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Fumer fait tousser : critique des Power Rangers de Dupieux - EcranLarge

LOWER RANGERS

Benzène, Methanol, Nicotine, Mercure et Ammoniaque ne sont pas que les substances toxiques que l’on peut retrouver dans une cigarette. Ce sont aussi les cinq membres de Tabac Force, une équipe de héros qui luttent contre les méchants en les asphyxiant grâce à leurs pouvoirs toxiques. Dans leurs costumes moulants, Gilles Lellouche, Anaïs Demoustier, Jean-Pascal Zadi, Oulaya Amamra et Vincent Lacoste sont de dignes personnages de sentai, ces récits japonais dans lesquels un groupe de héros en combi casse de l’envahisseur mutant au déguisement douteux.

Justement, le film s’ouvre sur un affrontement entre les Tabac Force et un monstre pas très monstrueux qu’ils vont réduire en bouillie sanglante tous ensemble comme de vrais copains. Comme à son habitude, le réalisateur de Rubber se sent comme un poisson dans l’eau lorsqu'il navigue sur les codes du cinéma bis. Son regard à la fois moqueur et tendre sur le genre du sentai s’impose comme un parfait prolongement au ton décalé de sa carrière. Même paysages désertiques et ensoleillés, même malaise maîtrisé, même plaisir de voir des acteurs connus faire les idiots. On est chez le Dupieux qui gagne, et qui signe dans ces premières minutes de bagarre l’une des scènes les plus réussies du film, tant elle traduit fidèlement le ridicule des programmes dont la télévision des années 90 a abreuvé son jeune public.

Fumer fait tousser : photo Vincent Lacoste, Oulaya AmamraPause pas clope après le massacre

CHABAT FORCE

On regrette néanmoins que la parodie s’arrête ici, à peu de choses près, car le film délaisse assez vite son concept pour basculer dans l’intrigue à tiroirs, et utilise notamment la fameuse carte du feu de camp autour duquel les personnages vont se raconter des histoires. Chacun des récits équivaut à un petit film dans le film, avec scénario et casting à part entière.

Si la formule est d’abord assez plaisante, elle finit par donner l’impression d’un remplissage gratuit qui détourne le spectateur de l’histoire originale sans jamais le séduire autant. Dommage, car ces courts-métrages représentent autant de bonnes idées qui auraient mérité de faire l’objet d’œuvres indépendantes, courtes ou longues. Ici, rentrées au chausse-pied dans le récit principal, elles font office de confiture trop étalée sur la tartine d’un film qui s’éparpille.

Fumer fait tousser : photo , Gilles Lellouche

"J'ai une blague à raconter, ça va vous occuper 10 min"

Néanmoins, même s’il y a à boire et à manger dans Fumer fait tousser, impossible de passer à côté du coup de génie du film, qui n’est autre qu’Alain Chabat. Enfin, non, pas tout à fait Alain Chabat, ce serait trop facile. Il s’agit plutôt de Chef Didier, la répugnante marionnette de rat qui sert de patron à nos pauvres rangers et à laquelle Chabat prête ses talents de doubleur. Seul personnage non-humain, il incarne si bien ce que l’esprit de Dupieux peut invoquer de plus drôle qu’il en est finalement le personnage le plus réussi du film.

Proche cousin (sûrement consanguin) du Mr. Oizo des clips du réalisateur, Chef Didier est un rat en feutrine pas mignon du tout, de la bouche duquel s’écoule constamment un liquide vert et visqueux. Détail qui ne l’empêche pas de donner ses consignes aux Tabac Force avec le sérieux d’un Charlie qui s’adresse à ses drôles de Dames, et ne l’empêche pas non plus d’être un véritable tombeur (car beaucoup de femmes en pincent pour les rats baveux, c’est bien connu, c’est le principe de l’hétérosexualité). Pour donner vie au rongeur, Chabat emploie sa désarmante sobriété dont le contraste avec l’aspect de la marionnette est hilarant, ce qui redonne un coup de boost au film chaque fois qu’il entre en scène.

