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Kevin Lambert reçoit le Médicis, n'en déplaise aux détracteurs des « sensitivity readers » - Le HuffPost

Laureate of the Prix Medicis literary prize, Canadian author Kevin Lambert poses after being awarded in Paris, on November 9, 2023. (Photo by Geoffroy Van der Hasselt / AFP) (Photo by GEOFFROY VAN DER HASSELT/AFP via Getty Images)
GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP via Getty Images Laureate of the Prix Medicis literary prize, Canadian author Kevin Lambert poses after being awarded in Paris, on November 9, 2023. (Photo by Geoffroy Van der Hasselt / AFP) (Photo by GEOFFROY VAN DER HASSELT/AFP via Getty Images)

GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP via Getty Images

Kevin Lambert, ici au mois de novembre 2023, à Paris.

LITTÉRATURE - Kevin Lambert ne repart pas bredouille. Loin de là. Ce jeudi 9 novembre, l’écrivain québécois de 31 ans a reçu le prix Médicis - dernière récompense de la saison littéraire à être remise - pour Que notre joie demeure, roman publié en août par les éditions du Nouvel Attila.

Le prix Médicis ne consacre pas seulement une nouvelle fois cette figure montante de la littérature québécoise (Kevin Lambert a déjà reçu fin octobre le prix Décembre) pour son histoire sur cette architecte soudainement accusée de chasser les pauvres de Montréal, il fait un pied de nez aux détracteurs des « sensitivity readers ».

Les quoi ? Les « sensitivity readers », qu’on peut traduire par « démineurs littéraires », désignent des personnes engagées pour détecter dans un manuscrit des propos potentiellement racistes, sexistes, homophobes ou plus généralement offensants. L’une d’entre eux est intervenue sur le livre de Kevin Lambert.

Nicolas Mathieu tempête

Banal aux États-Unis, où son recours a commencé dans la littérature pour ados avant de s’étendre à tous les autres domaines, l’emploi d’un « sensitivity reader » l’est nettement moins chez nous, en France, où le métier ne fait pas l’unanimité dans le monde littéraire.

« Faire de professionnels des sensibilités, d’experts des stéréotypes, de spécialistes de ce qui s’accepte et s’ose à un moment donné, la boussole de notre travail, voilà qui nous laisse pour le moins circonspect », a par exemple écrit sur son compte Instagram Nicolas Mathieu, auteur du best-seller Leurs enfants après eux.

Kevin Lambert dit, lui, avoir fait appel à Chloé Savoie-Bernard, femme de lettres canadienne née dans une famille haïtienne, pour rendre plus crédible l’un des personnages du livre originaire d’Haïti. « Je peux toujours me tromper », a-t-il déclaré dans un communiqué partagé par son éditeur sur les réseaux sociaux, précisant que sa relectrice « s’est assurée [qu’il] ne dise pas trop de bêtises, [qu’il] ne tombe pas dans certains pièges de la représentation des personnes noires ».

La fonction positive du « sensitivity reader »

D’après l’universitaire spécialiste des industries culturelles Christophe Rioux au micro de France Culture, « l’idée serait de chercher des contenus qui pourraient poser problème, qui pourraient donner lieu à des polémiques et à une mauvaise publicité ».

Un principe auquel s’oppose fermement une partie du milieu littéraire français, qui voit les « sensitivity readers » comme des censeurs. « On n’a pas besoin en France de cette police de la pensée importée des États-Unis », tempête Pierre Assouline, romancier et membre de l’académie du Goncourt, auprès de l’AFP.

« L’un des risques souvent avancé, c’est qu’un personnage négatif qui serait amené à tenir des propos blessants, pourrait être cloué au pilori, ajoute Christophe Rioux, toujours chez France Culture. Dès lors, une partie de la littérature mondiale, par le prisme de ces relectures sensibles, pourrait finir dans les oubliettes de l’histoire littéraire. »

« Laissons cette polémique »

Dans une série de témoignages recueillis par Les Inrocks en 2020, quelques « sensitivity readers » ont rappelé les bonnes intentions de la pratique. « Si des personnes estiment qu’une œuvre va perdre en qualité parce qu’il n’y a pas de propos discriminants dedans, on se demande quelle littérature ils défendent », souffle l’autrice jeunesse Laura Nsafou, qui a déjà effectué de telles relectures.

Si le démineur littéraire peut aider l’auteur d’un livre à écrire sur des discriminations ou des oppressions qu’il ne vit pas, la pratique n’a rien de nouveau sinon son appellation, selon Philippe Claudel, secrétaire du jury du Goncourt interrogé dans les colonnes du Monde.

« Les éditeurs ont toujours relu les textes avec attention, notamment à ce qui pouvait susciter la polémique », rappelle-t-il. Auprès de l’AFP, il va plus loin : « Laissons cette polémique. Les chiens aboient, la caravane Goncourt passe ». Celle du Médicis, aussi.

