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L’abbé Pierre accusé d’agressions sexuelles par plusieurs femmes - Libération

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L’abbé Pierre accusé d’agressions sexuelles par plusieurs femmes

Un rapport indépendant commandé par Emmaüs International, Emmaüs France et la Fondation Abbé-Pierre publié mercredi 17 juillet met en cause le prêtre, mort en 2007, pour des faits d’agressions sexuelles commis entre la fin des années 70 et 2005. Sept femmes ont témoigné et un appel à de potentiels nouveaux témoignages a été lancé.
publié aujourd'hui à 14h48
(mis à jour le 17 juillet 2024 à 17h52)

Une déflagration. L’abbé Pierre, figure mythique de l’humanitaire catholique français mort en 2007, est accusé d’agressions sexuelles sur des salariées, des volontaires et des bénévoles de certaines organisations membres du mouvement Emmaüs, ou sur des jeunes femmes de son entourage personnel, selon un rapport indépendant commandé par Emmaüs International, Emmaüs France et la Fondation Abbé-Pierre publié ce mercredi 17 juillet. «Le Mouvement Emmaüs rend publics des faits qui peuvent s’apparenter à des agressions sexuelles ou du harcèlement sexuel, commis par l’abbé Pierre entre la fin des années 1970 et 2005», indique un communiqué de l’organisation.

Sept femmes ont témoigné contre le prêtre – Henri Grouès de son vrai nom – auprès du cabinet expert de la prévention des violences Egaé, mandaté par le Mouvement Emmaüs dans le cadre d’un «travail d’écoute et d’analyse». Selon le communiqué, l’une d’entre elles était mineure au moment des faits. Au moins cinq autres femmes ont été identifiées comme ayant pu subir des faits de «violences» de la part de l’abbé Pierre. Ces dernières n’ont pas pu ou n’ont pas voulu être entendues.

Le rapport d’enquête, révélé par la Vie, commun aux trois organisations, indique que les faits rapportés se ressemblent d’une personne à l’autre. Ils concernent «des comportements inadaptés d’ordre personnel, une proposition sexuelle, des propos répétés à connotation sexuelle, des tentatives de contacts physiques non sollicités, des contacts non sollicités sur les seins» de la part de l’homme d’Eglise, célèbre pour son engagement en faveur des démunis, des sans-toit et des sans-droits. Lui qui avait révélé en 2005 avoir commis le «péché de chair» à son confident, le directeur du Monde des religions, Frédéric Lenoir.

«Comment vous faites quand c’est Dieu qui vous fait ça ?»

Emmaüs France a été destinataire l’année dernière d’un premier témoignage à propos des comportements déplacés de celui qui fut longtemps la personnalité préférée des Français. Le Mouvement a alors pris la décision de diligenter une enquête interne pour «mesurer l’ampleur des faits et leur nature». Douze personnes ont ainsi été entendues entre le 10 avril et le 5 juin 2024, de manière anonyme.

De ces témoignages, recueillis par Caroline de Haas qui dirige le cabinet Egaé, il ressort des exemples répétés de contacts physiques non sollicités. Dans cinq cas, ils concernent notamment une «zone sexuelle», note le rapport : «Une fois, en 2005 [deux ans avant la mort de l’abbé Pierre, ndlr], nous étions à Florence, il était alors en fauteuil roulant. Lorsque je suis allée le saluer, il m’a touché les deux seins», témoigne par exemple l’une des victimes. Une autre fait état d’une scène survenue entre 1986 et 1988 : «J’étais avec lui dans son bureau. On discute d’un document que j’avais dactylographié […]. Pendant qu’on parle du travail, il pose ses mains sur ma poitrine, mes seins. Ça m’a surprise, en même temps, je n’ai pas osé faire une réflexion.» Une troisième femme décrit un baiser forcé en 1982, lors d’un voyage en Italie à la demande de l’abbé Pierre. Le prêtre est alors un proche de sa famille. Elle, à peine majeure : «Le dernier soir, au moment de lui dire au revoir, il a introduit sa langue dans ma bouche d’une façon brutale et totalement inattendue.»

