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iffusée ce lundi 3 juillet à 21 heures sur France 5, la dernière émission Sur le Front de l’animateur militant Hugo Clément s’attaque frontalement à la certification gouvernementale Haute Valeur Environnementale (HVE). Qui est accusée pendant 50 minutes de "tromperie déloyale", d’"arnaque", de "vol", d’"escroquerie", de "caractère trompeur", de "mensonge", de "jackpot pour les viticulteurs"… Et de "concurrence déloyale" avec la certification européenne bio. Il faut dire que le titre du reportage donne la couleur, prenant le parti de la guerre des chapelles : "HVE, le label qui tue le bio ?"
Commençant son sujet dans des vignes bordelaises, Hugo Clément demande : « avec-vous déjà vu ce label Haute Valeur Environnementale ? On y voit un joli paysage et un beau papillon. 0n a voulu savoir si ce label protège vraiment l’environnement. Et en particulier les papillons. » Filmant la pose de capteurs d’air pour mesurer pendant deux mois les matières actives utilisées pour traiter des vignes (… en plein hiver, sans doute pour une reconstitution, mais sans précision pour ne pas atténuer la mise en scène dramatique), le reportage présente les résultats obtenus, en se focalisant sur une trace d’insecticide.
« Un insecticide ? Pour tuer des insectes ? Dans un champ Haute Valeur Environnementale ? » n’en reviennent pas les yeux plissés de surprise d’Hugo Clément, s’alarmant de traces de lambda-cyhalothrine détectées (11 ng/m3), une matière active qui, dans le vignoble, cible « entre autres un papillon, la tordeuse de la grappe, qui attaque les raisins. C’est donc un produit qui tue les œufs et les larves de papillon » explique Hugo Clément, interrogeant immédiatement : « mais c’est pas légal ça ? », en écarquillant d'autant plus les yeux quand Cyril Giraud, de Générations Futures Bordeaux, lui répond qu’il est possible en France de traiter ses vignes contre les vers de la grappe. Le militant ajoutant que « c’est pour ça que l’on trouve que c’est un label trompeur » (avec une procédure en justice). Un papillon sur le label impliquerait donc de laisser les tordeuses de la vigne, eudémis et cochylis, prospérer et les rendements être ravagés ?
Si un esprit taquin pourrait répondre qu’avec cette approche, au pied de la lettre, le label bio pourrait aussi être vu comme trompeur (les feuilles vertes de son logo pouvant être très bleutées par la bouillie bordelaise), un esprit chagrin pourrait regretter l’absence de connaissance de la lutte contre les insectes ravageurs (la viticulture ne pouvant se permettre de ne pas être spéciste). Bien connus des vignerons, bio comme conventionnels, eudémis et cochylis peuvent aussi être ciblés par des insecticides biologiques ou de la confusion sexuelle. Mais il semble que le reportage n’ait pas cherché à en savoir plus, évitant probablement des malaises à la découverte d’insecticides autorisés en bio (des biocontrôles au radical pyrévert, dans le cadre de lutte obligatoire contre la flavescence dorée).
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Pesticides de synthèse
Dès cette introduction, les premières minutes à peine, le documentaire pose un autre parti-pris : se demander, et s’offusquer, que « les agriculteurs utilisent des pesticides de synthèse » en HVE. Si Hugo Clément reconnaît à l’antenne que « HVE n’a jamais prétendu être aussi exigeant que le bio », voici le nœud du sujet : peut-on se revendiquer d’une démarche agroécologique si l’on n’est pas en certification biologique* ? La réponse ici ne fait pas de doute, il n’y pas de vision possible de complémentarité entre les démarches ou de participation à la transition agroécologique. Bio et HVE ne peuvent être que des adversaires irréconciliables : qu’importe qu’il existe des productivistes opportunistes en bio ou des paysans consciencieux en HVE.
