pour Grenoble (Isère) où je l’ai dit à ma grand-mère. A 17h, j’étais à Chambéry (Savoie) et j’en ai parlé à mon père. A 1h du matin, j’étais de nouveau au Rome Club », glisse-t-il. Mathieu raconte ce parcours digne d’une étape du Tour de France comme il aurait parlé de ses dernières vacances. Il ne semble pas se rendre compte qu’il y a quelque chose de romanesque dans cette tranche de vie.

Quoique… Il a le sens de la dramatisation, sait tenir en haleine et conclure ses anecdotes d’une formule qui laisse interdit. Par exemple, il révèle qu’après son coming-out, son père ne lui a plus parlé pendant un an et lui a coupé les vivres. Et il reprend : « Un jour, j’étais au travail. La secrétaire me passe un appel, c’était lui. Il me dit "Bonjour c’est papa, je voulais juste te dire que je t’aimais" et il a raccroché. C’était un vendredi. J’ai pris mon après-midi et je suis allé le rejoindre. On a passé le week-end chez lui. C’était riche en émotion. »

Major de promo à Sup de Co

Si vous vous demandez quel genre d’agriculteur emploie une secrétaire, il faut revenir en arrière dans la biographie de Mathieu. Avant les prairies, il a eu une vie où il portait le costume cravate. Major de sa promo 1999 à Sup de Co Montpellier « avec 17.84 de moyenne », il a travaillé dans la finance, dans un groupe de formation, puis dans un grand groupe pétrolier.

« Je m’ennuyais profondément. Il n’y avait pas d’intérêt humain », avance-t-il pour motiver sa réorientation. « J’avais une passion pour la cuisine. Entre 2003 et 2016, j’ai monté dix restaurants et deux salons de coiffure à Montpellier », liste-t-il. Pourquoi la coiffure ? « L’occasion fait le larron, j’ai investi dans un salon qui périclitait, on l’a redressé et on en a créé un deuxième. »

Mais il y a eu les coups durs. En série. D’abord, en 2011, « la femme de [sa] vie », sa mémé Suzon, meurt alors qu’ils prenaient leur « apéro en amoureux » à Grenoble. « 19h54. Il m’a semblé qu’elle faisait une fausse route. J’ai pris le verre de rosé qu’elle avait dans ses mains, je l’ai posé sur la table, je l’ai vue me regarder [il mime l’expression d’un visage figé] et partir en arrière. Réanimation, bouche à bouche, massage cardiaque. » En vain. Les gestes, l’émotion du moment, la force du souvenir, remontent à vifs. « Quelques semaines plus tard, la voisine m’a dit que le rêve de ma grand-mère était de mourir en ma présence. Et bien, elle l’a fait, la garce ! » Par cette pirouette, Mathieu a conjuré les larmes en train de poindre mais il y a des noms d’oiseaux qui sonnent comme des mots d’amour.

Le burn-out avant le pré

Il parle ensuite de Jean-Claude, 74 ans, qui fut son meilleur ami. « Vingt-et-un ans d’amitié. On se voyait tous les jours et si on ne se voyait pas, on s’appelait dix fois. On allait partout, les mecs me prenaient pour un escort. Mais c’est moi qui payais tout ». Son sourire disparaît d’un coup : « J’ai passé les trois derniers mois de sa vie chez lui, à m’occuper de lui. Cela a été très lourd. » Trois semaines après le décès de son ami, Mathieu est victime d’un grave accident de voiture. C’était en novembre 2016. Sa vie allait prendre un tournant. « Je me suis levé un matin avec l’envie de me foutre en l’air », lance-t-il. Il fit alors l’expérience de ce qu’il lui semblait si étranger : un burn-out.