Selon le rapport, «toutes [les femmes entendues en entretien] parlent d’une forme de sidération lors des faits» : «J’ai l’habitude de me défendre. Mais là, c’était Dieu. Comment vous faites quand c’est Dieu qui vous fait ça ?» Une des personnes entendues fait par ailleurs état «de difficultés psychologiques qui ont duré toute sa vie». Plusieurs autres étaient «informées que l’abbé Pierre avait un comportement inadapté envers les femmes, sans forcément prendre conscience de la réalité des violences commises» : «Une salariée de l’époque a indiqué que la consigne était donnée à ses collègues féminines de ne pas aller voir l’abbé Pierre seules. Elle dit être toujours allée le voir en étant accompagnée au moins d’une autre collègue et précise qu’il ne s’est jamais rien passé.»

L’Eglise catholique exprime sa «douleur» et sa «honte»

A la suite de la publication du rapport ce mercredi, l’onde de choc s’est propagée dans le monde catholique. Dans une déclaration, la Conférence des évêques de France «tient à assurer les personnes victimes de sa profonde compassion et de sa honte que de tels faits puissent être commis par un prêtre». L’Eglise catholique en France a, elle, écrit sur X (ex-Twitter), avoir appris «avec douleur» les témoignages de ces femmes. Elle a affirmé sa «détermination à se mobiliser pour faire de l’Eglise une maison sûre».

Le second vice-président de la Conférence des religieux et religieuses de France, Michel Laloux, décrit à Libé une «libération de la parole absolument essentielle» et appelle à ce que ces témoignages soient crus et écoutés «en profondeur» : «Je ne connais pas le cas de ces sept femmes, mais je suis en contact avec des personnes victimes et c’est terrible ce que ça peut produire comme ravages.» Et de décrire des cauchemars, la dégradation de la santé physique et psychique ou la dévalorisation de soi que peuvent éprouver les personnes victimes qu’il accompagne. «Les actes et les paroles» de l’abbé Pierre entrent aujourd’hui dans «une contradiction terrible» pour le frère Michel Laloux : «C’est d’autant plus triste qu’il a fait énormément de choses pour les personnes qui vivaient dans la misère.»

Le rapport d’enquête, commun à Emmaüs International, Emmaüs France et la Fondation Abbé-Pierre, estime «qu’il existe sans doute d’autres victimes qui n’ont pas encore été identifiées par le Mouvement». Un dispositif d’appel à témoignages a été mis en place pour leur permettre de se manifester.

Mise à jour à 17h52, ajout de contexte et de réactions.

Pour aller plus loin :

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L’abbé Pierre accusé d’agressions sexuelles par plusieurs femmes

Un rapport indépendant commandé par Emmaüs International, Emmaüs France et la Fondation Abbé-Pierre publié mercredi 17 juillet met en cause le prêtre, mort en 2007, pour des faits d’agressions sexuelles commis entre la fin des années 70 et 2005. Sept femmes ont témoigné et un appel à de potentiels nouveaux témoignages a été lancé.
publié aujourd'hui à 14h48
(mis à jour le 17 juillet 2024 à 17h52)

Une déflagration. L’abbé Pierre, figure mythique de l’humanitaire catholique français mort en 2007, est accusé d’agressions sexuelles sur des salariées, des volontaires et des bénévoles de certaines organisations membres du mouvement Emmaüs, ou sur des jeunes femmes de son entourage personnel, selon un rapport indépendant commandé par Emmaüs International, Emmaüs France et la Fondation Abbé-Pierre publié ce mercredi 17 juillet. «Le Mouvement Emmaüs rend publics des faits qui peuvent s’apparenter à des agressions sexuelles ou du harcèlement sexuel, commis par l’abbé Pierre entre la fin des années 1970 et 2005», indique un communiqué de l’organisation.

Sept femmes ont témoigné contre le prêtre – Henri Grouès de son vrai nom – auprès du cabinet expert de la prévention des violences Egaé, mandaté par le Mouvement Emmaüs dans le cadre d’un «travail d’écoute et d’analyse». Selon le communiqué, l’une d’entre elles était mineure au moment des faits. Au moins cinq autres femmes ont été identifiées comme ayant pu subir des faits de «violences» de la part de l’abbé Pierre. Ces dernières n’ont pas pu ou n’ont pas voulu être entendues.

Le rapport d’enquête, révélé par la Vie, commun aux trois organisations, indique que les faits rapportés se ressemblent d’une personne à l’autre. Ils concernent «des comportements inadaptés d’ordre personnel, une proposition sexuelle, des propos répétés à connotation sexuelle, des tentatives de contacts physiques non sollicités, des contacts non sollicités sur les seins» de la part de l’homme d’Eglise, célèbre pour son engagement en faveur des démunis, des sans-toit et des sans-droits. Lui qui avait révélé en 2005 avoir commis le «péché de chair» à son confident, le directeur du Monde des religions, Frédéric Lenoir.