En France, « quasiment la moitié des exploitations agricoles pourraient devenir HVE sans changer de pratiques » affirme le maraîcher bio Mathieu Rullier** (à Mignaloux-Beauvoir, Vienne), sans qu’il soit donné de précisions sur l’origine de cette estimation. Mais le reportage s’arrête sur les témoignages d’une productrice de courges, Françoise Meyer (à Mane-en-Provence, Alpes-de-Haute-Provence) évoquant la certification HVE comme « une simple formalité » à base de « calculs et d’administratif », et d’une auditrice, Christine Herrero, n’ayant jamais refusé de candidatures HVE. Évoquant les récentes évolutions de HVE, le documentaire note que « face aux critiques, le label a un petit peu serré la vis » et se concentre sur les pesticides, avec l’interdiction d’utilisation des produits phytopharmaceutiques Classés Mutagènes Reprotoxiques avérés (CMR 1). Une évolution diminuée dans sa portée par le reportage, notant que ces produits ne sont quasiment plus utilisés, contrairement aux Classés Mutagènes Reprotoxiques suspectés (CMR 2), toujours « tolérés ».
De manière appuyée, le documentaire affirme les dégâts d’un affrontement commercial entre bio et HVE, le premier pâtissant du second. En témoigne une gérante de magasin bio fermant l’une de ses enseignes à cause de la crise du pouvoir d’achat et de la concurrence d’autres labels. Sans qu’il soit question d’autres facteurs, comme la demande de nouveaux engagements en bio (de prix ou d’exigences environnementales, comme sur le bilan carbone) ou l’écrasante notoriété de la bio sur la HVE (confirmée chaque année).
Dessin marketing
Critiquant un « joli dessin marketing », Hugo Clément note également l’omniprésence du label HVE dans les rayons de la grande distribution. « Grande trouvaille des viticulteurs que le label HVE » grince Lionel Vilain, ingénieur agronome et conseiller technique pour France Nature Environnement (FNE), faisant état d’un « jackpot », qui indique avoir « un peu honte » d’avoir été le promoteur du concept de la HVE lors du Grenelle de l’Environnement de 2009.
En somme, ce documentaire tient du procès à charge… de revanche ? Après un premier documentaire "Alerte rouge sur le vin" l’an passé, on peut espérer que le troisième documentaire sera celui de l’équilibre et de la nuance pour Sur le front. Car il n’y a pas de monopole de bonnes pratiques entre les labels : nul ne pouvant prétendre à la perfection. Il existe ainsi des vignerons certifiés à la fois bio et HVE pour allier les approches du vivant et de la biodiversité. Des témoignages sur l’intérêt de la HVE comme première étape pour tendre vers la bio existent aussi, rappelant que la certification n’est pas une fin, mais un moyen d’amélioration dans le cadre du développement durable. Un processus d’amélioration qui exclut toutes œillères qui impose des étapes progressives. Il n’y a qu’une voie à suivre et qu’une voix à entendre pour suivre ce chemin. Dans l’Histoire naturelle des animaux (1882), Buffon écrit que « la nature marche toujours et agit en tout par degrés imperceptibles et par nuances ». Changement des pratiques et des approches, la transition agroécologique avance de même. À quand dans un programme TV ?
* : La question pouvant être élargie à la structure même de l’exploitation agricole, seuls les petits domaines agricoles semblant vertueux pour le documentaire. Une coopérative agricole est ainsi présentée comme un pôle « logistique » tenant du « grossiste » à vocation « industrielle » dans le documentaire. Cette entreprise n’a pas accepté d’échanger avec Hugo Clément, il faut dire que la question posée donne déjà une idée de la réponse attendue : « comment cette agriculture intensive peut-elle obtenir un label environnemental ? »
** : S’indignant de serres de tomates hors-sol éclairées jour et nuit dans la région nantaise, l’agriculteur ajoute que le bilan carbone n’est pas pris en compte HVE. Il ne l’est pas non plus dans la bio, où le chauffage hivernal est possible en serre depuis 2019, avec une interdiction commercialisation du 21 décembre au 30 avril, une interdiction qui vient tout juste d’être retoquée par le Conseil d’État.
