Près de dix jours après l’annonce de son hospitalisation, on ne sait rien de l’état de santé de la princesse de Galles. Une stratégie du silence chère à la famille royale, qui a peut-être fait son temps.
Dix jours, et un silence qui en dit trop : depuis l’annonce de son hospitalisation pour une opération de «chirurgie abdominale», annoncée le 16 janvier, on est sans nouvelles de Kate Middleton. Le communiqué émis par Kensington Palace se voulait pourtant rassurant : «L'opération s'est déroulée avec succès et il est prévu qu'elle reste à l'hôpital pendant dix à quatorze jours.» Pourtant, la presse n’a cessé de spéculer sur les raisons d’une telle intervention, laissant entendre que, si la princesse de Galles doit cesser toute activité publique jusqu’à Pâques, comme il l’a été officiellement précisé, elle serait dans un état grave. Tout le contraire, en somme, de l’esprit «apaisant» du message de Kensington Palace.
À lire aussiKate Middleton : une semaine d'un silence assourdissant
Pour Philippe Moreau Chevrolet, consultant en communication et professeur de communication à Sciences Po, la famille royale a peut-être fait une erreur en optant pour la stratégie du silence. L’ère du «never explain, never complain» («ne jamais expliquer, ne jamais se plaindre») cher à Elizabeth II serait-elle dépassée? Explications.
Madame Figaro.- Quelles sont les vertus du silence dans le cadre d'une communication de crise ?
Philippe Moreau Chevrolet.- L'idée du silence, c'est de ne pas alimenter les rumeurs. En général, on commence par faire un communiqué clair et relativement concis, puis on ne dit plus rien dans l'espoir que la polémique s'éteigne d'elle-même, ce qui se produit parfois. On espère aussi, via une unique déclaration, que ce sera cette version qui sera retenue par le public car les problèmes arrivent quand on commence à donner une seconde, suivie d'un commentaire, d'un autre... Cela brouille le message. Mais pour que la stratégie du silence fonctionne, il faut que le message d'origine ait été bien conçu, ce qui n’est pas du tout le cas ici.
Pourquoi?
Parce qu'il est trop évasif. La presse, au lieu de débattre éventuellement du vrai problème qui touche Kate Middleton, s'est mise à élaborer tout un tas de scénarios imaginaires, avec une dramatisation excessive qui conduit à penser qu'elle est éventuellement à l'article de la mort. Il aurait mieux valu être clair. Par ailleurs, la rançon de la notoriété, c'est que lorsque survient un problème, on vit avec : il fera toujours partie de votre histoire. Il faut donc gérer la communication sur le long terme, ce qui suppose une vision cohérente d’un personnage. Kate Middleton est cohérente dans la transparence, la simplicité, avec une forme de réserve et de noblesse qui constitue sa marque de fabrique, et a été très bien gérée jusqu'ici. Là, on tombe dans quelque chose qui est assez loin de ces standards, et c'est contraire à son image. C'est alambiqué, très compliqué. Mieux eut valu être clair puis faire silence, assumer la crise et passer à autre chose.
Philippe-Moreau ChevroletLa rançon de la notoriété, c'est que lorsque survient un problème, on vit avec : il fera toujours partie de votre histoire
Pourquoi le silence laisse-t-il entendre qu'on dissimule forcément quelque chose?
Parce qu'en matière de santé des dirigeants ou des stars, il y a une tradition de mensonge. En particulier en France : lors de ses apparitions publiques, on voyait bien que Georges Pompidou, boursouflé à cause de ses piqûres de cortisone, était malade, mais on racontait qu'il était en bonne santé. On pense aussi au cancer du président François Mitterrand. À l'étranger, il y a une omerta totale sur la santé de Vladimir Poutine. Ces mensonges s'expliquent parce que ces personnages publics sont «déifiés» : ils doivent être forts, au-dessus de tous ces problèmes biologiques.
Ce qui rejoint le storytelling de Kate Middleton, une personnalité maîtresse de son destin, qui ressemble à un conte de fées sans accroc.