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Laureate of the Prix Medicis literary prize, Canadian author Kevin Lambert poses after being awarded in Paris, on November 9, 2023. (Photo by Geoffroy Van der Hasselt / AFP) (Photo by GEOFFROY VAN DER HASSELT/AFP via Getty Images)
GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP via Getty Images Laureate of the Prix Medicis literary prize, Canadian author Kevin Lambert poses after being awarded in Paris, on November 9, 2023. (Photo by Geoffroy Van der Hasselt / AFP) (Photo by GEOFFROY VAN DER HASSELT/AFP via Getty Images)

GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP via Getty Images

Kevin Lambert, ici au mois de novembre 2023, à Paris.

LITTÉRATURE - Kevin Lambert ne repart pas bredouille. Loin de là. Ce jeudi 9 novembre, l’écrivain québécois de 31 ans a reçu le prix Médicis - dernière récompense de la saison littéraire à être remise - pour Que notre joie demeure, roman publié en août par les éditions du Nouvel Attila.

Le prix Médicis ne consacre pas seulement une nouvelle fois cette figure montante de la littérature québécoise (Kevin Lambert a déjà reçu fin octobre le prix Décembre) pour son histoire sur cette architecte soudainement accusée de chasser les pauvres de Montréal, il fait un pied de nez aux détracteurs des « sensitivity readers ».

Les quoi ? Les « sensitivity readers », qu’on peut traduire par « démineurs littéraires », désignent des personnes engagées pour détecter dans un manuscrit des propos potentiellement racistes, sexistes, homophobes ou plus généralement offensants. L’une d’entre eux est intervenue sur le livre de Kevin Lambert.

Nicolas Mathieu tempête

Banal aux États-Unis, où son recours a commencé dans la littérature pour ados avant de s’étendre à tous les autres domaines, l’emploi d’un « sensitivity reader » l’est nettement moins chez nous, en France, où le métier ne fait pas l’unanimité dans le monde littéraire.

« Faire de professionnels des sensibilités, d’experts des stéréotypes, de spécialistes de ce qui s’accepte et s’ose à un moment donné, la boussole de notre travail, voilà qui nous laisse pour le moins circonspect », a par exemple écrit sur son compte Instagram Nicolas Mathieu, auteur du best-seller Leurs enfants après eux.

Kevin Lambert dit, lui, avoir fait appel à Chloé Savoie-Bernard, femme de lettres canadienne née dans une famille haïtienne, pour rendre plus crédible l’un des personnages du livre originaire d’Haïti. « Je peux toujours me tromper », a-t-il déclaré dans un communiqué partagé par son éditeur sur les réseaux sociaux, précisant que sa relectrice « s’est assurée [qu’il] ne dise pas trop de bêtises, [qu’il] ne tombe pas dans certains pièges de la représentation des personnes noires ».

La fonction positive du « sensitivity reader »

D’après l’universitaire spécialiste des industries culturelles Christophe Rioux au micro de France Culture, « l’idée serait de chercher des contenus qui pourraient poser problème, qui pourraient donner lieu à des polémiques et à une mauvaise publicité ».

Un principe auquel s’oppose fermement une partie du milieu littéraire français, qui voit les « sensitivity readers » comme des censeurs. « On n’a pas besoin en France de cette police de la pensée importée des États-Unis », tempête Pierre Assouline, romancier et membre de l’académie du Goncourt, auprès de l’AFP.

« L’un des risques souvent avancé, c’est qu’un personnage négatif qui serait amené à tenir des propos blessants, pourrait être cloué au pilori, ajoute Christophe Rioux, toujours chez France Culture. Dès lors, une partie de la littérature mondiale, par le prisme de ces relectures sensibles, pourrait finir dans les oubliettes de l’histoire littéraire. »

« Laissons cette polémique »

Dans une série de témoignages recueillis par Les Inrocks en 2020, quelques « sensitivity readers » ont rappelé les bonnes intentions de la pratique. « Si des personnes estiment qu’une œuvre va perdre en qualité parce qu’il n’y a pas de propos discriminants dedans, on se demande quelle littérature ils défendent », souffle l’autrice jeunesse Laura Nsafou, qui a déjà effectué de telles relectures.

Si le démineur littéraire peut aider l’auteur d’un livre à écrire sur des discriminations ou des oppressions qu’il ne vit pas, la pratique n’a rien de nouveau sinon son appellation, selon Philippe Claudel, secrétaire du jury du Goncourt interrogé dans les colonnes du Monde.

« Les éditeurs ont toujours relu les textes avec attention, notamment à ce qui pouvait susciter la polémique », rappelle-t-il. Auprès de l’AFP, il va plus loin : « Laissons cette polémique. Les chiens aboient, la caravane Goncourt passe ». Celle du Médicis, aussi.

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