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iffusée ce lundi 3 juillet à 21 heures sur France 5, la dernière émission Sur le Front de l’animateur militant Hugo Clément s’attaque frontalement à la certification gouvernementale Haute Valeur Environnementale (HVE). Qui est accusée pendant 50 minutes de "tromperie déloyale", d’"arnaque", de "vol", d’"escroquerie", de "caractère trompeur", de "mensonge", de "jackpot pour les viticulteurs"… Et de "concurrence déloyale" avec la certification européenne bio. Il faut dire que le titre du reportage donne la couleur, prenant le parti de la guerre des chapelles : "HVE, le label qui tue le bio ?"
Commençant son sujet dans des vignes bordelaises, Hugo Clément demande : « avec-vous déjà vu ce label Haute Valeur Environnementale ? On y voit un joli paysage et un beau papillon. 0n a voulu savoir si ce label protège vraiment l’environnement. Et en particulier les papillons. » Filmant la pose de capteurs d’air pour mesurer pendant deux mois les matières actives utilisées pour traiter des vignes (… en plein hiver, sans doute pour une reconstitution, mais sans précision pour ne pas atténuer la mise en scène dramatique), le reportage présente les résultats obtenus, en se focalisant sur une trace d’insecticide.
« Un insecticide ? Pour tuer des insectes ? Dans un champ Haute Valeur Environnementale ? » n’en reviennent pas les yeux plissés de surprise d’Hugo Clément, s’alarmant de traces de lambda-cyhalothrine détectées (11 ng/m3), une matière active qui, dans le vignoble, cible « entre autres un papillon, la tordeuse de la grappe, qui attaque les raisins. C’est donc un produit qui tue les œufs et les larves de papillon » explique Hugo Clément, interrogeant immédiatement : « mais c’est pas légal ça ? », en écarquillant d'autant plus les yeux quand Cyril Giraud, de Générations Futures Bordeaux, lui répond qu’il est possible en France de traiter ses vignes contre les vers de la grappe. Le militant ajoutant que « c’est pour ça que l’on trouve que c’est un label trompeur » (avec une procédure en justice). Un papillon sur le label impliquerait donc de laisser les tordeuses de la vigne, eudémis et cochylis, prospérer et les rendements être ravagés ?
Si un esprit taquin pourrait répondre qu’avec cette approche, au pied de la lettre, le label bio pourrait aussi être vu comme trompeur (les feuilles vertes de son logo pouvant être très bleutées par la bouillie bordelaise), un esprit chagrin pourrait regretter l’absence de connaissance de la lutte contre les insectes ravageurs (la viticulture ne pouvant se permettre de ne pas être spéciste). Bien connus des vignerons, bio comme conventionnels, eudémis et cochylis peuvent aussi être ciblés par des insecticides biologiques ou de la confusion sexuelle. Mais il semble que le reportage n’ait pas cherché à en savoir plus, évitant probablement des malaises à la découverte d’insecticides autorisés en bio (des biocontrôles au radical pyrévert, dans le cadre de lutte obligatoire contre la flavescence dorée).
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Pesticides de synthèse
Dès cette introduction, les premières minutes à peine, le documentaire pose un autre parti-pris : se demander, et s’offusquer, que « les agriculteurs utilisent des pesticides de synthèse » en HVE. Si Hugo Clément reconnaît à l’antenne que « HVE n’a jamais prétendu être aussi exigeant que le bio », voici le nœud du sujet : peut-on se revendiquer d’une démarche agroécologique si l’on n’est pas en certification biologique* ? La réponse ici ne fait pas de doute, il n’y pas de vision possible de complémentarité entre les démarches ou de participation à la transition agroécologique. Bio et HVE ne peuvent être que des adversaires irréconciliables : qu’importe qu’il existe des productivistes opportunistes en bio ou des paysans consciencieux en HVE.