C'est la première fois qu'elle est en difficulté, et c'est ce qui surprend dans la séquence. Bien sûr, il est aussi possible qu'elle souffre d'un problème gynécologique, très intime, qu'elle fasse preuve de pudeur et n’ait pas du tout envie d'en parler. Mais cela va être difficile à réparer ensuite. Kate Middleton a toujours cultivé une certaine simplicité : je pense à ses robes Zara, aux vêtements qu'elle prend soin de porter plusieurs fois. Ce n'est évidemment pas comparable à ce que faisait la princesse Diana, un modèle en la matière, mais elle a fait un effort pour être elle aussi «la princesse du peuple», s'en rapprocher un peu. Le fait d'entretenir le flou sur sa maladie va à l'encontre de tout cela, ce n'est pas bon.
À lire aussiDerrière l'hospitalisation inquiétante de Kate Middleton, l'ombre inavouable de la disparition de Lady Diana
Cela signifie-t-il que la loi du silence de la famille royale est dépassée aujourd'hui?
Oui, c'est une manière de communiquer archaïque, qui ne convient pas à l'exigence de transparence de l'époque. On a tous envie de “savoir”, soit parce qu'on est inquiet, soit parce qu'on est un peu voyeur mais, aujourd'hui, c'est la rançon de la notoriété. Nous avons aussi changé d'époque à cause du complotisme : la notion de vérité est devenue extrêmement relative et ne pas avoir tout de suite d'explication complète, rationnelle, c'est vraiment alimenter les réseaux sociaux et la polémique. Ici, c'est faire de Kate Middleton une cible, ce qui évidemment n'était pas souhaité au départ. Ce qui est terrible et terrifiant, c'est qu'on ne peut plus avoir de vie privée quand on atteint ce niveau de notoriété. Tôt ou tard il y aura une fuite, un rapport médical, un tweet de quelqu'un de bien placé. Kate Middleton a un rôle officiel, ce n'est pas une personne privée. Elle vit en partie sur le budget de l'État, elle a un rôle officiel au sein de la couronne britannique : c'est en cela que le silence ne fonctionne pas non plus.
Tôt ou tard il y aura une fuite, un rapport médical, un tweet de quelqu'un de bien placéLe jour de l'annonce de son opération, on apprenait que le roi Charles III allait lui-même être hospitalisé une semaine plus tard . Le concernant, le communiqué a été très transparent et rassurant, mentionnant une opération bénigne de la prostate. Pourquoi ce traitement si différent?
Car on s'intéresse moins au roi qu'à Kate Middleton, pour trois raisons. La première, c'est que cette dernière est une personne jeune, malade, qui va être hospitalisée longtemps : cela génère une crainte, un suspense un peu “sordide”, mais bien réel. Cela rappelle aussi les heures tragiques de la monarchie britannique, qui en a connu beaucoup. Ensuite, Kate Middleton est une figure iconique très appréciée, ce que n'est pas Charles pour l'instant : s’il est roi, on ne peut pas dire qu'il jouisse de la même popularité. La 3e raison pour laquelle on s'intéresse davantage à elle, c'est le mystère. Mais deux façons de communiquer si différentes, ce n'est pas compréhensible.
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Dans quelle mesure cet épisode fragilise-t-il la monarchie?
La monarchie a une ascendance divine qui n'est pas compatible avec la maladie. Les souverains sont censés être au-dessus de la maladie et quand ils sont rattrapés par leur corps, au fond, ça nous perturbe. Quand les dirigeants sont vulnérables, c'est le peuple qui, quelque part, le devient aussi - cela vaut aussi pour les présidents, en France, où nous sommes quand même dans un système assez monarchique. La maladie n'est pas admissible car lorsqu'on est faible, on perd un peu de sa légitimité à être au sommet. Dans le cas de la monarchie britannique, la question de la légitimité est déjà reposée. C'est comme si la couronne perdait peu à peu tous ses joyaux. Elle n'est plus au-dessus du scandale, elle n'est plus au-dessus du soupçon, on l'accuse de coûter trop cher et en plus, elle est malade : ça fait beaucoup.
