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Mort de la soprano Jodie Devos à l'âge de 35 ans, le monde lyrique francophone en deuil - Le Figaro

DISPARITION - Avec ses vocalises à la souplesse presque surnaturelle et son impressionnante présence sur scène, l’artiste belge faisait partie des voix les plus prometteuses de ce début de siècle.

« Je n’aurai pas assez d’une vie », déclarait-elle en novembre 2021 dans un grand entretien à Opéra Magazine . Évoquant ses mille et un projets d’avenir - transmission, mise en scène, production - avec la gourmandise et l’appétit de vivre qui la caractérisaient si bien. La soprano Jodie Devos vient de s’éteindre. Âgée de seulement 35 ans. Laissant derrière elle le monde lyrique francophone, et la planète des mélomanes, dans un état de sidération et d’incrédulité complet.

Atteinte d’un cancer foudroyant, elle avait dû annuler plusieurs de ses engagements récents. Et notamment sa participation à L’Olympiade de Vivaldi dirigée par Jean-Christophe Spinosi, qui refermera dans quelques jours la saison du Théâtre des Champs-Élysées en prélude des Jeux de Paris 2024. C’est entourée de ses proches et de sa famille qu’elle est décédée ce dimanche 16 juin 2024, à Paris, a fait savoir son agence Intermezzo.

Une voix exceptionnelle

Depuis son deuxième prix au Concours Reine Élisabeth, doublé d’un Prix du public largement mérité, la colorature aux aigus stratosphériques et à la bonne humeur communicative enchantait littéralement nos scènes françaises. De la chanteuse, on retiendra la pureté d’une voix à la clarté aussi éclatante que le soleil du Midi. La souplesse presque surnaturelle de ses vocalises. Mais aussi et surtout l’écrasante présence. Sur scène, elle irradiait dans tous les sens du terme. Partageant avec son idole Natalie Dessay une même passion pour le jeu théâtral avant toute autre chose. « Moi, c'est le théâtre qui m'a tout de suite plu à l'opéra », nous disait-elle lorsque nous l’avions rencontrée en 2019 à l’Opéra Bastille.

Car elle avait fait de l’opéra français l’une de ses grandes spécialités. Qu’il s’agisse de défendre comme personne le répertoire si longtemps méprisé d’Offenbach, dont elle était une ambassadrice de feu. Timbre agile et ardeur des sentiments. Alternant avec une joyeuse aisance pyrotechnique les vocalises les plus folles et la suave mélancolie. Comme sur son ébouriffant album Offenbach Colorature, paru en 2019 chez Alpha. Ou bien d’épouser la cause ramiste, comme elle l’avait fait à la rentrée de cette même année, en participant à la nouvelle production de l’Opéra de Paris des Indes Galantes de Rameau. Au côté de tout ce que la jeune génération de chanteurs français et francophones comptait de talents et d’espoirs : Sabine Devieilhe, Julie Fuchs, Mathias Vidal, Stanislas de Barbeyrac, Florian Sempey, Edwin Crossley-Mercer, Alexandre Duhamel...

Parfaitement intégrée au paysage lyrique hexagonal, l’ancienne académicienne de l’Opéra Comique partageait en effet avec ces illustres collègues de sa génération les mêmes préoccupations. Et surtout la même générosité vis-à-vis des plus jeunes. Elle n’avait pas hésité une seconde à s’impliquer dans le Fonds Unisson, constitué en pleine épidémie de Covid, pour venir en aide aux tout jeunes chanteurs lyriques privés de scènes.