« A l’époque, j’étais un rouleau compresseur, j’avais 35 salariés, une boîte florissante, 2 millions de chiffres d’affaires. Ma mère m’a dit : "T’es un gentil, tu te fais marcher sur les pieds, ne gâche pas ta vie plus longtemps", se remémore-t-il. J’ai tout vendu en quatre ou cinq mois, j’ai déménagé, j’ai quitté mon mec d’alors, qui est aujourd’hui mon meilleur ami et j’ai complètement changé de vie. Je ne suis pas retourné à Montpellier depuis lors. »

Il s’est « libéré de l’argent » et c’est sa liberté tout court qu’il a demandée en échange de sa nouvelle vie dans l’agriculture. L’un de ses amis, Jordan, commençait un élevage de taureaux non loin de Nîmes (Gard) mais ne disposait pas des moyens financiers suffisants. « J’ai apporté l’argent, la structuration, le côté commercial. La contrepartie, c’est de pouvoir vivre ma vie comme j’ai envie. »

« Il y a des hommes qui ne sont pas masculins et me plaisent énormément »

Mathieu a l’eau fraîche. Il lui manque l’amour. Selon le communiqué de presse de M6, il espère une « relation fusionnelle avec un homme viril au caractère bien trempé ». Sur les réseaux sociaux, la formulation a fait causer. Plusieurs internautes craignent que l’émission verse dans la « follophobie », l’hostilité envers les gays efféminés.

Il se veut rassurant : « Je ne suis absolument pas fermé. Il y a des hommes qui ne sont pas masculins et qui me plaisent énormément. Il me faut vraiment quelqu’un de fun, qui me séduise au sourire, quelqu’un qui m’euphorise. » Le prétendant idéal doit avoir le sens de l’humour, de la vanne potache mais aussi l’envie de fonder une famille.

Mathieu songe à recourir à la GPA. « Je n’ai pas trente ans devant moi », annonce-t-il avant d’évoquer la maladie de Cadasil dont il est atteint. Une pathologie rare qui l’expose notamment à de violentes migraines mais aussi à des risques de crise d’épilepsie ou d’AVC. « L’espérance de vie de ma maladie, c’est 62 ans, j’en ai 44, donc tu fais vite le calcul », laisse-t-il échapper. Lorsqu’elle lui a été diagnostiquée, il y a un an et demi, il a vécu deux mois difficiles. « Le premier, je me suis effondré. Je me suis enfermé chez moi. Le deuxième, j’étais en colère. J’en ai voulu à la Terre entière. »

Il reçoit déjà des messages

Bouleversement total, encore une fois. Mathieu change tout ce qui n’allait pas dans son quotidien. « Je me suis éloigné des personnes qui me tiraient vers le bas, j’ai accéléré mon changement de vie. Je fais deux méditations par jour. La vie prend un tout autre relief. En vivant ancré dans le présent, le temps passe plus lentement et je profite de tout. »

L’aventure de L’amour est dans le pré, il compte bien la vivre à fond et jusqu’au bout. Très actif sur Instagram, il reçoit des messages privés depuis que sa participation à l’émission a été annoncée. La production l’a informé avoir déjà reçu des mails de prétendants. Il garde la tête froide : « Les mecs ils écrivent déjà, simplement parce qu’ils ont vu ma photo ? Comment tu vas rechercher l’amour de ta vie juste sur une photo ? Ce ne sont que des opportunistes. »

Pour faire face à la déferlante qui s’annonce, Mathieu a supprimé son compte Twitter et fait passer son profil Facebook en privé. « Je ne suis pas tellement touché par ce qu’on dit de moi. Si on dit que je suis "une sale tapette et un gros PD de sa race", vraiment, ça ne me touche pas, assure-t-il. Que le mec vienne me le dire en face, je le prends, je le fous au milieu de mes taureaux et on verra s’il fait toujours le malin. » Il ne se définit pas pour autant comme militant. Il n’a rien contre la Marche des fiertés LGBT, mais lorsqu’il y va, c’est pour la « fiesta » davantage que pour les slogans.

