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Film « Les Algues vertes » : « Combien de lanceurs d'alerte ne s'en sortent pas ! » - Le Télégramme

Avant d’interpréter le personnage d’Inès Léraud, que connaissiez-vous de la question des algues vertes en Bretagne ?

J’y ai été sensibilisée grâce à la BD d’Inès « Algues vertes » (Éditions Delcourt). J’aimais son côté précurseur. Il y avait une facilité de lecture dans le récit, c’était ludique ; on n’était pas que dans le mental, mais aussi dans l’émotionnel.

Inès m’a donné toutes les clés de son parcours. C’est une personne merveilleusement généreuse. C’est par son regard neuf que l’on entre en Bretagne, que l’on apprend toutes les strates de l’enquête. J’ai écouté les deux saisons de son podcast « Journal breton », qui m’ont complètement désarçonnée.

(Photo Mélanie Bodolec/Haut et Court Distribution)

Qu’est-ce qui vous touche le plus chez Inès Léraud ?

Son opiniâtreté, la justesse de son regard, sa grande intelligence, mais aussi sa douceur. Dans « Journal breton », elle a une écoute incroyable, une façon de recueillir les émotions, d’aller au contraire des clichés ou de la pensée toute faite. Un regard puissant et politique, courageux. Elle a eu des procès pour diffamation. C’est très dangereux pour la santé mentale de s’attaquer à des géants. Combien de lanceurs d’alerte ne s’en sortent pas !

Les avant-premières à Rennes, Callac, Plestin-les-Grèves et Brest ont fait salle comble. En quoi le cinéma est-il un média plus puissant qu’une BD ou un podcast ?

Un film, au-delà de la salle, peut aussi venir dans la télé ou le téléphone. L’information circule, comme avec les réseaux sociaux, il y a cette rapidité. En revoyant des classiques comme « Dark Waters » de Todd Haynes (2020) ou « Rouge » de Farid Bentoumi (2021), j’ai vu une fraternité entre ces films. Ils ont des enjeux de cinéma, mais la vérité de ces histoires est tellement puissante. Parce que derrière, c’est vrai. Ce n’est pas tant une force documentaire qu’une assise, un enracinement qui le fait tenir debout.

La plage d’Hillion (22), où est mort le ramasseur d’algues Jean-Louis Auffret en septembre 2016, est fermée car le seuil d’alerte du H2S (hydrogène sulfuré) est dépassé. Pourtant, en novembre 2022, sa famille a été déboutée par le tribunal administratif. La question des algues vertes est-elle encore taboue ?

Le tabou, c’est quand il y a un déni ! Or, il n’y a plus de déni aujourd’hui grâce au combat de Rosy Auffret (la femme de Jean-Louis Auffret) et de ses proches. Mais il y a encore des gens incapables d’en parler, parce que c’est trop compliqué en termes d’implications. Tout est lié. Aujourd’hui, on ramasse les algues, mais la question n’est pas réglée. On continue d’empoisonner notre environnement.

L’homme a les connaissances pour progresser, mais son système de surproduction l’emmène trop loin

La Région Bretagne a finalement soutenu le film à la fin du tournage. Pensez-vous que ça puisse être la fin d’une fabrique du silence ?

Le vrai problème, c’est que le silence retombe. Il ne faut pas seulement parler, il faut chercher des solutions. Il y a quelques jours, la FNSEA disait au micro de France Inter : « On sait que l’on doit évoluer, mais ça va prendre du temps »… Or, personne n’est prêt à prendre le temps de la réflexion pour cesser de détruire systématiquement le vivant. C’est d’une telle bêtise. On devrait être éclairés aujourd’hui en tant que civilisation sur les dégâts que l’on fait sur l’air, les nappes phréatiques. On a enlevé les haies, détruit les petites parcelles et les sols ne retiennent plus l’eau. Tout est tressé… L’homme a les connaissances pour progresser, mais son système de surproduction l’emmène trop loin.

