Search

"My Body" d'Emily Ratajkowski en dit long sur son rapport au corps depuis sa grossesse - Le HuffPost

LIVRE - Non, Michel Houellebecq ne détient pas le monopole de cette rentrée littéraire. Ce vendredi 14 janvier, un autre livre mérite notre attention. C’est la traduction française de l’essai de la mannequin et actrice américaine Emily Ratajkowski, My Body, qui parait aux éditions du Seuil.

De ses premiers pas dans l’industrie de la mode au tournage du clip controversé de Robin ThickeBlurred Lines, en passant par les agressions sexuelles dont elle a été victime, comme celle lors de la séance photo avec Jonathan Leder. La suite de textes permet à la star d’Instagram, où elle est suivie par près de 30 millions de personnes, de revenir sur certains moments douloureux ou déterminants de sa vie pour analyser avec franchise la manière dont ils ont conditionné le rapport ambigu qu’elle entretient à son image.

“J’ai capitalisé sur mon corps dans les limites d’un monde cishétéro, capitaliste, patriarcal, un monde dans lequel la beauté et le sex-appeal ne sont valorisés qu’à travers la satisfaction du regard masculin. Si j’ai acquis de l’influence et un statut, c’est uniquement parce que je plaisais aux hommes”, souffle-t-elle en introduction.

Ce constat l’a poussée, pendant longtemps, à entretenir un strict contrôle de son apparence aussi bien devant ses voisins, sa psy que ses abonnés, l’empêchant, dit-elle, d’aimer son corps. Il était impossible pour elle de renoncer à ce contrôle. “Je préférais me faire mal, me poignarder métaphoriquement que de laisser quiconque tenir le couteau, précise l’autrice dans Délivrances, le dernier texte du livre. [...] Je ne faisais aucune confiance à mon corps pour prendre les rênes.”

“Quelle joie peut être la vie dans ce corps”

Le sentiment de s’en libérer est toujours difficile, mais se produit petit à petit. La première fois que c’est arrivé, c’était il y a moins de deux ans, au cours d’une balade à vélo avec son mari et une amie. “J’étais dans mon premier trimestre de grossesse et la seule chose dont j’avais envie, c’était de dormir”, écrit Emily Ratajkowski.

Elle accepte finalement de se laisse entraîner par ses deux compagnons de route. L’air est chaud, mais la brise agréable. Sur les conseils de sa copine Barbara, ils empruntent un raccourci à travers champs. “Mon vélo perdait de la vitesse dans l’herbe épaisse. Les nuages qui nous avaient protégés du soleil pendant la plus grande partie du trajet s’étaient dissipés, le vent s’était calmé et je me suis vite retrouvée en sueur, les tempes battantes”, se souvient-elle.

Elle est en pleine lutte. Quand son fiancé se tourne vers elle, elle ne peut pas s’empêcher de penser qu’elle doit être “vraiment moche”. “Mes seins gonflés étaient douloureux sous mon tee-shirt gigantesque et j’étais sale, bouffie”, se rappelle-t-elle. Elle persévère, “soudain pleine d’une détermination nouvelle”. Elle pédale plus fort, ne se soucie plus de la douleur. “J’avais les cuisses en feu. J’ai ravalé ma salive”, continue la cycliste en herbe. 

Son amie et son partenaire se sont arrêtés un peu plus loin pour l’attendre. “Une vague de tendresse m’a submergée en voyant la forme familière de leur dos penché sur le guidon. Peu importe de quoi j’ai l’air, ai-je compris. Le sang battait dans mes cuisses et, à nouveau, j’ai pensé à la vie minuscule que mon corps abritait. Ma meilleure amie et mon mari me souriaient avec amour. Sans dire un mot, nous avons continué. J’avais les yeux pleins de larmes. J’avais envie de crier: ‘Merci! Quelle joie peut être la vie dans ce corps’”, raconte-t-elle.

Des doutes et des interrogations

Cet épisode a été un déclencheur, mais le chemin est encore long. “D’après moi, c’était un moment magnifique qui, à mon avis, ne se produit pas assez souvent, mais qui, je l’espère, continuera à se produire de plus en plus souvent à mesure que la façon dont je pense à mon corps évolue”, a-t-elle précisé dans une interview accordée à Vice.