Etre utile

« Je suis quelqu’un qui s’assume totalement », précise-t-il. Et c’est déjà beaucoup. Le milieu de la manade – l’élevage de troupeaux libres de taureaux en Camargue – est macho. Mathieu a dû se faire respecter. « Dans le monde de la bouvine [la tauromachie camarguaise], c’est compliqué. J’ai dû faire dix fois plus, un peu comme ce que vivent les femmes qui travaillent dans des grands groupes », compare-t-il. Ceux qui s’en prennent à lui en raison de son orientation sexuelle ou de ses projets de vies ne l’effraient pas. « Quelqu’un qui vient me parler de GPA, je l’affronte sans aucun problème. A certains, je leur dis : "Ce n’est pas votre combat, foutez-nous la paix". »

En même temps qu’il cherche l’amour Mathieu veut que sa participation soit utile à d’autres. Récemment, un lycée professionnel l’a contacté pour qu’il vienne parler aux élèves de l’homophobie et de la manière de gérer son orientation sexuelle dans des environnements hostiles. Il y a quelques jours, un jeune paysan gay l’a contacté pour lui demander conseil. Il lui a répondu : « Regarde mon portrait sur M6 avec ta maman. Et lorsque je parle, serre-lui la main fort. Elle comprendra. » Si Mathieu n’avait pas une rose tatouée à cet endroit-là, on verrait sans doute son grand cœur sur la main.

Les taureaux, « rois » en Camargue

Mathieu espère que sa participation à L’Amour est dans le pré permettra de dissiper les malentendus autour de la bouvine, la tauromarchie camarguaise. « En Camargue, le taureau est roi. 5 % d’entre eux finissent à l’abattoir, contre 98 % dans tous les autres élevages. Ils meurent dans les prés à 20 ou 25 ans, explique-t-il. La seule douleur qu’on leur inflige, c’est la prise de sang annuelle qu’on leur fait derrière la queue. Ils sortent en arène pour les jeux cinq fois dans l’année et, le reste du temps, ils paissent dans 100 hectares. » Passionné de chevaux, amoureux de ses chiens, Mathieu se définit comme un fou des animaux. « Je ne critique pas les autres élevages mais, si j’avais élevé des cochons, je n’aurais pas pu les emmener à l’abattoir, je les aurais adoptés. J’aurais été dans la merde rapidement. »

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Mathieu, célibataire de la 15e saison de L'Amour est dans le pré, au côté du cheval camarguais d'un ami, au Salon international de l'agriculture de Paris, le 23 février 2020. — Jo Zhou / M6
  • M6 diffuse ce lundi et le lundi suivant, à 21h05, les portraits des treize agriculteurs célibataires de la quinzième et nouvelle saison de L’amour est dans le pré.
  • Le 16 mars, le public découvrira le portrait de Mathieu, 44 ans, éleveur de taureaux en Camargue.
  • Mathieu s’est confié en exclusivité à 20 Minutes.

A deux pas du Parc des expositions où se tient le Salon de l’agriculture, on retrouve Mathieu dans un café à Porte-de-Versailles (Paris 15e), un lundi soir de février. Pendant quatre jours, dans la frénésie de la foire, il a fait la promotion des Terrines de Mémé Suzon, sa marque de produits du terroir. L’heure est à la décompression. Il dit avoir été fatigué par l’exercice, groggy par le flot de la foule. On ne l’aurait pas deviné tant il semble au taquet, l’œil prompt à friser, le sourire jamais loin et la parole libre comme un ruisseau.

On rencontre Mathieu car il est l’un des célibataires de la nouvelle saison de L’amour est dans le pré. Les premiers portraits seront diffusés ce lundi soir sur M6 et les autres – dont le sien – le lundi suivant.