«Comment vous faites quand c’est Dieu qui vous fait ça ?»

Emmaüs France a été destinataire l’année dernière d’un premier témoignage à propos des comportements déplacés de celui qui fut longtemps la personnalité préférée des Français. Le Mouvement a alors pris la décision de diligenter une enquête interne pour «mesurer l’ampleur des faits et leur nature». Douze personnes ont ainsi été entendues entre le 10 avril et le 5 juin 2024, de manière anonyme.

De ces témoignages, recueillis par Caroline de Haas qui dirige le cabinet Egaé, il ressort des exemples répétés de contacts physiques non sollicités. Dans cinq cas, ils concernent notamment une «zone sexuelle», note le rapport : «Une fois, en 2005 [deux ans avant la mort de l’abbé Pierre, ndlr], nous étions à Florence, il était alors en fauteuil roulant. Lorsque je suis allée le saluer, il m’a touché les deux seins», témoigne par exemple l’une des victimes. Une autre fait état d’une scène survenue entre 1986 et 1988 : «J’étais avec lui dans son bureau. On discute d’un document que j’avais dactylographié […]. Pendant qu’on parle du travail, il pose ses mains sur ma poitrine, mes seins. Ça m’a surprise, en même temps, je n’ai pas osé faire une réflexion.» Une troisième femme décrit un baiser forcé en 1982, lors d’un voyage en Italie à la demande de l’abbé Pierre. Le prêtre est alors un proche de sa famille. Elle, à peine majeure : «Le dernier soir, au moment de lui dire au revoir, il a introduit sa langue dans ma bouche d’une façon brutale et totalement inattendue.»

Selon le rapport, «toutes [les femmes entendues en entretien] parlent d’une forme de sidération lors des faits» : «J’ai l’habitude de me défendre. Mais là, c’était Dieu. Comment vous faites quand c’est Dieu qui vous fait ça ?» Une des personnes entendues fait par ailleurs état «de difficultés psychologiques qui ont duré toute sa vie». Plusieurs autres étaient «informées que l’abbé Pierre avait un comportement inadapté envers les femmes, sans forcément prendre conscience de la réalité des violences commises» : «Une salariée de l’époque a indiqué que la consigne était donnée à ses collègues féminines de ne pas aller voir l’abbé Pierre seules. Elle dit être toujours allée le voir en étant accompagnée au moins d’une autre collègue et précise qu’il ne s’est jamais rien passé.»

L’Eglise catholique exprime sa «douleur» et sa «honte»

A la suite de la publication du rapport ce mercredi, l’onde de choc s’est propagée dans le monde catholique. Dans une déclaration, la Conférence des évêques de France «tient à assurer les personnes victimes de sa profonde compassion et de sa honte que de tels faits puissent être commis par un prêtre». L’Eglise catholique en France a, elle, écrit sur X (ex-Twitter), avoir appris «avec douleur» les témoignages de ces femmes. Elle a affirmé sa «détermination à se mobiliser pour faire de l’Eglise une maison sûre».

Le second vice-président de la Conférence des religieux et religieuses de France, Michel Laloux, décrit à Libé une «libération de la parole absolument essentielle» et appelle à ce que ces témoignages soient crus et écoutés «en profondeur» : «Je ne connais pas le cas de ces sept femmes, mais je suis en contact avec des personnes victimes et c’est terrible ce que ça peut produire comme ravages.» Et de décrire des cauchemars, la dégradation de la santé physique et psychique ou la dévalorisation de soi que peuvent éprouver les personnes victimes qu’il accompagne. «Les actes et les paroles» de l’abbé Pierre entrent aujourd’hui dans «une contradiction terrible» pour le frère Michel Laloux : «C’est d’autant plus triste qu’il a fait énormément de choses pour les personnes qui vivaient dans la misère.»

Le rapport d’enquête, commun à Emmaüs International, Emmaüs France et la Fondation Abbé-Pierre, estime «qu’il existe sans doute d’autres victimes qui n’ont pas encore été identifiées par le Mouvement». Un dispositif d’appel à témoignages a été mis en place pour leur permettre de se manifester.

Mise à jour à 17h52, ajout de contexte et de réactions.

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