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Avec « Killers of the Flower Moon », Martin Scorsese revient sur l'hécatombe silencieuse des Osage - Le Monde

Ernest Burkhart (Leonardo DiCaprio) et Mollie Burkhart (Lily Gladstone) dans « Killers of the Flower Moon », de Martin Scorsese.

Après l’épisode frustrant d’un Irishman (2019) confiné sur Netflix, on se réjouit que la dernière œuvre de Martin Scorsese, 80 ans, financée par Apple, trouve le chemin des salles. Le remarquable Killers of the Flower Moon, son 27e long-métrage en soixante ans de carrière, présenté hors compétition au Festival de Cannes, y prend toute sa dimension de fresque territoriale, mais sous un versant secret, une sombre histoire d’invasion pernicieuse et de contamination malfaisante, dressant de l’histoire américaine l’un des plus effarants tableaux.

Le film puise à la veine historique de l’œuvre scorsésienne (Le Temps de l’innocence, Aviator, Silence), parenthèse opposable à ses effusions punk (Le Loup de Wall Street, A tombeau ouvert) et son habituelle dépense formelle. De fait, cette adaptation d’une enquête du journaliste David Grann (La Note américaine, Globe, 2018) est de facture plus classique, au sens noble du terme, sûre de ses forces et qui ne va pas sans visée édificatrice.

Il s’agit de mettre au jour un massacre enseveli par l’histoire, commis à discrétion : celui de la tribu amérindienne des Osage par des spoliateurs blancs, au cours des années 1920. A la fin du XIXe siècle, comme le rappellent, au début du film, de fausses bandes d’actualité reconstituées, des gisements de pétrole ont été découverts en territoire osage, dans leur réserve naturelle de l’Oklahoma, dont l’exploitation fit de la nation, du jour au lendemain, le « groupe social le plus riche du monde par tête de pipe ».

Le développement industriel de la région a immédiatement attiré une faune d’opportunistes de tout poil, parmi lesquels des affairistes bien sous tous rapports, ulcérés par ces Indiens dont l’opulence serait comme un affront fait à l’ordre naturel et venus réassigner ces flux de richesse à des poches plus respectables. Comprendre : les leurs, celles des Blancs. Peu à peu, les morts violentes se sont accumulées côté Osage, dans des proportions telles qu’elles finirent par justifier l’intervention d’une police fédérale en période de rodage, sous le pilotage de John Edgar Hoover.

Captation d’héritages

Le récit s’ouvre au lendemain de la première guerre mondiale, lorsque Ernest Burkhart (Leonardo DiCaprio), vétéran désœuvré, débarque en train à Gray Horse, l’une de ces villes-champignons poussées dans les plaines pétrolifères, pour y rejoindre son oncle William Hale (Robert De Niro), important éleveur local. Sous le couvert de la philanthropie, le patriarche surnommé « King », protecteur autoproclamé des Amérindiens, orchestre en sous-main une sordide captation d’héritages en mariant ses fils et neveux à des demoiselles osage, ensuite éliminées à petit feu.

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Ernest Burkhart (Leonardo DiCaprio) et Mollie Burkhart (Lily Gladstone) dans « Killers of the Flower Moon », de Martin Scorsese.

Après l’épisode frustrant d’un Irishman (2019) confiné sur Netflix, on se réjouit que la dernière œuvre de Martin Scorsese, 80 ans, financée par Apple, trouve le chemin des salles. Le remarquable Killers of the Flower Moon, son 27e long-métrage en soixante ans de carrière, présenté hors compétition au Festival de Cannes, y prend toute sa dimension de fresque territoriale, mais sous un versant secret, une sombre histoire d’invasion pernicieuse et de contamination malfaisante, dressant de l’histoire américaine l’un des plus effarants tableaux.

Le film puise à la veine historique de l’œuvre scorsésienne (Le Temps de l’innocence, Aviator, Silence), parenthèse opposable à ses effusions punk (Le Loup de Wall Street, A tombeau ouvert) et son habituelle dépense formelle. De fait, cette adaptation d’une enquête du journaliste David Grann (La Note américaine, Globe, 2018) est de facture plus classique, au sens noble du terme, sûre de ses forces et qui ne va pas sans visée édificatrice.

Il s’agit de mettre au jour un massacre enseveli par l’histoire, commis à discrétion : celui de la tribu amérindienne des Osage par des spoliateurs blancs, au cours des années 1920. A la fin du XIXe siècle, comme le rappellent, au début du film, de fausses bandes d’actualité reconstituées, des gisements de pétrole ont été découverts en territoire osage, dans leur réserve naturelle de l’Oklahoma, dont l’exploitation fit de la nation, du jour au lendemain, le « groupe social le plus riche du monde par tête de pipe ».

Le développement industriel de la région a immédiatement attiré une faune d’opportunistes de tout poil, parmi lesquels des affairistes bien sous tous rapports, ulcérés par ces Indiens dont l’opulence serait comme un affront fait à l’ordre naturel et venus réassigner ces flux de richesse à des poches plus respectables. Comprendre : les leurs, celles des Blancs. Peu à peu, les morts violentes se sont accumulées côté Osage, dans des proportions telles qu’elles finirent par justifier l’intervention d’une police fédérale en période de rodage, sous le pilotage de John Edgar Hoover.

Captation d’héritages

Le récit s’ouvre au lendemain de la première guerre mondiale, lorsque Ernest Burkhart (Leonardo DiCaprio), vétéran désœuvré, débarque en train à Gray Horse, l’une de ces villes-champignons poussées dans les plaines pétrolifères, pour y rejoindre son oncle William Hale (Robert De Niro), important éleveur local. Sous le couvert de la philanthropie, le patriarche surnommé « King », protecteur autoproclamé des Amérindiens, orchestre en sous-main une sordide captation d’héritages en mariant ses fils et neveux à des demoiselles osage, ensuite éliminées à petit feu.

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