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Bret Easton Ellis dans « Le Monde », un auteur attendu au tournant à chaque roman - Le Monde

Bret Easton Ellis, à Paris, le 20 septembre 2019.

Trente-sept ans. De son premier à son dernier roman, Les Eclats (Robert Laffont, 2023), paru jeudi 16 mars, le quotidien Le Monde a scrupuleusement suivi la carrière du romancier américain, Bret Easton Ellis. Dès la parution de Moins que zéro (Christian Bourgois, 1986), Bernard Géniès partage, le 4 juillet 1986, son enthousiasme pour cet inconnu âgé de 22 ans qu’il surnomme le « romancier de la génération morne ». De ce « curieux récit » qui campe la jeunesse dorée de Los Angeles, des filles et des garçons beaux, riches, défoncés et totalement désabusés, le journaliste souligne l’« extraordinaire puissance de la narration ».

Six ans plus tard, au printemps 1992, le romancier fait un retour retentissant avec son controversé American Psycho (Salvy, 1992), l’histoire de Patrick Bateman, jeune golden boy et « psychopathe à l’humour froid comme un bistouri ». Un personnage dont Michel Braudeau écrit, le 24 avril 1992, qu’il « est, hélas, l’un des plus intéressants qu’on ait créés au cours des dix dernières années ». De la violente polémique outre-Atlantique qui vaut à l’écrivain de recevoir des menaces de mort, le journaliste note que, « plus encore que le ton neutre qu’utilise Bateman pour raconter ses crimes, ce qui a choqué les Américains est qu’il soit un symbole de réussite, un de ses enfants dorés. Qu’à la fin du roman il reste impuni ». Le succès est au rendez-vous : les ventes s’envolent et le roman est traduit dans 24 pays.

Chef de file d’un genre nouveau

Plus qu’un simple auteur à succès, Bret Easton Ellis fait figure de chef de file d’un genre nouveau. Ce qui lui vaut d’apparaître dans un portrait de groupe intitulé Génération survie, ces jeunes écrivains qui secouent la littérature américaine. Paru le 22 mars 1996, cet article rappelle que, « à 31 ans, dix ans après ses fulgurants débuts, Bret Easton Ellis semble être passé par tous les hauts et bas possibles. Déjà brûlé plusieurs fois, il semble renaître à chaque fois avec encore plus ­d’à-propos ». Le scandale semble désormais accompagner chacun de ses livres. « Une fois l’indignation retombée, le principal scandale de Bret Easton Ellis reste bien sûr l’angoissante neutralité de son style, observe Le Monde le 18 octobre 1996, à l’occasion de la parution de Zombies (Robert Laffont, 1996). Tout y est jeune, américain, violent, commercial, scandaleux, avec le minimum d’effets de style. »

En cette fin de siècle, la littérature française semble contaminée par ce même symptôme. Ces années-là sont celles de la consécration du Bret Easton Ellis français, Frédéric Beigbeder. Et de l’ascension de Michel Houellebecq qui se compare, en marge de la sortie des Particules élémentaires, dans Le Monde du 18 septembre 1998, au romancier américain : « Comme Bret Easton Ellis dans American Psycho, j’apporte de mauvaises nouvelles : et on pardonne rarement aux porteurs de mauvaises nouvelles. Je n’ai pas (pas encore ?) reçu de menaces de mort ; reste qu’à travers mon livre quelque chose (une génération ? un siècle ? un système économique ? une civilisation ?) s’est senti jugé. »

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Bret Easton Ellis, à Paris, le 20 septembre 2019.

Trente-sept ans. De son premier à son dernier roman, Les Eclats (Robert Laffont, 2023), paru jeudi 16 mars, le quotidien Le Monde a scrupuleusement suivi la carrière du romancier américain, Bret Easton Ellis. Dès la parution de Moins que zéro (Christian Bourgois, 1986), Bernard Géniès partage, le 4 juillet 1986, son enthousiasme pour cet inconnu âgé de 22 ans qu’il surnomme le « romancier de la génération morne ». De ce « curieux récit » qui campe la jeunesse dorée de Los Angeles, des filles et des garçons beaux, riches, défoncés et totalement désabusés, le journaliste souligne l’« extraordinaire puissance de la narration ».

Six ans plus tard, au printemps 1992, le romancier fait un retour retentissant avec son controversé American Psycho (Salvy, 1992), l’histoire de Patrick Bateman, jeune golden boy et « psychopathe à l’humour froid comme un bistouri ». Un personnage dont Michel Braudeau écrit, le 24 avril 1992, qu’il « est, hélas, l’un des plus intéressants qu’on ait créés au cours des dix dernières années ». De la violente polémique outre-Atlantique qui vaut à l’écrivain de recevoir des menaces de mort, le journaliste note que, « plus encore que le ton neutre qu’utilise Bateman pour raconter ses crimes, ce qui a choqué les Américains est qu’il soit un symbole de réussite, un de ses enfants dorés. Qu’à la fin du roman il reste impuni ». Le succès est au rendez-vous : les ventes s’envolent et le roman est traduit dans 24 pays.

Chef de file d’un genre nouveau

Plus qu’un simple auteur à succès, Bret Easton Ellis fait figure de chef de file d’un genre nouveau. Ce qui lui vaut d’apparaître dans un portrait de groupe intitulé Génération survie, ces jeunes écrivains qui secouent la littérature américaine. Paru le 22 mars 1996, cet article rappelle que, « à 31 ans, dix ans après ses fulgurants débuts, Bret Easton Ellis semble être passé par tous les hauts et bas possibles. Déjà brûlé plusieurs fois, il semble renaître à chaque fois avec encore plus ­d’à-propos ». Le scandale semble désormais accompagner chacun de ses livres. « Une fois l’indignation retombée, le principal scandale de Bret Easton Ellis reste bien sûr l’angoissante neutralité de son style, observe Le Monde le 18 octobre 1996, à l’occasion de la parution de Zombies (Robert Laffont, 1996). Tout y est jeune, américain, violent, commercial, scandaleux, avec le minimum d’effets de style. »

En cette fin de siècle, la littérature française semble contaminée par ce même symptôme. Ces années-là sont celles de la consécration du Bret Easton Ellis français, Frédéric Beigbeder. Et de l’ascension de Michel Houellebecq qui se compare, en marge de la sortie des Particules élémentaires, dans Le Monde du 18 septembre 1998, au romancier américain : « Comme Bret Easton Ellis dans American Psycho, j’apporte de mauvaises nouvelles : et on pardonne rarement aux porteurs de mauvaises nouvelles. Je n’ai pas (pas encore ?) reçu de menaces de mort ; reste qu’à travers mon livre quelque chose (une génération ? un siècle ? un système économique ? une civilisation ?) s’est senti jugé. »

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