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Mostra de Venise, jour 9 : l'éblouissant film de fesses d'Abdellatif Kechiche

Mektoub, my Love : Chant un

Mektoub, my love : chant un, d’Abdellatif Kechiche.

© Pathé

En cette fin de festival, étaient présentés  “Les Anges habillés de blanc”, premier film sensible de la réalisatrice chinoise Vivian Qu, et “Mektoub, my love”, d’Abdellatif Kechiche, tout simplement ébouriffant.

On approche de la fin à la Mostra de Venise. Et la compétition redémarre sur les chapeaux de roue. En prélude, on a eu droit à Les Anges habillés de blanc, premier film sensible de Vivian Qu, une réalisatrice chinoise. De jeunes pré-adolescentes ont été agressées et, sans doute, violées dans une chambre d’hôtel par un patron ivre mort. Une avocate se bat pour faire éclater la vérité mais tout le monde cherche à étouffer l’affaire. Une jeune hôtesse à l’accueil sait des choses mais les tait pour le moment, étant elle-même dans une situation difficile – elle n’a pas de papiers.

Vivian Qu s’attache à surtout à filmer, sur plusieurs générations, la condition difficile de personnages féminins dont les destins se retrouvent liés. C’est assez rare dans le cinéma chinois de voir ainsi traités, de manière aussi frontale tout en gardant une forme de réserve délicate, les contraintes impitoyables de la société contemporaine qui empêchent les femmes de s’épanouir et de se construire comme elles l’entendent.

Mais Les Anges habillés de blanc n’est rien comparé au tourbillon scintillant de sentiments et de sensations provoqué par le nouveau film d’Abdellatif Kechiche. Après La Vie d’Adèleon craignait que le cinéaste français redescende d’un cran. Mais Mektoub, my love : chant un est aussi ébouriffant. Il raconte l’été à Sète, en 1994, d’un groupe de filles et de garçons. Ils viennent de Paris, Nice ou de la Tunisie. Ils ont 20 ans, s’éclatent tous à la plage, dans les bars, en boîte. Un été de frénésie, d’ivresse. Des couples se forment, se déforment, la jalousie s’insinue. Charlotte la brune tombe amoureuse et souffre, tandis que Céline, la blonde, elle, goûte à tous les plaisirs, passe sans souci des garçons aux filles.

L’un des jeunes est plus en retrait mais observe, enregistre tout. C’est Amin. Il est racé comme un dieu, il est lettré, il attire toutes les filles mais c’est le seul qui ne couche pas. On devine qu’il rêve de le faire avec Ophélie. Las, c’est son cousin, Tony, cavaleur invétéré, qui en profite. La jouissance charnelle déboule d’ailleurs dès l’attaque du film. Amin se pointe en vélo chez Ophélie et découvre par la fenêtre son amie en plein ébat avec Tony. La force de cette première séquence assigne d’emblée l’un des atouts majeurs du film : la révélation d’Ophélie Bau (un faux air de Claudia Cardinale), bombe de sensualité plantureuse, qui se donne corps et âme, avec un naturel stupéfiant.

Des corps généreux, en tenue légère ou en maillots, magnifiés. Des jeux joyeux de baignades. De la tchatche effrénée pour draguer. Des sourires et des rires lumineux. De la danse électrisante en boîte de nuit (une séquence impressionnante d’au moins vingt minutes !). On a parfois pensé à un film, un peu oublié, de Cédric KahnTrop de bonheur (qui date lui aussi de 1994). Kechiche semble le prolonger en y ajoutant de l’ampleur et ses thèmes à lui. Avec une pointe de cruauté voire d’animalité (on assiste à la mise bas de deux agneaux) Mektoub, my love : chant un est un film de marivaudage et de fesses.

Au sens premier, Kechiche ne cessant de filmer des croupes en gros plans, sous toutes les coutures. De grosses fesses surtout (rappelant Vénus noire), parfois agitées façon danse africaine. C’est assumé et même dit un moment par Hafsia Herzi à propos d’un garçon : « Lui, il aime les filles jeunes avec des grosses fesses ». Sexiste ? L’obsession, autant l’avouer, vire parfois au systématisme. Mais légitime si l’on considère que le film est toujours perçu du point de vue d’Amin, témoin timide, inhibé sans doute, puceau peut-être.

Qui est-il vraiment, ce jeune homme, apprenti scénariste, passif, secret, un peu taciturne mais loquace malgré tout ? N’est-ce pas Kechiche lui-même au temps de sa jeunesse ? On est forcément tenté d’y voir un autoportrait à peine déguisé, en risquant d’être détrompé. Car ce film n’est qu’une première partie, Kechiche n’ayant pas encore fini de tourner le Chant deux. Qu’importe, ce Chant un, gorgé d’énergie verbale et charnelle, se suffit à lui-même et parvient à avoir son autonomie propre, nous laissant étourdi et ravi.