Elle était aussi une fervente ambassadrice de la diffusion des opéras au public le plus large possible, par tous les vecteurs, des captations aux opéras participatifs. « J'ai grandi à une heure et demie de voiture de tout opéra, j'ai découvert le genre grâce à Internet, se plaisait-elle à rappeler. On a toujours peur que le public de l'opéra disparaisse. Ce devoir de diffusion fait aujourd'hui partie du job. »

De grands rôles coloratures

La native de Libramont, en région wallonne, n’était arrivée à l’opéra que sur le tard. À l’adolescence. Après s’être d’abord rêvée chanteuse de variété. Biberonnée dans sa famille et par ses stages de chant choral à la chanson française et au rock de Led Zeppelin ou Freddy Mercury (auquel elle rendit d’ailleurs hommage au disque en 2021, dans son album And love said...) Elle avait fait ses premières armes de chant au prestigieux Institut Royal Supérieur de Musique et de Pédagogie de Namur, avant d’intégrer la Royal Academy of Music de Londres, où elle avait notamment, disait-elle, attrapé le virus de la scène. Elle le transmettait au public avec une passion communicative.

En France, on l’avait vue se distinguer dans un très large répertoire sur la plupart de nos scènes. À Paris comme en région. Faisant dès 2014 une entrée fracassante par la grande porte, en remplaçant au pied levé, alors qu’elle n’était qu’académicienne de la salle Favart, la soprano Sabine Devieilhe souffrante en Adèle, dans La Chauve-Souris de Strauss. Dès lors, la voie était toute tracée vers les grands rôles coloratures : Lakmé à l’Opéra de Tours début 2017, Suzanna à l’Opéra Royal de Liège en 2018, Reine de la nuit à Bastille en 2019, Zerbinetta à Montpellier en 2020...

Et bien sûr beaucoup d’Offenbach : Eurydice d’Orphée aux enfers, Olympia dans Les Contes d’Hoffmann, princesse Elsbeth dans Fantasio, Gabrielle dans la sublime reconstitution de la version originale de 1866 de La Vie Parisienne, produite par le Palazzetto Bru Zane (centre de musique romantique française) dont elle était l’une des collaboratrices les plus convaincues et convaincantes.

Avec Jodie Devos, le monde lyrique ne perd pas seulement l’une de ses sopranos coloratures les plus prometteuses du XXIe siècle... Il perd aussi l’une des plus éminentes ambassadrices du chant français qui soit.

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DISPARITION - Avec ses vocalises à la souplesse presque surnaturelle et son impressionnante présence sur scène, l’artiste belge faisait partie des voix les plus prometteuses de ce début de siècle.

« Je n’aurai pas assez d’une vie », déclarait-elle en novembre 2021 dans un grand entretien à Opéra Magazine . Évoquant ses mille et un projets d’avenir - transmission, mise en scène, production - avec la gourmandise et l’appétit de vivre qui la caractérisaient si bien. La soprano Jodie Devos vient de s’éteindre. Âgée de seulement 35 ans. Laissant derrière elle le monde lyrique francophone, et la planète des mélomanes, dans un état de sidération et d’incrédulité complet.

Atteinte d’un cancer foudroyant, elle avait dû annuler plusieurs de ses engagements récents. Et notamment sa participation à L’Olympiade de Vivaldi dirigée par Jean-Christophe Spinosi, qui refermera dans quelques jours la saison du Théâtre des Champs-Élysées en prélude des Jeux de Paris 2024. C’est entourée de ses proches et de sa famille qu’elle est décédée ce dimanche 16 juin 2024, à Paris, a fait savoir son agence Intermezzo.

Une voix exceptionnelle

Depuis son deuxième prix au Concours Reine Élisabeth, doublé d’un Prix du public largement mérité, la colorature aux aigus stratosphériques et à la bonne humeur communicative enchantait littéralement nos scènes françaises. De la chanteuse, on retiendra la pureté d’une voix à la clarté aussi éclatante que le soleil du Midi. La souplesse presque surnaturelle de ses vocalises. Mais aussi et surtout l’écrasante présence. Sur scène, elle irradiait dans tous les sens du terme. Partageant avec son idole Natalie Dessay une même passion pour le jeu théâtral avant toute autre chose. « Moi, c'est le théâtre qui m'a tout de suite plu à l'opéra », nous disait-elle lorsque nous l’avions rencontrée en 2019 à l’Opéra Bastille.

