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Laurent Baffie, la jupe, et l'habituelle "banalisation de la culture du viol"

Samedi soir, sur C8, Laurent Baffie a tenté de soulever à plusieurs reprises la jupe d'une invitée, son amie Nolwenn Leroy. Un geste loin d'être anodin.

C'est censé être amusant: samedi soir, Laurent Baffie, chroniqueur régulier de Salut Les Terriens, soulève la jupe de son amie, la chanteuse Nolwenn Leroy, invitée de Thierry Ardisson. Alors que l'artiste baisse sa jupe à plusieurs reprises pour éviter de trop en dévoiler, Baffie insiste. "Si je le laisse faire, c'est parce que c'est mon ami", lâche Nolwenn Leroy, pourtant visiblement gênée par le geste répété du comique [à 1 minute dans la vidéo ci-dessous]

Depuis samedi, les réactions à cette scène n'ont cessé de pleuvoir: d'un côté, on trouve les pro-Baffie, qui estiment qu'il ne s'agit là que d'une blague, et que le CSA - qui a lancé une procédure - devrait changer de priorités.  

Parmi les défenseurs de l'humoriste, on trouve l'acolyte de Laurent Ruquier Isabelle Mergault, l'animatrice Alessandra Sublet, les journalistes Valérie Bénaïm et Isabelle Morini-Bosc (qui ont toutes les deux défendu Laurent Baffie dans Touche pas à mon postelundi soir) ou encore la chanteuse Maurane. 

"Là, on parle de Baffie sur France Info! On parle de ces femmes tuées tous les jours?, s'interroge ainsi Isabelle Mergault. Vous êtes stupides, ou quoi?" 

"Que dirait-on si une femme baissait la braguette d'un homme?"

De l'autre côté, il y a Rokhaya Diallo, qui, sur le même plateau que Valérie Benaïm, a tenté d'indiquer pourquoi cette séquence est dérangeante. "Je trouve que ce genre de jeu devrait être réservé à leur intimité amicale. Parce que là, on est à la télévision. [...] Ça montre un homme qui donne le sentiment que le corps des femmes est disponible, que ça peut faire l'objet de blagues...Ce n'est pas drôle, a-t-elle expliqué à la bande de Cyril Hanouna. En plus, quand on regarde l'image, je trouve qu'il y a un décalage entre ce que dit Nolwenn Leroy et son langage corporel qui est complètement recroquevillé. Je trouve qu'il y a un vrai décalage." 

La journaliste Valentine Oberti, dans l'émission Quotidien, a elle aussi dénoncé l'absence de consentement de la chanteuse. "À quel moment on se dit qu'à la télé, on peut lever la jupe d'une femme, qu'elle soit mère ou pas d'ailleurs?", s'est-elle demandé, faisant référence à l'indignation à deux vitesses de Thierry Ardisson. Pendant la séquence, l'animateur a tenté d'arrêter son chroniqueur, lui rappelant qu'il était en train de soulever la jupe d'une "jeune maman." 

Fatima El Ouasdi, présidente-fondatrice de l'organisation féministe Politiqu'elles, est sous le choc. "L'exemple que cette séquence renvoie aux téléspectateurs est déplorable, confie-t-elle à L'Express. Avec notre association, on cherche à protéger le public de ce genre de scènes qui participent à la banalisation de la culture du viol."  

Car soulever la jupe d'une femme, qu'elle soit une amie ou pas, une mère de famille ou une femme célibataire, n'est pas un geste anodin. "C'est une agression sexuelle, même si le mot peut choquer. Une agression sexuelle ne se traduit pas forcément par une forme de violence extrême, cela peut être subtil. Que dirait-on si une femme baissait la braguette d'un homme sans son consentement?", se demande Fatima El Ouasdi.  

Les femmes régulièrement agressées à la télé

Que le corps des femmes soit objectifié sur le petit écran n'est pas une nouveauté. On se souvient de cette séquence choquante dans Touche pas à mon poste, lors de laquelle Jean-Michel Maire a embrassé de force une jeune intermittente venue participer à une épreuve en plateau.  

