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Dario et Asia Argento : « Avec la crise sanitaire, les cinémas se sont vidés comme les églises » - Le Monde

Dario Argento et Asia Argento, à l’Hôtel Réégina Louvre, à Paris, le 6 juillet 2022.

Il a écrit, dans les années 1970 et 1980, l’une des plus somptueuses pages du cinéma horrifique, avec d’élégants et vénéneux cauchemars nommés Les Frissons de l’angoisse (1975), Suspiria (1977), Inferno (1980), Ténèbres (1982) ou Phenomena (1985). Il continue aujourd’hui, envers et contre tout, à tourner des giallo, ces fameux polars italiens aux poussées de violence rituelle, comme son dernier opus en date, Lunettes noires (2022).

Si l’étiquette du genre a parfois masqué son véritable apport, Dario Argento, 81 ans, est désormais reconnu comme un grand créateur de formes, esthète raffiné, féru d’architecture, de peinture et d’opéra. Quelqu’un qui a érigé ses films comme de grandes cathédrales de l’effroi, des cages de vitraux aux couleurs obsédantes. Un sous-ensemble plus secret s’ouvre au cœur de son œuvre : les six contes de fées psychiques qu’il a tournés avec sa fille Asia Argento, actrice volcanique de 46 ans, figure majeure du cinéma d’auteur international, également réalisatrice d’un triplé intime et bouillonnant (Scarlet Diva, en 2000, Le Livre de Jérémie, en 2004, L’Incomprise, en 2014). La Cinémathèque française, à Paris, reçoit ensemble le père et la fille pour une rétrospective du maître du giallo courant jusqu’au 31 juillet.

Comment la tournée de vos films, restaurés par Cinecittà, se déroule-t-elle ?

Dario Argento : Je reviens de New York et du Lincoln Center, où ils viennent d’être montrés. Sur mes vingt films, dix-sept ont été restaurés, dont quatre en 4K [standard technique de haute définition numérique]. A l’Institut culturel italien, une rencontre avec le public a eu lieu, animée par l’historien du cinéma Rob King, qui étudie mes œuvres. Il a dit que cela faisait cinquante-trois ans que je tournais des giallo, soit plus de temps que John Ford n’en avait consacré à faire des westerns !

Quel regard portez-vous chacun sur le travail de l’autre ?

Asia Argento : Je regardais les films de Dario quand j’étais petite, même trop petite : j’avais 5 ans quand j’ai vu Les Frissons de l’angoisse. Plus que formée, je dirais qu’ils m’ont dé-formée, dans le sens d’une contre-initiation. Ils ont modelé mon sens esthétique, forgé mon comportement anticonformiste en tant qu’artiste, convaincue d’emprunter une voie hyperpersonnelle. Dario a toujours été un exemple pour moi : son travail, sa façon de parler dans les interviews, sa manière de se présenter face au monde, sans jamais chercher à plaire aux autres. L’obstination qu’il a mise à donner forme à ses idées, ses obsessions, ses cauchemars. Sans jamais faire de compromis.

Il vous reste 69.31% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

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Dario Argento et Asia Argento, à l’Hôtel Réégina Louvre, à Paris, le 6 juillet 2022.

Il a écrit, dans les années 1970 et 1980, l’une des plus somptueuses pages du cinéma horrifique, avec d’élégants et vénéneux cauchemars nommés Les Frissons de l’angoisse (1975), Suspiria (1977), Inferno (1980), Ténèbres (1982) ou Phenomena (1985). Il continue aujourd’hui, envers et contre tout, à tourner des giallo, ces fameux polars italiens aux poussées de violence rituelle, comme son dernier opus en date, Lunettes noires (2022).

Si l’étiquette du genre a parfois masqué son véritable apport, Dario Argento, 81 ans, est désormais reconnu comme un grand créateur de formes, esthète raffiné, féru d’architecture, de peinture et d’opéra. Quelqu’un qui a érigé ses films comme de grandes cathédrales de l’effroi, des cages de vitraux aux couleurs obsédantes. Un sous-ensemble plus secret s’ouvre au cœur de son œuvre : les six contes de fées psychiques qu’il a tournés avec sa fille Asia Argento, actrice volcanique de 46 ans, figure majeure du cinéma d’auteur international, également réalisatrice d’un triplé intime et bouillonnant (Scarlet Diva, en 2000, Le Livre de Jérémie, en 2004, L’Incomprise, en 2014). La Cinémathèque française, à Paris, reçoit ensemble le père et la fille pour une rétrospective du maître du giallo courant jusqu’au 31 juillet.

Comment la tournée de vos films, restaurés par Cinecittà, se déroule-t-elle ?

Dario Argento : Je reviens de New York et du Lincoln Center, où ils viennent d’être montrés. Sur mes vingt films, dix-sept ont été restaurés, dont quatre en 4K [standard technique de haute définition numérique]. A l’Institut culturel italien, une rencontre avec le public a eu lieu, animée par l’historien du cinéma Rob King, qui étudie mes œuvres. Il a dit que cela faisait cinquante-trois ans que je tournais des giallo, soit plus de temps que John Ford n’en avait consacré à faire des westerns !

Quel regard portez-vous chacun sur le travail de l’autre ?

Asia Argento : Je regardais les films de Dario quand j’étais petite, même trop petite : j’avais 5 ans quand j’ai vu Les Frissons de l’angoisse. Plus que formée, je dirais qu’ils m’ont dé-formée, dans le sens d’une contre-initiation. Ils ont modelé mon sens esthétique, forgé mon comportement anticonformiste en tant qu’artiste, convaincue d’emprunter une voie hyperpersonnelle. Dario a toujours été un exemple pour moi : son travail, sa façon de parler dans les interviews, sa manière de se présenter face au monde, sans jamais chercher à plaire aux autres. L’obstination qu’il a mise à donner forme à ses idées, ses obsessions, ses cauchemars. Sans jamais faire de compromis.

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