D’emblée, son profil tranche avec celui de la plupart de ses prédécesseurs, agriculteurs isolés, vieux garçons et autres cœurs en friche. Le quadragénaire venu d’Avignon (Vaucluse) est célibataire depuis un an et c’est la première fois que cela lui arrive. « J’ai toujours été en couple. Des relations de deux ans, quatre ans, cinq ans. J’en finissais une et j’en entamais le jour même une autre. D’ailleurs, j’en arrêtais souvent une pour en commencer une nouvelle », explique-t-il. Mathieu a du charme (beaucoup) et du bagout (beaucoup) mais le dessiner en Don Juan des champs ce serait l’esquisser de travers.

Mathieu, candidat de la saison 15 de L'Amour est dans le pré, en août 2019.
Mathieu, candidat de la saison 15 de L'Amour est dans le pré, en août 2019. - Cecile ROGUE/M6

Coming-out express

Sous sa carcasse toute en force tatouée, il laisse entrevoir une certaine vulnérabilité. Il raconte son épiphanie homo. A l’époque, il a 20 ans, il sort avec une fille depuis deux ans mais il sait très bien, depuis longtemps, que l’hétérosexualité n’est pas sa fatalité. Ce soir-là, il prend pour la première fois le chemin du Rome Club, une boîte gay de Montpellier (Hérault). Pour se donner du courage, il descend une bouteille de blanc dans sa voiture. « Je suis entré. J’étais de la chair fraîche – à l’époque, physiquement, j’étais une bombe. J’ai embrassé un garçon et là, je me suis dit : "C’est ça quoi, il n’y a pas photo." »

L’évidence est telle qu’il n’a pas tourné autour du pot pour faire son coming-out. « Le lendemain, je l’ai annoncé à ma mère au resto. A 14h, je suis parti pour Grenoble (Isère) où je l’ai dit à ma grand-mère. A 17h, j’étais à Chambéry (Savoie) et j’en ai parlé à mon père. A 1h du matin, j’étais de nouveau au Rome Club », glisse-t-il. Mathieu raconte ce parcours digne d’une étape du Tour de France comme il aurait parlé de ses dernières vacances. Il ne semble pas se rendre compte qu’il y a quelque chose de romanesque dans cette tranche de vie.

Quoique… Il a le sens de la dramatisation, sait tenir en haleine et conclure ses anecdotes d’une formule qui laisse interdit. Par exemple, il révèle qu’après son coming-out, son père ne lui a plus parlé pendant un an et lui a coupé les vivres. Et il reprend : « Un jour, j’étais au travail. La secrétaire me passe un appel, c’était lui. Il me dit "Bonjour c’est papa, je voulais juste te dire que je t’aimais" et il a raccroché. C’était un vendredi. J’ai pris mon après-midi et je suis allé le rejoindre. On a passé le week-end chez lui. C’était riche en émotion. »

Major de promo à Sup de Co

Si vous vous demandez quel genre d’agriculteur emploie une secrétaire, il faut revenir en arrière dans la biographie de Mathieu. Avant les prairies, il a eu une vie où il portait le costume cravate. Major de sa promo 1999 à Sup de Co Montpellier « avec 17.84 de moyenne », il a travaillé dans la finance, dans un groupe de formation, puis dans un grand groupe pétrolier.

« Je m’ennuyais profondément. Il n’y avait pas d’intérêt humain », avance-t-il pour motiver sa réorientation. « J’avais une passion pour la cuisine. Entre 2003 et 2016, j’ai monté dix restaurants et deux salons de coiffure à Montpellier », liste-t-il. Pourquoi la coiffure ? « L’occasion fait le larron, j’ai investi dans un salon qui périclitait, on l’a redressé et on en a créé un deuxième. »

Mais il y a eu les coups durs. En série. D’abord, en 2011, « la femme de [sa] vie », sa mémé Suzon, meurt alors qu’ils prenaient leur « apéro en amoureux » à Grenoble. « 19h54. Il m’a semblé qu’elle faisait une fausse route. J’ai pris le verre de rosé qu’elle avait dans ses mains, je l’ai posé sur la table, je l’ai vue me regarder [il mime l’expression d’un visage figé] et partir en arrière. Réanimation, bouche à bouche, massage cardiaque. » En vain. Les gestes, l’émotion du moment, la force du souvenir, remontent à vifs. « Quelques semaines plus tard, la voisine m’a dit que le rêve de ma grand-mère était de mourir en ma présence. Et bien, elle l’a fait, la garce ! » Par cette pirouette, Mathieu a conjuré les larmes en train de poindre mais il y a des noms d’oiseaux qui sonnent comme des mots d’amour.