Fumer fait tousser : photo

On veut un duo avec Splinter

CLOPES ET CLOPINETTES

Et des coups de boost, le film en a besoin. Parce qu’à l’instar d’autres films du réalisateur, après un démarrage sur les chapeaux de roue et de bonnes idées disséminées à droite et à gauche, Fumer fait tousser abandonne toute réelle ambition de récit et peine à raccorder les wagons. Rapidement, le soufflé retombe : priver le spectateur de l’histoire qu’il était en train de suivre (et qui le faisait bien marrer) pour lui offrir des segments savoureux mais survolés, c’est extrêmement frustrant. La nonchalance de l’écriture trahit un refus de se fatiguer à conclure l’histoire et, paradoxalement, l’envie de faire une place au soleil à des idées secondaires, quitte à tout jeter dans le mixeur et livrer un film paresseux.

Fumer fait tousser : photo

Dupieux quand tu lui parles de finir son scénario

Ce genre de formule fonctionne bien dans une économie qui était celle du Dupieux de Rubber et Wrong Cops, car le public des films de genre fauchés a un œil tolérant, si ce n’est aimant, pour les problèmes de production qui se voient à l’écran et se ressentent au scénario. Mais difficile pour le Dupieux actuel de plaider le manque de ressources. Sa réputation ne cesse de grandir et la moitié des stars du cinéma français caracole en haut de ses affiches – parmi les seconds rôles ici : Adèle Exarchopoulos, David Marsais, Grégoire Ludig, Dora Tillier, Benoît Poelvoorde…

Dupieux sait s’attirer la confiance d’acteurs qui font tout le piquant de ses films, et là aussi, il n’hésite pas à miser sur la quantité. Mais tenter de séduire par l’insouciance des films sans moyen, quand on n’en manque pas, ça fonctionne si on fait du pastiche comme dans la première séquence. Sinon, ça sonne un peu comme une arnaque.

Fumer fait tousser : Affiche française

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Benzène, Methanol, Nicotine, Mercure et Ammoniaque ne sont pas que les substances toxiques que l’on peut retrouver dans une cigarette. Ce sont aussi les cinq membres de Tabac Force, une équipe de héros qui luttent contre les méchants en les asphyxiant grâce à leurs pouvoirs toxiques. Dans leurs costumes moulants, Gilles Lellouche, Anaïs Demoustier, Jean-Pascal Zadi, Oulaya Amamra et Vincent Lacoste sont de dignes personnages de sentai, ces récits japonais dans lesquels un groupe de héros en combi casse de l’envahisseur mutant au déguisement douteux.

Justement, le film s’ouvre sur un affrontement entre les Tabac Force et un monstre pas très monstrueux qu’ils vont réduire en bouillie sanglante tous ensemble comme de vrais copains. Comme à son habitude, le réalisateur de Rubber se sent comme un poisson dans l’eau lorsqu'il navigue sur les codes du cinéma bis. Son regard à la fois moqueur et tendre sur le genre du sentai s’impose comme un parfait prolongement au ton décalé de sa carrière. Même paysages désertiques et ensoleillés, même malaise maîtrisé, même plaisir de voir des acteurs connus faire les idiots. On est chez le Dupieux qui gagne, et qui signe dans ces premières minutes de bagarre l’une des scènes les plus réussies du film, tant elle traduit fidèlement le ridicule des programmes dont la télévision des années 90 a abreuvé son jeune public.

Fumer fait tousser : photo Vincent Lacoste, Oulaya AmamraPause pas clope après le massacre

CHABAT FORCE

On regrette néanmoins que la parodie s’arrête ici, à peu de choses près, car le film délaisse assez vite son concept pour basculer dans l’intrigue à tiroirs, et utilise notamment la fameuse carte du feu de camp autour duquel les personnages vont se raconter des histoires. Chacun des récits équivaut à un petit film dans le film, avec scénario et casting à part entière.

