Pendant que le cinéma français se déchire sur la question de sa survie sur fond d’hémorragie des entrées, deux cinéastes viennent poser là ce qui pourrait être une des meilleures séries de l’année. Ironie de l’histoire, le biopic que Katell Quillévéré et Hélier Cisterne consacrent à NTM et à quelques autres pionniers du rap français est le fruit de la collaboration entre une chaîne de télévision (Arte), un producteur de cinéma (Les Films du Bélier) et une plate-forme (Netflix). Comme s’il fallait une preuve que de ces alliages apparemment contre-nature peut surgir le meilleur. Le couple de cinéastes saisit, en six épisodes soignés, la naissance d’un écosystème, d’un son et d’une industrie devenue, quelque trente ans plus tard, ultra-dominante.
A entendre les productions autotunées et ultra-léchées d’aujourd’hui, il est difficile d’imaginer l’artisanat des débuts. C’est ce bidouillage sonore et visuel que Le Monde de demain reconstitue, sur une poignée d’années qui vont en gros du phénomène « H.I.P. H.O.P. » apparu en 1984 sur TF1 aux émeutes de Vaulx-en-Velin (Rhône) dans la banlieue lyonnaise, à la suite de la mort d’un jeune homme fuyant la police en 1990.
Au début des années 1980, Daniel (Andranic Manet), « blanc-bec » collectionneur de vinyles et apprenti DJ, revient des Etats-Unis du funk plein les oreilles et l’envie d’en découdre aux platines. Timide, il se fait déniaiser par Béatrice (Léo Chalié), une fille d’épicier qui gagne quelques sous dans des peep-shows et l’encourage à monnayer son talent. Au même moment, les jeunes Bruno (Anthony Bajon) et Didier (Melvin Boomer) trompent la morosité de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) en répétant des mouvements de break dance sur un morceau de lino. Graffeurs la nuit, ils croisent au pied des murs de la cité Virginie (Laïka Blanc-Francard), une danseuse qui aime défier les garçons à coups de bombe de peinture.
Tout près, à Paris, c’est l’époque des block parties (« fêtes de quartier ») clandestines à Stalingrad, des antennes ouvertes et des freestyles enfumés sur la radio Nova. Sous leur nom de graffeur, JoeyStarr et Kool Shen, Bruno et Didier s’emparent du micro et s’inspirent de leur vie en banlieue pour slamer. Sans argent mais avec l’énergie de l’adolescence, Suprême NTM s’apprête à détromper tous ceux qui clament que « le rap français ne se vend pas ».
Scénario finement politique
Le Monde de demain fait un récit émouvant de cette époque révolue où les gens sortaient pour danser, découvraient des sons nouveaux en boîte de nuit, vénéraient les DJ et les disquaires. Quand faire du rap, en parler, le diffuser, ne rapportait pas grand-chose si ce n’est l’intuition de participer à quelque chose d’important.
Il vous reste 38.85% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.
Read AgainPendant que le cinéma français se déchire sur la question de sa survie sur fond d’hémorragie des entrées, deux cinéastes viennent poser là ce qui pourrait être une des meilleures séries de l’année. Ironie de l’histoire, le biopic que Katell Quillévéré et Hélier Cisterne consacrent à NTM et à quelques autres pionniers du rap français est le fruit de la collaboration entre une chaîne de télévision (Arte), un producteur de cinéma (Les Films du Bélier) et une plate-forme (Netflix). Comme s’il fallait une preuve que de ces alliages apparemment contre-nature peut surgir le meilleur. Le couple de cinéastes saisit, en six épisodes soignés, la naissance d’un écosystème, d’un son et d’une industrie devenue, quelque trente ans plus tard, ultra-dominante.
A entendre les productions autotunées et ultra-léchées d’aujourd’hui, il est difficile d’imaginer l’artisanat des débuts. C’est ce bidouillage sonore et visuel que Le Monde de demain reconstitue, sur une poignée d’années qui vont en gros du phénomène « H.I.P. H.O.P. » apparu en 1984 sur TF1 aux émeutes de Vaulx-en-Velin (Rhône) dans la banlieue lyonnaise, à la suite de la mort d’un jeune homme fuyant la police en 1990.
Au début des années 1980, Daniel (Andranic Manet), « blanc-bec » collectionneur de vinyles et apprenti DJ, revient des Etats-Unis du funk plein les oreilles et l’envie d’en découdre aux platines. Timide, il se fait déniaiser par Béatrice (Léo Chalié), une fille d’épicier qui gagne quelques sous dans des peep-shows et l’encourage à monnayer son talent. Au même moment, les jeunes Bruno (Anthony Bajon) et Didier (Melvin Boomer) trompent la morosité de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) en répétant des mouvements de break dance sur un morceau de lino. Graffeurs la nuit, ils croisent au pied des murs de la cité Virginie (Laïka Blanc-Francard), une danseuse qui aime défier les garçons à coups de bombe de peinture.
Tout près, à Paris, c’est l’époque des block parties (« fêtes de quartier ») clandestines à Stalingrad, des antennes ouvertes et des freestyles enfumés sur la radio Nova. Sous leur nom de graffeur, JoeyStarr et Kool Shen, Bruno et Didier s’emparent du micro et s’inspirent de leur vie en banlieue pour slamer. Sans argent mais avec l’énergie de l’adolescence, Suprême NTM s’apprête à détromper tous ceux qui clament que « le rap français ne se vend pas ».
Scénario finement politique
Le Monde de demain fait un récit émouvant de cette époque révolue où les gens sortaient pour danser, découvraient des sons nouveaux en boîte de nuit, vénéraient les DJ et les disquaires. Quand faire du rap, en parler, le diffuser, ne rapportait pas grand-chose si ce n’est l’intuition de participer à quelque chose d’important.
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