Près de dix jours après l’annonce de son hospitalisation, on ne sait rien de l’état de santé de la princesse de Galles. Une stratégie du silence chère à la famille royale, qui a peut-être fait son temps.
Dix jours, et un silence qui en dit trop : depuis l’annonce de son hospitalisation pour une opération de «chirurgie abdominale», annoncée le 16 janvier, on est sans nouvelles de Kate Middleton. Le communiqué émis par Kensington Palace se voulait pourtant rassurant : «L'opération s'est déroulée avec succès et il est prévu qu'elle reste à l'hôpital pendant dix à quatorze jours.» Pourtant, la presse n’a cessé de spéculer sur les raisons d’une telle intervention, laissant entendre que, si la princesse de Galles doit cesser toute activité publique jusqu’à Pâques, comme il l’a été officiellement précisé, elle serait dans un état grave. Tout le contraire, en somme, de l’esprit «apaisant» du message de Kensington Palace.
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Pour Philippe Moreau Chevrolet, consultant en communication et professeur de communication à Sciences Po, la famille royale a peut-être fait une erreur en optant pour la stratégie du silence. L’ère du «never explain, never complain» («ne jamais expliquer, ne jamais se plaindre») cher à Elizabeth II serait-elle dépassée? Explications.
Madame Figaro.- Quelles sont les vertus du silence dans le cadre d'une communication de crise ?
Philippe Moreau Chevrolet.- L'idée du silence, c'est de ne pas alimenter les rumeurs. En général, on commence par faire un communiqué clair et relativement concis, puis on ne dit plus rien dans l'espoir que la polémique s'éteigne d'elle-même, ce qui se produit parfois. On espère aussi, via une unique déclaration, que ce sera cette version qui sera retenue par le public car les problèmes arrivent quand on commence à donner une seconde, suivie d'un commentaire, d'un autre... Cela brouille le message. Mais pour que la stratégie du silence fonctionne, il faut que le message d'origine ait été bien conçu, ce qui n’est pas du tout le cas ici.
Pourquoi?
Parce qu'il est trop évasif. La presse, au lieu de débattre éventuellement du vrai problème qui touche Kate Middleton, s'est mise à élaborer tout un tas de scénarios imaginaires, avec une dramatisation excessive qui conduit à penser qu'elle est éventuellement à l'article de la mort. Il aurait mieux valu être clair. Par ailleurs, la rançon de la notoriété, c'est que lorsque survient un problème, on vit avec : il fera toujours partie de votre histoire. Il faut donc gérer la communication sur le long terme, ce qui suppose une vision cohérente d’un personnage. Kate Middleton est cohérente dans la transparence, la simplicité, avec une forme de réserve et de noblesse qui constitue sa marque de fabrique, et a été très bien gérée jusqu'ici. Là, on tombe dans quelque chose qui est assez loin de ces standards, et c'est contraire à son image. C'est alambiqué, très compliqué. Mieux eut valu être clair puis faire silence, assumer la crise et passer à autre chose.
Philippe-Moreau ChevroletLa rançon de la notoriété, c'est que lorsque survient un problème, on vit avec : il fera toujours partie de votre histoire
Pourquoi le silence laisse-t-il entendre qu'on dissimule forcément quelque chose?
Parce qu'en matière de santé des dirigeants ou des stars, il y a une tradition de mensonge. En particulier en France : lors de ses apparitions publiques, on voyait bien que Georges Pompidou, boursouflé à cause de ses piqûres de cortisone, était malade, mais on racontait qu'il était en bonne santé. On pense aussi au cancer du président François Mitterrand. À l'étranger, il y a une omerta totale sur la santé de Vladimir Poutine. Ces mensonges s'expliquent parce que ces personnages publics sont «déifiés» : ils doivent être forts, au-dessus de tous ces problèmes biologiques.
Ce qui rejoint le storytelling de Kate Middleton, une personnalité maîtresse de son destin, qui ressemble à un conte de fées sans accroc.
