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La romancière Anne-Marie Garat est morte - Le Monde

Anne-Marie Garat, en 2018 à Paris.

Femme de lettres, dont chaque livre peut se lire comme une profession de foi à la littérature et à la puissance « chamanique » des mots. Femme d’images aussi, passionnée par le cinéma, qu’elle a enseigné, et la photographie, qu’elle pratiquait en amatrice éclairée. Femme d’engagement et de combat pour promouvoir la lecture, convaincue que l’imaginaire est « un bien sans pareil » et « la transmission une question politique ». Anne-Marie Garat était tout cela. Et plus encore. Une merveilleuse conteuse, hantée par les fantômes de son histoire et celle de son siècle, pour qui le roman était une « machine à histoires » inépuisable, ouverte à tous les possibles. Les membres du jury Femina, dont elle faisait partie depuis 2014, ont annoncé son décès à Paris, le 26 juillet. Agée de 75 ans, elle était atteinte d’un cancer du pancréas.

Née à Bordeaux, le 6 octobre 1946, dans une impasse du quartier populaire des Chartrons, la fillette est élevée au sein d’une famille – son père était ouvrier dans une chocolaterie, sa mère couturière – où les seuls livres sont des manuels scolaires, faute d’argent. C’est à la bibliothèque de prêt que cette « liseuse gloutonne » va assouvir sa boulimie, ainsi qu’elle le relate avec saveur dans Humeur noire (Actes Sud, 2021). Contes de Perrault – bien plus tard, elle proposera une passionnante relecture du Petit Chaperon rouge dans Une faim de loup (Actes Sud, 2004) –, romans de la « Bibliothèque rose », de la « Bibliothèque verte », journaux illustrés, BD, feuilletons à la radio… rien ne semble contenter sa fringale d’histoires. Aussi la fillette commence-t-elle à écrire, sans autre ambition que de se bricoler un petit monde à elle, pour elle seulement. « Chez nous, écrivains ça n’existe pas. A l’école, ce sont des gens prestigieux mais défunts : rien d’enviable. Ecrire, rien n’y autorise, n’y invite », écrit-elle encore dans Humeur noire.

A cette dévorante passion vient s’ajouter celle pour le cinéma, notamment grâce à son père. Elle devient une abonnée du ciné-club de son quartier où, avec la même avidité que pour la littérature, elle voit tout à trac westerns, films de guerre, de gangsters, comédies, mélodrames, autant de films qui peupleront son imaginaire et ses livres. Bac en poche, dans l’effervescence de Mai-68, l’étudiante éblouie autant par le Nouveau Roman que la Nouvelle Vague s’oriente naturellement vers ce qui « électrise » son existence : les lettres et le cinéma, qu’elle enseigne d’abord à Périgueux puis, à partir des années 1980, au lycée expérimental de Montgeron (Essonne) où, dans un bouillonnement intellectuel et artistique, elle connaîtra ses plus belles années.

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Anne-Marie Garat, en 2018 à Paris.

Femme de lettres, dont chaque livre peut se lire comme une profession de foi à la littérature et à la puissance « chamanique » des mots. Femme d’images aussi, passionnée par le cinéma, qu’elle a enseigné, et la photographie, qu’elle pratiquait en amatrice éclairée. Femme d’engagement et de combat pour promouvoir la lecture, convaincue que l’imaginaire est « un bien sans pareil » et « la transmission une question politique ». Anne-Marie Garat était tout cela. Et plus encore. Une merveilleuse conteuse, hantée par les fantômes de son histoire et celle de son siècle, pour qui le roman était une « machine à histoires » inépuisable, ouverte à tous les possibles. Les membres du jury Femina, dont elle faisait partie depuis 2014, ont annoncé son décès à Paris, le 26 juillet. Agée de 75 ans, elle était atteinte d’un cancer du pancréas.

Née à Bordeaux, le 6 octobre 1946, dans une impasse du quartier populaire des Chartrons, la fillette est élevée au sein d’une famille – son père était ouvrier dans une chocolaterie, sa mère couturière – où les seuls livres sont des manuels scolaires, faute d’argent. C’est à la bibliothèque de prêt que cette « liseuse gloutonne » va assouvir sa boulimie, ainsi qu’elle le relate avec saveur dans Humeur noire (Actes Sud, 2021). Contes de Perrault – bien plus tard, elle proposera une passionnante relecture du Petit Chaperon rouge dans Une faim de loup (Actes Sud, 2004) –, romans de la « Bibliothèque rose », de la « Bibliothèque verte », journaux illustrés, BD, feuilletons à la radio… rien ne semble contenter sa fringale d’histoires. Aussi la fillette commence-t-elle à écrire, sans autre ambition que de se bricoler un petit monde à elle, pour elle seulement. « Chez nous, écrivains ça n’existe pas. A l’école, ce sont des gens prestigieux mais défunts : rien d’enviable. Ecrire, rien n’y autorise, n’y invite », écrit-elle encore dans Humeur noire.

A cette dévorante passion vient s’ajouter celle pour le cinéma, notamment grâce à son père. Elle devient une abonnée du ciné-club de son quartier où, avec la même avidité que pour la littérature, elle voit tout à trac westerns, films de guerre, de gangsters, comédies, mélodrames, autant de films qui peupleront son imaginaire et ses livres. Bac en poche, dans l’effervescence de Mai-68, l’étudiante éblouie autant par le Nouveau Roman que la Nouvelle Vague s’oriente naturellement vers ce qui « électrise » son existence : les lettres et le cinéma, qu’elle enseigne d’abord à Périgueux puis, à partir des années 1980, au lycée expérimental de Montgeron (Essonne) où, dans un bouillonnement intellectuel et artistique, elle connaîtra ses plus belles années.

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