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« Dîner à l’anglaise » : une comédie noire chez des Londoniens huppés - Le Monde

Olivia Williams (Beth) et Sarah (Shirley Henderson) dans « Dîner à l’anglaise », de Matt Winn.

A partir d’une situation dramatique invraisemblable, d’une cruauté grotesque –le suicide d’une invitée lors d’un dîner entre amis –, le troisième long-métrage du Britannique Matt Winn s’appuie sur des moyens aussi simples et efficaces que le clafoutis préparé par le maître des lieux. La soirée progresse à bas bruit, dans une mise en scène qui pratique l’understatement, qui consiste à minimiser les effets pour frapper d’autant plus fort.

Hampstead, sur les hauteurs de Londres. Une maison de style georgien dont la décoration joue sur du velours. Tapis berbère, chaises Wire DKR (Eames), lampe de table Nessino en plastique orange (Mattioli), peintures murales Farrow & Ball, tapis berbère… Sarah et Tom ont invité à dîner Beth et Richard, venus avec Jessica, une vieille amie commune, qui vient de publier un best-seller sur ses années de débauche. Centre de l’attention des deux hommes, jalousée par ses consœurs, elle quitte la table à la suite d’une remarque que l’on pensait anodine… Quelques minutes plus tard, ses camarades la retrouvent pendue à un arbre du jardin. Devenue pour le reste de l’histoire le corps à déplacer, Jessica continue à gêner tout le monde… « Pourquoi a-t-elle fait ça chez nous ? On ne se suicide pas chez les autres ! Quel message veut-elle encore nous faire passer ? »

Portrait incisif de sociaux-démocrates hantés par la peur de tout perdre, Dîner à l’anglaise livre une vision implacable de la misanthropie de ces privilégiés. Se refusant au sentimentalisme éruptif et aux joies du thriller, cette comédie noire révèle, au fil de la soirée, de profonds désaccords. Sarah entend ramener le corps de sa convive à domicile pour ne pas mettre en péril la vente imminente de sa maison censée éponger les dettes de son mari. Personne ne doit savoir qu’une femme s’est donné la mort dans ce coin de paradis… ce qui reviendrait à rompre le charme d’une telle acquisition. Au contraire, Richard, avocat, craint d’être exclu du barreau s’il se fait surprendre en train de transporter un cadavre.

Variations émotionnelles

Construit en courts chapitres, le film tient à la fois du manuel de survie et du guide mondain… Ce singulier alliage participe à le distinguer de ses célèbres prédécesseurs, Festen (1998) de Thomas Vinterberg et Carnage (2011) de Roman Polanski. Comment esquiver la voisine venue chercher un autographe ? Comment échapper aux policiers du quartier appelés dans un moment de faiblesse ? Comment traverser Londres en voiture avec un cadavre, si bien habillé soit-il ? Traversé de problèmes pragmatiques et de dilemmes moraux, ce quasi-huis clos − il passe juste une tête dehors lors d’un trajet en voiture − s’affranchit du théâtre filmé auquel son dispositif aurait pu le destiner.

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Olivia Williams (Beth) et Sarah (Shirley Henderson) dans « Dîner à l’anglaise », de Matt Winn.

A partir d’une situation dramatique invraisemblable, d’une cruauté grotesque –le suicide d’une invitée lors d’un dîner entre amis –, le troisième long-métrage du Britannique Matt Winn s’appuie sur des moyens aussi simples et efficaces que le clafoutis préparé par le maître des lieux. La soirée progresse à bas bruit, dans une mise en scène qui pratique l’understatement, qui consiste à minimiser les effets pour frapper d’autant plus fort.

Hampstead, sur les hauteurs de Londres. Une maison de style georgien dont la décoration joue sur du velours. Tapis berbère, chaises Wire DKR (Eames), lampe de table Nessino en plastique orange (Mattioli), peintures murales Farrow & Ball, tapis berbère… Sarah et Tom ont invité à dîner Beth et Richard, venus avec Jessica, une vieille amie commune, qui vient de publier un best-seller sur ses années de débauche. Centre de l’attention des deux hommes, jalousée par ses consœurs, elle quitte la table à la suite d’une remarque que l’on pensait anodine… Quelques minutes plus tard, ses camarades la retrouvent pendue à un arbre du jardin. Devenue pour le reste de l’histoire le corps à déplacer, Jessica continue à gêner tout le monde… « Pourquoi a-t-elle fait ça chez nous ? On ne se suicide pas chez les autres ! Quel message veut-elle encore nous faire passer ? »

Portrait incisif de sociaux-démocrates hantés par la peur de tout perdre, Dîner à l’anglaise livre une vision implacable de la misanthropie de ces privilégiés. Se refusant au sentimentalisme éruptif et aux joies du thriller, cette comédie noire révèle, au fil de la soirée, de profonds désaccords. Sarah entend ramener le corps de sa convive à domicile pour ne pas mettre en péril la vente imminente de sa maison censée éponger les dettes de son mari. Personne ne doit savoir qu’une femme s’est donné la mort dans ce coin de paradis… ce qui reviendrait à rompre le charme d’une telle acquisition. Au contraire, Richard, avocat, craint d’être exclu du barreau s’il se fait surprendre en train de transporter un cadavre.

Variations émotionnelles

Construit en courts chapitres, le film tient à la fois du manuel de survie et du guide mondain… Ce singulier alliage participe à le distinguer de ses célèbres prédécesseurs, Festen (1998) de Thomas Vinterberg et Carnage (2011) de Roman Polanski. Comment esquiver la voisine venue chercher un autographe ? Comment échapper aux policiers du quartier appelés dans un moment de faiblesse ? Comment traverser Londres en voiture avec un cadavre, si bien habillé soit-il ? Traversé de problèmes pragmatiques et de dilemmes moraux, ce quasi-huis clos − il passe juste une tête dehors lors d’un trajet en voiture − s’affranchit du théâtre filmé auquel son dispositif aurait pu le destiner.

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