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Avant d’interpréter le personnage d’Inès Léraud, que connaissiez-vous de la question des algues vertes en Bretagne ?

J’y ai été sensibilisée grâce à la BD d’Inès « Algues vertes » (Éditions Delcourt). J’aimais son côté précurseur. Il y avait une facilité de lecture dans le récit, c’était ludique ; on n’était pas que dans le mental, mais aussi dans l’émotionnel.

Inès m’a donné toutes les clés de son parcours. C’est une personne merveilleusement généreuse. C’est par son regard neuf que l’on entre en Bretagne, que l’on apprend toutes les strates de l’enquête. J’ai écouté les deux saisons de son podcast « Journal breton », qui m’ont complètement désarçonnée.

(Photo Mélanie Bodolec/Haut et Court Distribution)

Qu’est-ce qui vous touche le plus chez Inès Léraud ?

Son opiniâtreté, la justesse de son regard, sa grande intelligence, mais aussi sa douceur. Dans « Journal breton », elle a une écoute incroyable, une façon de recueillir les émotions, d’aller au contraire des clichés ou de la pensée toute faite. Un regard puissant et politique, courageux. Elle a eu des procès pour diffamation. C’est très dangereux pour la santé mentale de s’attaquer à des géants. Combien de lanceurs d’alerte ne s’en sortent pas !

Les avant-premières à Rennes, Callac, Plestin-les-Grèves et Brest ont fait salle comble. En quoi le cinéma est-il un média plus puissant qu’une BD ou un podcast ?

Un film, au-delà de la salle, peut aussi venir dans la télé ou le téléphone. L’information circule, comme avec les réseaux sociaux, il y a cette rapidité. En revoyant des classiques comme « Dark Waters » de Todd Haynes (2020) ou « Rouge » de Farid Bentoumi (2021), j’ai vu une fraternité entre ces films. Ils ont des enjeux de cinéma, mais la vérité de ces histoires est tellement puissante. Parce que derrière, c’est vrai. Ce n’est pas tant une force documentaire qu’une assise, un enracinement qui le fait tenir debout.

La plage d’Hillion (22), où est mort le ramasseur d’algues Jean-Louis Auffret en septembre 2016, est fermée car le seuil d’alerte du H2S (hydrogène sulfuré) est dépassé. Pourtant, en novembre 2022, sa famille a été déboutée par le tribunal administratif. La question des algues vertes est-elle encore taboue ?

Le tabou, c’est quand il y a un déni ! Or, il n’y a plus de déni aujourd’hui grâce au combat de Rosy Auffret (la femme de Jean-Louis Auffret) et de ses proches. Mais il y a encore des gens incapables d’en parler, parce que c’est trop compliqué en termes d’implications. Tout est lié. Aujourd’hui, on ramasse les algues, mais la question n’est pas réglée. On continue d’empoisonner notre environnement.

L’homme a les connaissances pour progresser, mais son système de surproduction l’emmène trop loin

La Région Bretagne a finalement soutenu le film à la fin du tournage. Pensez-vous que ça puisse être la fin d’une fabrique du silence ?

Le vrai problème, c’est que le silence retombe. Il ne faut pas seulement parler, il faut chercher des solutions. Il y a quelques jours, la FNSEA disait au micro de France Inter : « On sait que l’on doit évoluer, mais ça va prendre du temps »… Or, personne n’est prêt à prendre le temps de la réflexion pour cesser de détruire systématiquement le vivant. C’est d’une telle bêtise. On devrait être éclairés aujourd’hui en tant que civilisation sur les dégâts que l’on fait sur l’air, les nappes phréatiques. On a enlevé les haies, détruit les petites parcelles et les sols ne retiennent plus l’eau. Tout est tressé… L’homme a les connaissances pour progresser, mais son système de surproduction l’emmène trop loin.

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