Si la formule est d’abord assez plaisante, elle finit par donner l’impression d’un remplissage gratuit qui détourne le spectateur de l’histoire originale sans jamais le séduire autant. Dommage, car ces courts-métrages représentent autant de bonnes idées qui auraient mérité de faire l’objet d’œuvres indépendantes, courtes ou longues. Ici, rentrées au chausse-pied dans le récit principal, elles font office de confiture trop étalée sur la tartine d’un film qui s’éparpille.

Fumer fait tousser : photo , Gilles Lellouche

"J'ai une blague à raconter, ça va vous occuper 10 min"

Néanmoins, même s’il y a à boire et à manger dans Fumer fait tousser, impossible de passer à côté du coup de génie du film, qui n’est autre qu’Alain Chabat. Enfin, non, pas tout à fait Alain Chabat, ce serait trop facile. Il s’agit plutôt de Chef Didier, la répugnante marionnette de rat qui sert de patron à nos pauvres rangers et à laquelle Chabat prête ses talents de doubleur. Seul personnage non-humain, il incarne si bien ce que l’esprit de Dupieux peut invoquer de plus drôle qu’il en est finalement le personnage le plus réussi du film.

Proche cousin (sûrement consanguin) du Mr. Oizo des clips du réalisateur, Chef Didier est un rat en feutrine pas mignon du tout, de la bouche duquel s’écoule constamment un liquide vert et visqueux. Détail qui ne l’empêche pas de donner ses consignes aux Tabac Force avec le sérieux d’un Charlie qui s’adresse à ses drôles de Dames, et ne l’empêche pas non plus d’être un véritable tombeur (car beaucoup de femmes en pincent pour les rats baveux, c’est bien connu, c’est le principe de l’hétérosexualité). Pour donner vie au rongeur, Chabat emploie sa désarmante sobriété dont le contraste avec l’aspect de la marionnette est hilarant, ce qui redonne un coup de boost au film chaque fois qu’il entre en scène.

Fumer fait tousser : photo

On veut un duo avec Splinter

CLOPES ET CLOPINETTES

Et des coups de boost, le film en a besoin. Parce qu’à l’instar d’autres films du réalisateur, après un démarrage sur les chapeaux de roue et de bonnes idées disséminées à droite et à gauche, Fumer fait tousser abandonne toute réelle ambition de récit et peine à raccorder les wagons. Rapidement, le soufflé retombe : priver le spectateur de l’histoire qu’il était en train de suivre (et qui le faisait bien marrer) pour lui offrir des segments savoureux mais survolés, c’est extrêmement frustrant. La nonchalance de l’écriture trahit un refus de se fatiguer à conclure l’histoire et, paradoxalement, l’envie de faire une place au soleil à des idées secondaires, quitte à tout jeter dans le mixeur et livrer un film paresseux.

Fumer fait tousser : photo

Dupieux quand tu lui parles de finir son scénario

Ce genre de formule fonctionne bien dans une économie qui était celle du Dupieux de Rubber et Wrong Cops, car le public des films de genre fauchés a un œil tolérant, si ce n’est aimant, pour les problèmes de production qui se voient à l’écran et se ressentent au scénario. Mais difficile pour le Dupieux actuel de plaider le manque de ressources. Sa réputation ne cesse de grandir et la moitié des stars du cinéma français caracole en haut de ses affiches – parmi les seconds rôles ici : Adèle Exarchopoulos, David Marsais, Grégoire Ludig, Dora Tillier, Benoît Poelvoorde…

Dupieux sait s’attirer la confiance d’acteurs qui font tout le piquant de ses films, et là aussi, il n’hésite pas à miser sur la quantité. Mais tenter de séduire par l’insouciance des films sans moyen, quand on n’en manque pas, ça fonctionne si on fait du pastiche comme dans la première séquence. Sinon, ça sonne un peu comme une arnaque.

Fumer fait tousser : Affiche française

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