Ils sont quatre. Parmi les treize accusés de l'affaire d'Outreau, la plupart emprisonnés, puis innocentés dans le cadre de l’affaire d’Outreau, quatre ont accepté de témoigner, plus de vingt ans après les premiers aveux de Myriam Badaoui. Recensées dans un documentaire diffusé sur France 2, ces paroles rares font l’état des quatre années d’enquête et de procès qui ont bouleversé la vie de ses protagonistes comme l’opinion publique, sur fond d’un potentiel réseau pédophile international, entre 2001 et 2005. À ces témoignages s’ajoutent ceux des enfants de l’époque. Jonathan Delay, l’un des quatre fils des époux Delay, et François-Xavier Marécaux, fils d’Alain Marécaux, acquitté après 691 jours de détention.
La journaliste réalisatrice Agnès Pizzini et le réalisateur de fiction Olivier Ayache Vidal ont épluché les 38 tomes du dossier d’instruction pour les reconstituer au fil d’une série déroutante. Le résultat aboutit sur un objet télévisuel non identifié, brisant les frontières entre documentaire et fiction, et où les codes du documentaire comme celles du théâtre du cinéma sont convoquées. Les souvenirs des protagonistes, bien réels, s’entrechoquent avec des reconstitutions dans un format s’apparentant à un making-of.
« Cette affaire mêle tellement le réel et l’irréel que le format qu’on a créé correspond bien à ce qu’il s’est passé », commente Olivier Ayache Vidal à 20 Minutes. Au fil des épisodes, les personnes impliquées assistent aux situations qu’ils ont vécues, reproduites pas des « doubles », acteurs de cinéma. « À tout moment, ils pouvaient arrêter la scène et dire ce qu’ils voulaient, au moment où ils le voulaient. »
« Leur permettre de dire ce qu’ils n’ont pas pu dire »
« J’ai commencé par me plonger dans le dossier d’instruction pour comprendre ce qu’il s’est passé loin des émotions et des passions d’il y a vingt ans où chacun était tenté de prendre parti », rembobine Agnès Pizzini. Très vite, elle constate que là où l’instruction doit faire jaillir la vérité, cette affaire dantesque a généré une forme de fiction. S’engouffrer dans quelque chose qui dépasse les codes du documentaire comme de la fiction dans leur aspect le plus traditionnel devient une évidence.
Les co-réalisateurs s’accordent pour évoquer une série co-crée directement avec les protagonistes qui interviennent. La seule information dont ils ont bénéficié avant d’assister aux reconstitutions était les évènements dont elles faisaient l’objet. « Nous voulions ramener les protagonistes dans leurs souvenirs et leur permettre de dire ce qu’ils n’avaient pas pu dire à l’époque », se réjouit Olivier Ayache Vidal.
Tour à tour, le docu-fiction présente les protagonistes, montre la rencontre avec leur doublure sur le plateau de tournage, les fait voyager de décor en décor afin de les replonger dans les situations qu’ils ont vécues et qui souvent, ont marqué leurs vies à jamais.
Volonté salvatrice « pour toutes les victimes »
Si ce nouveau document consacré à cette affaire très médiatique n’apprend rien, il permet de mieux comprendre ce qui se joue entre réalité et fiction mais aussi passé et présent. « Tous les intervenants qui ont accepté de revenir sur cette affaire avec nous ont refusé d’autres projets », précise Agnès Pizzini. Avec transparence mais aussi aidés par Georges Huercano-Hidalgo, le premier journaliste belge ayant mis en doute l’instruction du juge Fabrice Burgaud, en charge du dossier, les co-réalisateurs sont parvenus à rassembler les témoignages qui font la richesse de la série.
« Nous avons toujours été très clairs en disant qu’on ne donnerait la parole qu’à des protagonistes de cette histoire, sans expert donnant un avis à postériori », ajoute la journaliste. Avocats, journalistes ou encore enquêteurs viennent à leur tour éclairer de leur vécu certaines situations reconstituées. Seul manque le juge Burgaud, rencontré par l’équipe du projet, qui n’a pas souhaité y prendre part.