Car elle avait fait de l’opéra français l’une de ses grandes spécialités. Qu’il s’agisse de défendre comme personne le répertoire si longtemps méprisé d’Offenbach, dont elle était une ambassadrice de feu. Timbre agile et ardeur des sentiments. Alternant avec une joyeuse aisance pyrotechnique les vocalises les plus folles et la suave mélancolie. Comme sur son ébouriffant album Offenbach Colorature, paru en 2019 chez Alpha. Ou bien d’épouser la cause ramiste, comme elle l’avait fait à la rentrée de cette même année, en participant à la nouvelle production de l’Opéra de Paris des Indes Galantes de Rameau. Au côté de tout ce que la jeune génération de chanteurs français et francophones comptait de talents et d’espoirs : Sabine Devieilhe, Julie Fuchs, Mathias Vidal, Stanislas de Barbeyrac, Florian Sempey, Edwin Crossley-Mercer, Alexandre Duhamel...

Parfaitement intégrée au paysage lyrique hexagonal, l’ancienne académicienne de l’Opéra Comique partageait en effet avec ces illustres collègues de sa génération les mêmes préoccupations. Et surtout la même générosité vis-à-vis des plus jeunes. Elle n’avait pas hésité une seconde à s’impliquer dans le Fonds Unisson, constitué en pleine épidémie de Covid, pour venir en aide aux tout jeunes chanteurs lyriques privés de scènes.

Elle était aussi une fervente ambassadrice de la diffusion des opéras au public le plus large possible, par tous les vecteurs, des captations aux opéras participatifs. « J'ai grandi à une heure et demie de voiture de tout opéra, j'ai découvert le genre grâce à Internet, se plaisait-elle à rappeler. On a toujours peur que le public de l'opéra disparaisse. Ce devoir de diffusion fait aujourd'hui partie du job. »

De grands rôles coloratures

La native de Libramont, en région wallonne, n’était arrivée à l’opéra que sur le tard. À l’adolescence. Après s’être d’abord rêvée chanteuse de variété. Biberonnée dans sa famille et par ses stages de chant choral à la chanson française et au rock de Led Zeppelin ou Freddy Mercury (auquel elle rendit d’ailleurs hommage au disque en 2021, dans son album And love said...) Elle avait fait ses premières armes de chant au prestigieux Institut Royal Supérieur de Musique et de Pédagogie de Namur, avant d’intégrer la Royal Academy of Music de Londres, où elle avait notamment, disait-elle, attrapé le virus de la scène. Elle le transmettait au public avec une passion communicative.

En France, on l’avait vue se distinguer dans un très large répertoire sur la plupart de nos scènes. À Paris comme en région. Faisant dès 2014 une entrée fracassante par la grande porte, en remplaçant au pied levé, alors qu’elle n’était qu’académicienne de la salle Favart, la soprano Sabine Devieilhe souffrante en Adèle, dans La Chauve-Souris de Strauss. Dès lors, la voie était toute tracée vers les grands rôles coloratures : Lakmé à l’Opéra de Tours début 2017, Suzanna à l’Opéra Royal de Liège en 2018, Reine de la nuit à Bastille en 2019, Zerbinetta à Montpellier en 2020...

Et bien sûr beaucoup d’Offenbach : Eurydice d’Orphée aux enfers, Olympia dans Les Contes d’Hoffmann, princesse Elsbeth dans Fantasio, Gabrielle dans la sublime reconstitution de la version originale de 1866 de La Vie Parisienne, produite par le Palazzetto Bru Zane (centre de musique romantique française) dont elle était l’une des collaboratrices les plus convaincues et convaincantes.

Avec Jodie Devos, le monde lyrique ne perd pas seulement l’une de ses sopranos coloratures les plus prometteuses du XXIe siècle... Il perd aussi l’une des plus éminentes ambassadrices du chant français qui soit.

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