On se rappelle aussi de cette scène datant de 2006, se déroulant sur le plateau de Sébastien Cauet: Cécile de Ménibus se fait agresser par Rocco Siffredi, devant des invités hilares et inconscients de la situation. "Il y a un déni général, tout le monde s'amuse, avait confié la présidente de l'association Mémoire traumatique et victimologie, la psychiatre Muriel Salmona à L'Express. Cela pèse forcément sur la victime, puisque tout le monde dit que ce n'est pas grave, c'est de l'humour. Il s'agit de la position dominante de l'agresseur. Rocco Siffredi fait ça avec tellement d'aplomb, qu'il faut du temps pour reprendre pied."  

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Et que dire de cette séquence édifiante, se déroulant sur un plateau italien, quand un humoriste du nom de Gene Gnocchi embrasse sans prévenir la présentatrice de l'émission où il est invité, Maria Grazia Lombardi? 

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Il y a quelques années, c'est Capucine Anav, ex-candidate de télé-réalité et future recrue d'Hanouna, qui subit le geste de son ami Benoît Dubois sur le plateau du Mag de NRJ12. Alors qu'il la prend dans les bras, il soulève sa jupe, exposant les fesses de la jeune femme face caméra. Le jeune homme s'excuse quelques heures plus tard sur Twitter. 

Ardisson et Baffie ne s'excusent pas, au contraire

A contrario, il ne faut pas tellement compter sur le mea-culpa de Laurent Baffie ou de Thierry Ardisson. Le premier ironise - et se victimise - parlant de "lapidation". 

Le deuxième compare de nouveau le CSA aux collaborateurs durant la Seconde guerre mondiale, comme il l'avait déjà fait sur le plateau de Touche pas à mon poste. "Je suis un citoyen français qui répond aux lois de mon pays, explique-t-il à TV Mag. Si une association de lutte contre le remonté de jupe m'at­taque, très bien. Mais le CSA, je ne reconnais pas cette juridiction inter­mé­diaire. Le CSA s'ap­puie sur des signa­le­ments, je déteste ce système de dénonciation anonyme. On se croi­rait en 1942, époque où les Français avaient déjà une fâcheuse tendance à dénoncer." 

LIRE AUSSI >> Quand Ardisson compare les signalements au CSA à la délation pendant la guerre 

Pour Fatima El Ouasdi, l'animateur de C8 a pourtant lui aussi une grande part de responsabilité dans cette affaire. "Il est très regardé, par des jeunes et des moins jeunes [l'émission de samedi a réuni plus de 800 000 personnes]. Il a délibérément diffusé cette séquence dégradante, qui porte atteinte à la notion de consentement, puisque l'émission n'est pas en direct, déplore-t-elle. Nous allons saisir le CSA avec notre équipe juridique, pour que cela serve d'exemple et que cela rentre dans la tête des producteurs." 

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Samedi soir, sur C8, Laurent Baffie a tenté de soulever à plusieurs reprises la jupe d'une invitée, son amie Nolwenn Leroy. Un geste loin d'être anodin.

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Depuis samedi, les réactions à cette scène n'ont cessé de pleuvoir: d'un côté, on trouve les pro-Baffie, qui estiment qu'il ne s'agit là que d'une blague, et que le CSA - qui a lancé une procédure - devrait changer de priorités.  

Parmi les défenseurs de l'humoriste, on trouve l'acolyte de Laurent Ruquier Isabelle Mergault, l'animatrice Alessandra Sublet, les journalistes Valérie Bénaïm et Isabelle Morini-Bosc (qui ont toutes les deux défendu Laurent Baffie dans Touche pas à mon postelundi soir) ou encore la chanteuse Maurane. 

"Là, on parle de Baffie sur France Info! On parle de ces femmes tuées tous les jours?, s'interroge ainsi Isabelle Mergault. Vous êtes stupides, ou quoi?" 

"Que dirait-on si une femme baissait la braguette d'un homme?"

De l'autre côté, il y a Rokhaya Diallo, qui, sur le même plateau que Valérie Benaïm, a tenté d'indiquer pourquoi cette séquence est dérangeante. "Je trouve que ce genre de jeu devrait être réservé à leur intimité amicale. Parce que là, on est à la télévision. [...] Ça montre un homme qui donne le sentiment que le corps des femmes est disponible, que ça peut faire l'objet de blagues...Ce n'est pas drôle, a-t-elle expliqué à la bande de Cyril Hanouna. En plus, quand on regarde l'image, je trouve qu'il y a un décalage entre ce que dit Nolwenn Leroy et son langage corporel qui est complètement recroquevillé. Je trouve qu'il y a un vrai décalage." 