Jonathan Delay, désormais âgé de 27 ans et reconnu victime de viols comme douze autres enfants dans cette affaire, a évoqué une « fumisterie abominable » ce dimanche 15 janvier. « Surjouée, caricaturale et tirée par les cheveux, loin du rêve que l’on m’avait présenté lors de l’annonce du projet », tranche-t-il sur Twitter, appelant le public au boycott. Surpris par ces critiques, les co-réalisateurs disent comprendre cette réaction en assurant que « son témoignage a été extrêmement important ». « Nous aimerions que ce film soit salvateur pour toutes les victimes, enfants et acquittés. Elles ne témoignent pas les unes contre les autres, d’ailleurs les acquittés ont de la compassion pour Jonathan et n’ont aucune rancœur », précise Olivier Ayache Vidal évoquant encore sa volonté de « rendre hommage » à ces victimes.
Quatre épisodes
Sous forme d’épisodes entre 50 et 55 minutes, le résultat de ces nombreux mois d’enquête, d’interviews puis de reconstitution s’étale en quatre chapitres. La production estime qu’il s’agit du meilleur format pour mieux appréhender les nombreux personnages mais aussi la chronologie des faits. La petite affaire d’inceste grandit et devient un réseau pédophile, passant pas le meurtre d’une petite fille puis le procès, démêlant certaines accusations.
Toujours ébahi pas « l’audace de France 2 », Olivier Ayache Vidal estime que le service public lui a laissé la chance d’aller au bout d’une proposition artistique « novatrice ». De son côté, Agnès Pizzini souligne l’intérêt démocratique d’un tel retour en arrière. « C’est réjouissant de se dire que dans une démocratie, on peut remettre en question nos institutions et que ça fasse toujours autant parler… »
Read AgainIls sont quatre. Parmi les treize accusés de l'affaire d'Outreau, la plupart emprisonnés, puis innocentés dans le cadre de l’affaire d’Outreau, quatre ont accepté de témoigner, plus de vingt ans après les premiers aveux de Myriam Badaoui. Recensées dans un documentaire diffusé sur France 2, ces paroles rares font l’état des quatre années d’enquête et de procès qui ont bouleversé la vie de ses protagonistes comme l’opinion publique, sur fond d’un potentiel réseau pédophile international, entre 2001 et 2005. À ces témoignages s’ajoutent ceux des enfants de l’époque. Jonathan Delay, l’un des quatre fils des époux Delay, et François-Xavier Marécaux, fils d’Alain Marécaux, acquitté après 691 jours de détention.
La journaliste réalisatrice Agnès Pizzini et le réalisateur de fiction Olivier Ayache Vidal ont épluché les 38 tomes du dossier d’instruction pour les reconstituer au fil d’une série déroutante. Le résultat aboutit sur un objet télévisuel non identifié, brisant les frontières entre documentaire et fiction, et où les codes du documentaire comme celles du théâtre du cinéma sont convoquées. Les souvenirs des protagonistes, bien réels, s’entrechoquent avec des reconstitutions dans un format s’apparentant à un making-of.
« Cette affaire mêle tellement le réel et l’irréel que le format qu’on a créé correspond bien à ce qu’il s’est passé », commente Olivier Ayache Vidal à 20 Minutes. Au fil des épisodes, les personnes impliquées assistent aux situations qu’ils ont vécues, reproduites pas des « doubles », acteurs de cinéma. « À tout moment, ils pouvaient arrêter la scène et dire ce qu’ils voulaient, au moment où ils le voulaient. »
« Leur permettre de dire ce qu’ils n’ont pas pu dire »
« J’ai commencé par me plonger dans le dossier d’instruction pour comprendre ce qu’il s’est passé loin des émotions et des passions d’il y a vingt ans où chacun était tenté de prendre parti », rembobine Agnès Pizzini. Très vite, elle constate que là où l’instruction doit faire jaillir la vérité, cette affaire dantesque a généré une forme de fiction. S’engouffrer dans quelque chose qui dépasse les codes du documentaire comme de la fiction dans leur aspect le plus traditionnel devient une évidence.