Le burn-out avant le pré

Il parle ensuite de Jean-Claude, 74 ans, qui fut son meilleur ami. « Vingt-et-un ans d’amitié. On se voyait tous les jours et si on ne se voyait pas, on s’appelait dix fois. On allait partout, les mecs me prenaient pour un escort. Mais c’est moi qui payais tout ». Son sourire disparaît d’un coup : « J’ai passé les trois derniers mois de sa vie chez lui, à m’occuper de lui. Cela a été très lourd. » Trois semaines après le décès de son ami, Mathieu est victime d’un grave accident de voiture. C’était en novembre 2016. Sa vie allait prendre un tournant. « Je me suis levé un matin avec l’envie de me foutre en l’air », lance-t-il. Il fit alors l’expérience de ce qu’il lui semblait si étranger : un burn-out.

« A l’époque, j’étais un rouleau compresseur, j’avais 35 salariés, une boîte florissante, 2 millions de chiffres d’affaires. Ma mère m’a dit : "T’es un gentil, tu te fais marcher sur les pieds, ne gâche pas ta vie plus longtemps", se remémore-t-il. J’ai tout vendu en quatre ou cinq mois, j’ai déménagé, j’ai quitté mon mec d’alors, qui est aujourd’hui mon meilleur ami et j’ai complètement changé de vie. Je ne suis pas retourné à Montpellier depuis lors. »

Il s’est « libéré de l’argent » et c’est sa liberté tout court qu’il a demandée en échange de sa nouvelle vie dans l’agriculture. L’un de ses amis, Jordan, commençait un élevage de taureaux non loin de Nîmes (Gard) mais ne disposait pas des moyens financiers suffisants. « J’ai apporté l’argent, la structuration, le côté commercial. La contrepartie, c’est de pouvoir vivre ma vie comme j’ai envie. »

« Il y a des hommes qui ne sont pas masculins et me plaisent énormément »

Mathieu a l’eau fraîche. Il lui manque l’amour. Selon le communiqué de presse de M6, il espère une « relation fusionnelle avec un homme viril au caractère bien trempé ». Sur les réseaux sociaux, la formulation a fait causer. Plusieurs internautes craignent que l’émission verse dans la « follophobie », l’hostilité envers les gays efféminés.

Il se veut rassurant : « Je ne suis absolument pas fermé. Il y a des hommes qui ne sont pas masculins et qui me plaisent énormément. Il me faut vraiment quelqu’un de fun, qui me séduise au sourire, quelqu’un qui m’euphorise. » Le prétendant idéal doit avoir le sens de l’humour, de la vanne potache mais aussi l’envie de fonder une famille.

Mathieu songe à recourir à la GPA. « Je n’ai pas trente ans devant moi », annonce-t-il avant d’évoquer la maladie de Cadasil dont il est atteint. Une pathologie rare qui l’expose notamment à de violentes migraines mais aussi à des risques de crise d’épilepsie ou d’AVC. « L’espérance de vie de ma maladie, c’est 62 ans, j’en ai 44, donc tu fais vite le calcul », laisse-t-il échapper. Lorsqu’elle lui a été diagnostiquée, il y a un an et demi, il a vécu deux mois difficiles. « Le premier, je me suis effondré. Je me suis enfermé chez moi. Le deuxième, j’étais en colère. J’en ai voulu à la Terre entière. »