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Mektoub, my Love : Chant un

Mektoub, my love : chant un, d’Abdellatif Kechiche.

© Pathé

En cette fin de festival, étaient présentés  “Les Anges habillés de blanc”, premier film sensible de la réalisatrice chinoise Vivian Qu, et “Mektoub, my love”, d’Abdellatif Kechiche, tout simplement ébouriffant.

On approche de la fin à la Mostra de Venise. Et la compétition redémarre sur les chapeaux de roue. En prélude, on a eu droit à Les Anges habillés de blanc, premier film sensible de Vivian Qu, une réalisatrice chinoise. De jeunes pré-adolescentes ont été agressées et, sans doute, violées dans une chambre d’hôtel par un patron ivre mort. Une avocate se bat pour faire éclater la vérité mais tout le monde cherche à étouffer l’affaire. Une jeune hôtesse à l’accueil sait des choses mais les tait pour le moment, étant elle-même dans une situation difficile – elle n’a pas de papiers.

Vivian Qu s’attache à surtout à filmer, sur plusieurs générations, la condition difficile de personnages féminins dont les destins se retrouvent liés. C’est assez rare dans le cinéma chinois de voir ainsi traités, de manière aussi frontale tout en gardant une forme de réserve délicate, les contraintes impitoyables de la société contemporaine qui empêchent les femmes de s’épanouir et de se construire comme elles l’entendent.

Mais Les Anges habillés de blanc n’est rien comparé au tourbillon scintillant de sentiments et de sensations provoqué par le nouveau film d’Abdellatif Kechiche. Après La Vie d’Adèleon craignait que le cinéaste français redescende d’un cran. Mais Mektoub, my love : chant un est aussi ébouriffant. Il raconte l’été à Sète, en 1994, d’un groupe de filles et de garçons. Ils viennent de Paris, Nice ou de la Tunisie. Ils ont 20 ans, s’éclatent tous à la plage, dans les bars, en boîte. Un été de frénésie, d’ivresse. Des couples se forment, se déforment, la jalousie s’insinue. Charlotte la brune tombe amoureuse et souffre, tandis que Céline, la blonde, elle, goûte à tous les plaisirs, passe sans souci des garçons aux filles.

L’un des jeunes est plus en retrait mais observe, enregistre tout. C’est Amin. Il est racé comme un dieu, il est lettré, il attire toutes les filles mais c’est le seul qui ne couche pas. On devine qu’il rêve de le faire avec Ophélie. Las, c’est son cousin, Tony, cavaleur invétéré, qui en profite. La jouissance charnelle déboule d’ailleurs dès l’attaque du film. Amin se pointe en vélo chez Ophélie et découvre par la fenêtre son amie en plein ébat avec Tony. La force de cette première séquence assigne d’emblée l’un des atouts majeurs du film : la révélation d’Ophélie Bau (un faux air de Claudia Cardinale), bombe de sensualité plantureuse, qui se donne corps et âme, avec un naturel stupéfiant.

Des corps généreux, en tenue légère ou en maillots, magnifiés. Des jeux joyeux de baignades. De la tchatche effrénée pour draguer. Des sourires et des rires lumineux. De la danse électrisante en boîte de nuit (une séquence impressionnante d’au moins vingt minutes !). On a parfois pensé à un film, un peu oublié, de Cédric KahnTrop de bonheur (qui date lui aussi de 1994). Kechiche semble le prolonger en y ajoutant de l’ampleur et ses thèmes à lui. Avec une pointe de cruauté voire d’animalité (on assiste à la mise bas de deux agneaux) Mektoub, my love : chant un est un film de marivaudage et de fesses.

Au sens premier, Kechiche ne cessant de filmer des croupes en gros plans, sous toutes les coutures. De grosses fesses surtout (rappelant Vénus noire), parfois agitées façon danse africaine. C’est assumé et même dit un moment par Hafsia Herzi à propos d’un garçon : « Lui, il aime les filles jeunes avec des grosses fesses ». Sexiste ? L’obsession, autant l’avouer, vire parfois au systématisme. Mais légitime si l’on considère que le film est toujours perçu du point de vue d’Amin, témoin timide, inhibé sans doute, puceau peut-être.

Qui est-il vraiment, ce jeune homme, apprenti scénariste, passif, secret, un peu taciturne mais loquace malgré tout ? N’est-ce pas Kechiche lui-même au temps de sa jeunesse ? On est forcément tenté d’y voir un autoportrait à peine déguisé, en risquant d’être détrompé. Car ce film n’est qu’une première partie, Kechiche n’ayant pas encore fini de tourner le Chant deux. Qu’importe, ce Chant un, gorgé d’énergie verbale et charnelle, se suffit à lui-même et parvient à avoir son autonomie propre, nous laissant étourdi et ravi.

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