Les co-réalisateurs s’accordent pour évoquer une série co-crée directement avec les protagonistes qui interviennent. La seule information dont ils ont bénéficié avant d’assister aux reconstitutions était les évènements dont elles faisaient l’objet. « Nous voulions ramener les protagonistes dans leurs souvenirs et leur permettre de dire ce qu’ils n’avaient pas pu dire à l’époque », se réjouit Olivier Ayache Vidal.
Tour à tour, le docu-fiction présente les protagonistes, montre la rencontre avec leur doublure sur le plateau de tournage, les fait voyager de décor en décor afin de les replonger dans les situations qu’ils ont vécues et qui souvent, ont marqué leurs vies à jamais.
Volonté salvatrice « pour toutes les victimes »
Si ce nouveau document consacré à cette affaire très médiatique n’apprend rien, il permet de mieux comprendre ce qui se joue entre réalité et fiction mais aussi passé et présent. « Tous les intervenants qui ont accepté de revenir sur cette affaire avec nous ont refusé d’autres projets », précise Agnès Pizzini. Avec transparence mais aussi aidés par Georges Huercano-Hidalgo, le premier journaliste belge ayant mis en doute l’instruction du juge Fabrice Burgaud, en charge du dossier, les co-réalisateurs sont parvenus à rassembler les témoignages qui font la richesse de la série.
« Nous avons toujours été très clairs en disant qu’on ne donnerait la parole qu’à des protagonistes de cette histoire, sans expert donnant un avis à postériori », ajoute la journaliste. Avocats, journalistes ou encore enquêteurs viennent à leur tour éclairer de leur vécu certaines situations reconstituées. Seul manque le juge Burgaud, rencontré par l’équipe du projet, qui n’a pas souhaité y prendre part.
Jonathan Delay, désormais âgé de 27 ans et reconnu victime de viols comme douze autres enfants dans cette affaire, a évoqué une « fumisterie abominable » ce dimanche 15 janvier. « Surjouée, caricaturale et tirée par les cheveux, loin du rêve que l’on m’avait présenté lors de l’annonce du projet », tranche-t-il sur Twitter, appelant le public au boycott. Surpris par ces critiques, les co-réalisateurs disent comprendre cette réaction en assurant que « son témoignage a été extrêmement important ». « Nous aimerions que ce film soit salvateur pour toutes les victimes, enfants et acquittés. Elles ne témoignent pas les unes contre les autres, d’ailleurs les acquittés ont de la compassion pour Jonathan et n’ont aucune rancœur », précise Olivier Ayache Vidal évoquant encore sa volonté de « rendre hommage » à ces victimes.
Quatre épisodes
Sous forme d’épisodes entre 50 et 55 minutes, le résultat de ces nombreux mois d’enquête, d’interviews puis de reconstitution s’étale en quatre chapitres. La production estime qu’il s’agit du meilleur format pour mieux appréhender les nombreux personnages mais aussi la chronologie des faits. La petite affaire d’inceste grandit et devient un réseau pédophile, passant pas le meurtre d’une petite fille puis le procès, démêlant certaines accusations.
Toujours ébahi pas « l’audace de France 2 », Olivier Ayache Vidal estime que le service public lui a laissé la chance d’aller au bout d’une proposition artistique « novatrice ». De son côté, Agnès Pizzini souligne l’intérêt démocratique d’un tel retour en arrière. « C’est réjouissant de se dire que dans une démocratie, on peut remettre en question nos institutions et que ça fasse toujours autant parler… »
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