Ce lâcher-prise ne lui est pas venu en un battement de cils, il est le fruit d’un travail de réflexion avec elle-même mené en thérapie depuis plusieurs années et que sa grossesse a mis en exergue. “Même quand vous êtes enceinte, votre corps reste un outil, il s’agit d’un vecteur pour mettre quelqu’un au monde, analyse la star dans cette même interview. Selon moi, il a surtout été un moyen me permettant de faire confiance à mon corps, ce que je n’avais jamais fait.”

Elle ajoute: “C’était une expérience vraiment étrange de se réveiller tous les jours et de se dire: ‘Bon, mon corps grossit, tout plein de choses se produisent et il n’y a aucun moyen de savoir exactement s’il fait ce qu’il devrait faire, si mon fils est totalement en sécurité et si, moi, je suis totalement en sécurité.’ J’ai dû en quelque sorte lâcher l’idée de garder le contrôle pour pouvoir ‘profiter’ de ma grossesse.”

Depuis, la mannequin a donné naissance à son fils. C’était au mois de mars 2021. Ce qu’elle pense de son corps a mûri, mais des doutes et des insécurités subsistent. Des interrogations, aussi. Faut-il se libérer des diktats aliénant de la beauté ou se les réapproprier? Comment se libérer du regard masculin dans une société patriarcale? My Body d’Emily Ratajkowski n’est pas un livre de développement personnel. Son objectif n’est pas de trouver des réponses, mais d’explorer les idées qui la traversent et les miroirs dans lesquels elle s’est vue ou continue à se voir. Que ce soit les yeux des hommes ou des femmes auxquelles elle s’est comparée, mais aussi les photos qui ont été faites d’elle.

À voir également sur Le HuffPost: Harcelée dans la rue, elle développe différentes techniques pour faire fuir les hommes

Adblock test (Why?)

Read Again

LIVRE - Non, Michel Houellebecq ne détient pas le monopole de cette rentrée littéraire. Ce vendredi 14 janvier, un autre livre mérite notre attention. C’est la traduction française de l’essai de la mannequin et actrice américaine Emily Ratajkowski, My Body, qui parait aux éditions du Seuil.

De ses premiers pas dans l’industrie de la mode au tournage du clip controversé de Robin ThickeBlurred Lines, en passant par les agressions sexuelles dont elle a été victime, comme celle lors de la séance photo avec Jonathan Leder. La suite de textes permet à la star d’Instagram, où elle est suivie par près de 30 millions de personnes, de revenir sur certains moments douloureux ou déterminants de sa vie pour analyser avec franchise la manière dont ils ont conditionné le rapport ambigu qu’elle entretient à son image.

“J’ai capitalisé sur mon corps dans les limites d’un monde cishétéro, capitaliste, patriarcal, un monde dans lequel la beauté et le sex-appeal ne sont valorisés qu’à travers la satisfaction du regard masculin. Si j’ai acquis de l’influence et un statut, c’est uniquement parce que je plaisais aux hommes”, souffle-t-elle en introduction.

Ce constat l’a poussée, pendant longtemps, à entretenir un strict contrôle de son apparence aussi bien devant ses voisins, sa psy que ses abonnés, l’empêchant, dit-elle, d’aimer son corps. Il était impossible pour elle de renoncer à ce contrôle. “Je préférais me faire mal, me poignarder métaphoriquement que de laisser quiconque tenir le couteau, précise l’autrice dans Délivrances, le dernier texte du livre. [...] Je ne faisais aucune confiance à mon corps pour prendre les rênes.”

“Quelle joie peut être la vie dans ce corps”

Le sentiment de s’en libérer est toujours difficile, mais se produit petit à petit. La première fois que c’est arrivé, c’était il y a moins de deux ans, au cours d’une balade à vélo avec son mari et une amie. “J’étais dans mon premier trimestre de grossesse et la seule chose dont j’avais envie, c’était de dormir”, écrit Emily Ratajkowski.