En France, « quasiment la moitié des exploitations agricoles pourraient devenir HVE sans changer de pratiques » affirme le maraîcher bio Mathieu Rullier** (à Mignaloux-Beauvoir, Vienne), sans qu’il soit donné de précisions sur l’origine de cette estimation. Mais le reportage s’arrête sur les témoignages d’une productrice de courges, Françoise Meyer (à Mane-en-Provence, Alpes-de-Haute-Provence) évoquant la certification HVE comme « une simple formalité » à base de « calculs et d’administratif », et d’une auditrice, Christine Herrero, n’ayant jamais refusé de candidatures HVE. Évoquant les récentes évolutions de HVE, le documentaire note que « face aux critiques, le label a un petit peu serré la vis » et se concentre sur les pesticides, avec l’interdiction d’utilisation des produits phytopharmaceutiques Classés Mutagènes Reprotoxiques avérés (CMR 1). Une évolution diminuée dans sa portée par le reportage, notant que ces produits ne sont quasiment plus utilisés, contrairement aux Classés Mutagènes Reprotoxiques suspectés (CMR 2), toujours « tolérés ».
De manière appuyée, le documentaire affirme les dégâts d’un affrontement commercial entre bio et HVE, le premier pâtissant du second. En témoigne une gérante de magasin bio fermant l’une de ses enseignes à cause de la crise du pouvoir d’achat et de la concurrence d’autres labels. Sans qu’il soit question d’autres facteurs, comme la demande de nouveaux engagements en bio (de prix ou d’exigences environnementales, comme sur le bilan carbone) ou l’écrasante notoriété de la bio sur la HVE (confirmée chaque année).
Dessin marketing
Critiquant un « joli dessin marketing », Hugo Clément note également l’omniprésence du label HVE dans les rayons de la grande distribution. « Grande trouvaille des viticulteurs que le label HVE » grince Lionel Vilain, ingénieur agronome et conseiller technique pour France Nature Environnement (FNE), faisant état d’un « jackpot », qui indique avoir « un peu honte » d’avoir été le promoteur du concept de la HVE lors du Grenelle de l’Environnement de 2009.
En somme, ce documentaire tient du procès à charge… de revanche ? Après un premier documentaire "Alerte rouge sur le vin" l’an passé, on peut espérer que le troisième documentaire sera celui de l’équilibre et de la nuance pour Sur le front. Car il n’y a pas de monopole de bonnes pratiques entre les labels : nul ne pouvant prétendre à la perfection. Il existe ainsi des vignerons certifiés à la fois bio et HVE pour allier les approches du vivant et de la biodiversité. Des témoignages sur l’intérêt de la HVE comme première étape pour tendre vers la bio existent aussi, rappelant que la certification n’est pas une fin, mais un moyen d’amélioration dans le cadre du développement durable. Un processus d’amélioration qui exclut toutes œillères qui impose des étapes progressives. Il n’y a qu’une voie à suivre et qu’une voix à entendre pour suivre ce chemin. Dans l’Histoire naturelle des animaux (1882), Buffon écrit que « la nature marche toujours et agit en tout par degrés imperceptibles et par nuances ». Changement des pratiques et des approches, la transition agroécologique avance de même. À quand dans un programme TV ?
* : La question pouvant être élargie à la structure même de l’exploitation agricole, seuls les petits domaines agricoles semblant vertueux pour le documentaire. Une coopérative agricole est ainsi présentée comme un pôle « logistique » tenant du « grossiste » à vocation « industrielle » dans le documentaire. Cette entreprise n’a pas accepté d’échanger avec Hugo Clément, il faut dire que la question posée donne déjà une idée de la réponse attendue : « comment cette agriculture intensive peut-elle obtenir un label environnemental ? »
** : S’indignant de serres de tomates hors-sol éclairées jour et nuit dans la région nantaise, l’agriculteur ajoute que le bilan carbone n’est pas pris en compte HVE. Il ne l’est pas non plus dans la bio, où le chauffage hivernal est possible en serre depuis 2019, avec une interdiction commercialisation du 21 décembre au 30 avril, une interdiction qui vient tout juste d’être retoquée par le Conseil d’État.
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