C'est la première fois qu'elle est en difficulté, et c'est ce qui surprend dans la séquence. Bien sûr, il est aussi possible qu'elle souffre d'un problème gynécologique, très intime, qu'elle fasse preuve de pudeur et n’ait pas du tout envie d'en parler. Mais cela va être difficile à réparer ensuite. Kate Middleton a toujours cultivé une certaine simplicité : je pense à ses robes Zara, aux vêtements qu'elle prend soin de porter plusieurs fois. Ce n'est évidemment pas comparable à ce que faisait la princesse Diana, un modèle en la matière, mais elle a fait un effort pour être elle aussi «la princesse du peuple», s'en rapprocher un peu. Le fait d'entretenir le flou sur sa maladie va à l'encontre de tout cela, ce n'est pas bon.
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Cela signifie-t-il que la loi du silence de la famille royale est dépassée aujourd'hui?
Oui, c'est une manière de communiquer archaïque, qui ne convient pas à l'exigence de transparence de l'époque. On a tous envie de “savoir”, soit parce qu'on est inquiet, soit parce qu'on est un peu voyeur mais, aujourd'hui, c'est la rançon de la notoriété. Nous avons aussi changé d'époque à cause du complotisme : la notion de vérité est devenue extrêmement relative et ne pas avoir tout de suite d'explication complète, rationnelle, c'est vraiment alimenter les réseaux sociaux et la polémique. Ici, c'est faire de Kate Middleton une cible, ce qui évidemment n'était pas souhaité au départ. Ce qui est terrible et terrifiant, c'est qu'on ne peut plus avoir de vie privée quand on atteint ce niveau de notoriété. Tôt ou tard il y aura une fuite, un rapport médical, un tweet de quelqu'un de bien placé. Kate Middleton a un rôle officiel, ce n'est pas une personne privée. Elle vit en partie sur le budget de l'État, elle a un rôle officiel au sein de la couronne britannique : c'est en cela que le silence ne fonctionne pas non plus.
Tôt ou tard il y aura une fuite, un rapport médical, un tweet de quelqu'un de bien placéLe jour de l'annonce de son opération, on apprenait que le roi Charles III allait lui-même être hospitalisé une semaine plus tard . Le concernant, le communiqué a été très transparent et rassurant, mentionnant une opération bénigne de la prostate. Pourquoi ce traitement si différent?
Car on s'intéresse moins au roi qu'à Kate Middleton, pour trois raisons. La première, c'est que cette dernière est une personne jeune, malade, qui va être hospitalisée longtemps : cela génère une crainte, un suspense un peu “sordide”, mais bien réel. Cela rappelle aussi les heures tragiques de la monarchie britannique, qui en a connu beaucoup. Ensuite, Kate Middleton est une figure iconique très appréciée, ce que n'est pas Charles pour l'instant : s’il est roi, on ne peut pas dire qu'il jouisse de la même popularité. La 3e raison pour laquelle on s'intéresse davantage à elle, c'est le mystère. Mais deux façons de communiquer si différentes, ce n'est pas compréhensible.
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Dans quelle mesure cet épisode fragilise-t-il la monarchie?
La monarchie a une ascendance divine qui n'est pas compatible avec la maladie. Les souverains sont censés être au-dessus de la maladie et quand ils sont rattrapés par leur corps, au fond, ça nous perturbe. Quand les dirigeants sont vulnérables, c'est le peuple qui, quelque part, le devient aussi - cela vaut aussi pour les présidents, en France, où nous sommes quand même dans un système assez monarchique. La maladie n'est pas admissible car lorsqu'on est faible, on perd un peu de sa légitimité à être au sommet. Dans le cas de la monarchie britannique, la question de la légitimité est déjà reposée. C'est comme si la couronne perdait peu à peu tous ses joyaux. Elle n'est plus au-dessus du scandale, elle n'est plus au-dessus du soupçon, on l'accuse de coûter trop cher et en plus, elle est malade : ça fait beaucoup.
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