La journaliste Valentine Oberti, dans l'émission Quotidien, a elle aussi dénoncé l'absence de consentement de la chanteuse. "À quel moment on se dit qu'à la télé, on peut lever la jupe d'une femme, qu'elle soit mère ou pas d'ailleurs?", s'est-elle demandé, faisant référence à l'indignation à deux vitesses de Thierry Ardisson. Pendant la séquence, l'animateur a tenté d'arrêter son chroniqueur, lui rappelant qu'il était en train de soulever la jupe d'une "jeune maman." 

Fatima El Ouasdi, présidente-fondatrice de l'organisation féministe Politiqu'elles, est sous le choc. "L'exemple que cette séquence renvoie aux téléspectateurs est déplorable, confie-t-elle à L'Express. Avec notre association, on cherche à protéger le public de ce genre de scènes qui participent à la banalisation de la culture du viol."  

Car soulever la jupe d'une femme, qu'elle soit une amie ou pas, une mère de famille ou une femme célibataire, n'est pas un geste anodin. "C'est une agression sexuelle, même si le mot peut choquer. Une agression sexuelle ne se traduit pas forcément par une forme de violence extrême, cela peut être subtil. Que dirait-on si une femme baissait la braguette d'un homme sans son consentement?", se demande Fatima El Ouasdi.  

Les femmes régulièrement agressées à la télé

Que le corps des femmes soit objectifié sur le petit écran n'est pas une nouveauté. On se souvient de cette séquence choquante dans Touche pas à mon poste, lors de laquelle Jean-Michel Maire a embrassé de force une jeune intermittente venue participer à une épreuve en plateau.  

On se rappelle aussi de cette scène datant de 2006, se déroulant sur le plateau de Sébastien Cauet: Cécile de Ménibus se fait agresser par Rocco Siffredi, devant des invités hilares et inconscients de la situation. "Il y a un déni général, tout le monde s'amuse, avait confié la présidente de l'association Mémoire traumatique et victimologie, la psychiatre Muriel Salmona à L'Express. Cela pèse forcément sur la victime, puisque tout le monde dit que ce n'est pas grave, c'est de l'humour. Il s'agit de la position dominante de l'agresseur. Rocco Siffredi fait ça avec tellement d'aplomb, qu'il faut du temps pour reprendre pied."  

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Il y a quelques années, c'est Capucine Anav, ex-candidate de télé-réalité et future recrue d'Hanouna, qui subit le geste de son ami Benoît Dubois sur le plateau du Mag de NRJ12. Alors qu'il la prend dans les bras, il soulève sa jupe, exposant les fesses de la jeune femme face caméra. Le jeune homme s'excuse quelques heures plus tard sur Twitter. 

Ardisson et Baffie ne s'excusent pas, au contraire

A contrario, il ne faut pas tellement compter sur le mea-culpa de Laurent Baffie ou de Thierry Ardisson. Le premier ironise - et se victimise - parlant de "lapidation". 

Le deuxième compare de nouveau le CSA aux collaborateurs durant la Seconde guerre mondiale, comme il l'avait déjà fait sur le plateau de Touche pas à mon poste. "Je suis un citoyen français qui répond aux lois de mon pays, explique-t-il à TV Mag. Si une association de lutte contre le remonté de jupe m'at­taque, très bien. Mais le CSA, je ne reconnais pas cette juridiction inter­mé­diaire. Le CSA s'ap­puie sur des signa­le­ments, je déteste ce système de dénonciation anonyme. On se croi­rait en 1942, époque où les Français avaient déjà une fâcheuse tendance à dénoncer." 

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Pour Fatima El Ouasdi, l'animateur de C8 a pourtant lui aussi une grande part de responsabilité dans cette affaire. "Il est très regardé, par des jeunes et des moins jeunes [l'émission de samedi a réuni plus de 800 000 personnes]. Il a délibérément diffusé cette séquence dégradante, qui porte atteinte à la notion de consentement, puisque l'émission n'est pas en direct, déplore-t-elle. Nous allons saisir le CSA avec notre équipe juridique, pour que cela serve d'exemple et que cela rentre dans la tête des producteurs." 

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