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« La Belle de Gaza » : à la recherche d'une femme trans, palestinienne, dans les nuits de Tel-Aviv - Le Monde

Une scène de rue capturée à Tel-Aviv (Israël), dans le documentaire « La Belle de Gaza », de Yolande Zauberman.

Des femmes trans dans la nuit de Tel-Aviv. Demi-déesses au corps sculpté, vrillant sur leurs talons dans la lumière des phares. Il se pourrait que l’une d’elles, Nathalie, ait fait le chemin de Gaza. C’est peut-être une légende, mais cela donne un film brûlant de lumière, La Belle de Gaza, de Yolande Zauberman, tourné avant les attaques du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023 – le documentaire a été présenté en séance spéciale au Festival de Cannes, le 22 mai.

Ce documentaire funambule clôt la trilogie de la nuit entamée avec Would You Have Sex with an Arab (2011) et M (2018), multiprimé, trajectoire d’un homme qui fut, dans son enfance, victime de prédateurs sexuels au sein de la communauté ultraorthodoxe de Bnei Brak, dans la banlieue de Tel-Aviv (César du meilleur documentaire en 2020).

Cela faisait plusieurs années que la cinéaste cherchait cette belle-de-nuit, aperçue lors du tournage de M. Elle avait alors filmé presque par accident deux filles qui s’éloignaient en courant rue Hatnufa, lieu de prostitution où les conducteurs roulent vitre baissée. Le compagnon de la cinéaste, Selim Nassib, chargé du son, qui parle arabe, s’était entretenu avec elles, avant de rapporter à Yolande Zauberman : « Tu sais que l’une d’elles est venue de Gaza ? » La Belle de Gaza était née, tel un mythe, avant même de devenir un film. La réalisatrice, en voix off, y pose inlassablement la même question, photo à l’appui, au fil de ses rencontres : « Je cherche cette femme, on dit qu’elle vient de Gaza, vous la connaissez » ?

Corps dénudés héroïques

Le même dispositif est à l’œuvre que dans Would You Have Sex with an Arab, où Yolande Zauberman demande à des fêtards de Tel-Aviv s’ils pourraient avoir une relation avec une personne palestinienne. Les réponses varient (« Oui, bien sûr » ; ou alors « Juste pour une nuit, mais pas le mariage »…) et, à travers elles, s’ouvre tout un éventail de réflexions sur le conflit israélo-palestinien. Une Israélienne raconte le ressenti incroyable de son premier rapport avec cet ancien amoureux palestinien. Le sentiment de faire la paix, dit-elle. « Ce n’est pas au lit que le conflit va se régler », réagit de son côté Juliano Mer-Khamis, acteur, réalisateur et metteur en scène, tué par balle en avril 2011, à l’âge de 52 ans, devant le Freedom Theatre qu’il avait cofondé, dans le camp de réfugiés de Jenine – Would You Have Sex… lui est dédié.

Dans La Belle de Gaza, Yolande Zauberman mène l’enquête, d’une boîte de nuit aux recoins sombres de la rue, où les travailleuses du sexe essaient de gagner leur vie. La cinéaste, qui tient la caméra et filme à distance, éclaire la nuit, faisant jaillir de l’obscurité, comme des flashs, ces corps dénudés héroïques, exposés au danger. Tout en cherchant « la Belle… », elle dresse le portrait d’autres femmes trans aux destins différents, lors de conversations à bâtons rompus sur leur vécu, leurs relations avec la famille, la question du plaisir sexuel, etc.

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Une scène de rue capturée à Tel-Aviv (Israël), dans le documentaire « La Belle de Gaza », de Yolande Zauberman.

Des femmes trans dans la nuit de Tel-Aviv. Demi-déesses au corps sculpté, vrillant sur leurs talons dans la lumière des phares. Il se pourrait que l’une d’elles, Nathalie, ait fait le chemin de Gaza. C’est peut-être une légende, mais cela donne un film brûlant de lumière, La Belle de Gaza, de Yolande Zauberman, tourné avant les attaques du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023 – le documentaire a été présenté en séance spéciale au Festival de Cannes, le 22 mai.

Ce documentaire funambule clôt la trilogie de la nuit entamée avec Would You Have Sex with an Arab (2011) et M (2018), multiprimé, trajectoire d’un homme qui fut, dans son enfance, victime de prédateurs sexuels au sein de la communauté ultraorthodoxe de Bnei Brak, dans la banlieue de Tel-Aviv (César du meilleur documentaire en 2020).

Cela faisait plusieurs années que la cinéaste cherchait cette belle-de-nuit, aperçue lors du tournage de M. Elle avait alors filmé presque par accident deux filles qui s’éloignaient en courant rue Hatnufa, lieu de prostitution où les conducteurs roulent vitre baissée. Le compagnon de la cinéaste, Selim Nassib, chargé du son, qui parle arabe, s’était entretenu avec elles, avant de rapporter à Yolande Zauberman : « Tu sais que l’une d’elles est venue de Gaza ? » La Belle de Gaza était née, tel un mythe, avant même de devenir un film. La réalisatrice, en voix off, y pose inlassablement la même question, photo à l’appui, au fil de ses rencontres : « Je cherche cette femme, on dit qu’elle vient de Gaza, vous la connaissez » ?

Corps dénudés héroïques

Le même dispositif est à l’œuvre que dans Would You Have Sex with an Arab, où Yolande Zauberman demande à des fêtards de Tel-Aviv s’ils pourraient avoir une relation avec une personne palestinienne. Les réponses varient (« Oui, bien sûr » ; ou alors « Juste pour une nuit, mais pas le mariage »…) et, à travers elles, s’ouvre tout un éventail de réflexions sur le conflit israélo-palestinien. Une Israélienne raconte le ressenti incroyable de son premier rapport avec cet ancien amoureux palestinien. Le sentiment de faire la paix, dit-elle. « Ce n’est pas au lit que le conflit va se régler », réagit de son côté Juliano Mer-Khamis, acteur, réalisateur et metteur en scène, tué par balle en avril 2011, à l’âge de 52 ans, devant le Freedom Theatre qu’il avait cofondé, dans le camp de réfugiés de Jenine – Would You Have Sex… lui est dédié.

Dans La Belle de Gaza, Yolande Zauberman mène l’enquête, d’une boîte de nuit aux recoins sombres de la rue, où les travailleuses du sexe essaient de gagner leur vie. La cinéaste, qui tient la caméra et filme à distance, éclaire la nuit, faisant jaillir de l’obscurité, comme des flashs, ces corps dénudés héroïques, exposés au danger. Tout en cherchant « la Belle… », elle dresse le portrait d’autres femmes trans aux destins différents, lors de conversations à bâtons rompus sur leur vécu, leurs relations avec la famille, la question du plaisir sexuel, etc.

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