Elle accepte finalement de se laisse entraîner par ses deux compagnons de route. L’air est chaud, mais la brise agréable. Sur les conseils de sa copine Barbara, ils empruntent un raccourci à travers champs. “Mon vélo perdait de la vitesse dans l’herbe épaisse. Les nuages qui nous avaient protégés du soleil pendant la plus grande partie du trajet s’étaient dissipés, le vent s’était calmé et je me suis vite retrouvée en sueur, les tempes battantes”, se souvient-elle.

Elle est en pleine lutte. Quand son fiancé se tourne vers elle, elle ne peut pas s’empêcher de penser qu’elle doit être “vraiment moche”. “Mes seins gonflés étaient douloureux sous mon tee-shirt gigantesque et j’étais sale, bouffie”, se rappelle-t-elle. Elle persévère, “soudain pleine d’une détermination nouvelle”. Elle pédale plus fort, ne se soucie plus de la douleur. “J’avais les cuisses en feu. J’ai ravalé ma salive”, continue la cycliste en herbe. 

Son amie et son partenaire se sont arrêtés un peu plus loin pour l’attendre. “Une vague de tendresse m’a submergée en voyant la forme familière de leur dos penché sur le guidon. Peu importe de quoi j’ai l’air, ai-je compris. Le sang battait dans mes cuisses et, à nouveau, j’ai pensé à la vie minuscule que mon corps abritait. Ma meilleure amie et mon mari me souriaient avec amour. Sans dire un mot, nous avons continué. J’avais les yeux pleins de larmes. J’avais envie de crier: ‘Merci! Quelle joie peut être la vie dans ce corps’”, raconte-t-elle.

Des doutes et des interrogations

Cet épisode a été un déclencheur, mais le chemin est encore long. “D’après moi, c’était un moment magnifique qui, à mon avis, ne se produit pas assez souvent, mais qui, je l’espère, continuera à se produire de plus en plus souvent à mesure que la façon dont je pense à mon corps évolue”, a-t-elle précisé dans une interview accordée à Vice.

Ce lâcher-prise ne lui est pas venu en un battement de cils, il est le fruit d’un travail de réflexion avec elle-même mené en thérapie depuis plusieurs années et que sa grossesse a mis en exergue. “Même quand vous êtes enceinte, votre corps reste un outil, il s’agit d’un vecteur pour mettre quelqu’un au monde, analyse la star dans cette même interview. Selon moi, il a surtout été un moyen me permettant de faire confiance à mon corps, ce que je n’avais jamais fait.”

Elle ajoute: “C’était une expérience vraiment étrange de se réveiller tous les jours et de se dire: ‘Bon, mon corps grossit, tout plein de choses se produisent et il n’y a aucun moyen de savoir exactement s’il fait ce qu’il devrait faire, si mon fils est totalement en sécurité et si, moi, je suis totalement en sécurité.’ J’ai dû en quelque sorte lâcher l’idée de garder le contrôle pour pouvoir ‘profiter’ de ma grossesse.”

Depuis, la mannequin a donné naissance à son fils. C’était au mois de mars 2021. Ce qu’elle pense de son corps a mûri, mais des doutes et des insécurités subsistent. Des interrogations, aussi. Faut-il se libérer des diktats aliénant de la beauté ou se les réapproprier? Comment se libérer du regard masculin dans une société patriarcale? My Body d’Emily Ratajkowski n’est pas un livre de développement personnel. Son objectif n’est pas de trouver des réponses, mais d’explorer les idées qui la traversent et les miroirs dans lesquels elle s’est vue ou continue à se voir. Que ce soit les yeux des hommes ou des femmes auxquelles elle s’est comparée, mais aussi les photos qui ont été faites d’elle.

À voir également sur Le HuffPost: Harcelée dans la rue, elle développe différentes techniques pour faire fuir les hommes

Adblock test (Why?)



Bagikan Berita Ini

Related Posts :

0 Response to ""My Body" d'Emily Ratajkowski en dit long sur son rapport au corps depuis sa grossesse - Le HuffPost"

Post a Comment

Powered by Blogger.