Il reçoit déjà des messages

Bouleversement total, encore une fois. Mathieu change tout ce qui n’allait pas dans son quotidien. « Je me suis éloigné des personnes qui me tiraient vers le bas, j’ai accéléré mon changement de vie. Je fais deux méditations par jour. La vie prend un tout autre relief. En vivant ancré dans le présent, le temps passe plus lentement et je profite de tout. »

L’aventure de L’amour est dans le pré, il compte bien la vivre à fond et jusqu’au bout. Très actif sur Instagram, il reçoit des messages privés depuis que sa participation à l’émission a été annoncée. La production l’a informé avoir déjà reçu des mails de prétendants. Il garde la tête froide : « Les mecs ils écrivent déjà, simplement parce qu’ils ont vu ma photo ? Comment tu vas rechercher l’amour de ta vie juste sur une photo ? Ce ne sont que des opportunistes. »

Pour faire face à la déferlante qui s’annonce, Mathieu a supprimé son compte Twitter et fait passer son profil Facebook en privé. « Je ne suis pas tellement touché par ce qu’on dit de moi. Si on dit que je suis "une sale tapette et un gros PD de sa race", vraiment, ça ne me touche pas, assure-t-il. Que le mec vienne me le dire en face, je le prends, je le fous au milieu de mes taureaux et on verra s’il fait toujours le malin. » Il ne se définit pas pour autant comme militant. Il n’a rien contre la Marche des fiertés LGBT, mais lorsqu’il y va, c’est pour la « fiesta » davantage que pour les slogans.

Etre utile

« Je suis quelqu’un qui s’assume totalement », précise-t-il. Et c’est déjà beaucoup. Le milieu de la manade – l’élevage de troupeaux libres de taureaux en Camargue – est macho. Mathieu a dû se faire respecter. « Dans le monde de la bouvine [la tauromachie camarguaise], c’est compliqué. J’ai dû faire dix fois plus, un peu comme ce que vivent les femmes qui travaillent dans des grands groupes », compare-t-il. Ceux qui s’en prennent à lui en raison de son orientation sexuelle ou de ses projets de vies ne l’effraient pas. « Quelqu’un qui vient me parler de GPA, je l’affronte sans aucun problème. A certains, je leur dis : "Ce n’est pas votre combat, foutez-nous la paix". »

En même temps qu’il cherche l’amour Mathieu veut que sa participation soit utile à d’autres. Récemment, un lycée professionnel l’a contacté pour qu’il vienne parler aux élèves de l’homophobie et de la manière de gérer son orientation sexuelle dans des environnements hostiles. Il y a quelques jours, un jeune paysan gay l’a contacté pour lui demander conseil. Il lui a répondu : « Regarde mon portrait sur M6 avec ta maman. Et lorsque je parle, serre-lui la main fort. Elle comprendra. » Si Mathieu n’avait pas une rose tatouée à cet endroit-là, on verrait sans doute son grand cœur sur la main.

Les taureaux, « rois » en Camargue

Mathieu espère que sa participation à L’Amour est dans le pré permettra de dissiper les malentendus autour de la bouvine, la tauromarchie camarguaise. « En Camargue, le taureau est roi. 5 % d’entre eux finissent à l’abattoir, contre 98 % dans tous les autres élevages. Ils meurent dans les prés à 20 ou 25 ans, explique-t-il. La seule douleur qu’on leur inflige, c’est la prise de sang annuelle qu’on leur fait derrière la queue. Ils sortent en arène pour les jeux cinq fois dans l’année et, le reste du temps, ils paissent dans 100 hectares. » Passionné de chevaux, amoureux de ses chiens, Mathieu se définit comme un fou des animaux. « Je ne critique pas les autres élevages mais, si j’avais élevé des cochons, je n’aurais pas pu les emmener à l’abattoir, je les aurais adoptés. J’aurais été dans la merde rapidement. »

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