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Cinéma : avec "Valérian" Luc Besson se donne les moyens de rêver en grand

 Au nord de Paris, à Saint-Denis, la Cité du cinéma a des airs de campus américain. Version bunker. Passé la guérite où il faut montrer patte blanche, le monde s'agrandit : hall gigantesque, amphithéâtre, fourmilière de bureaux, neuf plateaux de tournage, une garderie, un restaurant de près de 1.200 m2, le vaisseau du Cinquième Élément qui trône au milieu de nulle part…

Luc Besson, qui a imaginé cette Cinecitta à la française, n'est pas du genre à penser petit en termes de moyens. C'est pour son nouveau rêve à près de 200 millions d'euros, Valérian et la Cité des mille planètes, que La Nouvelle République a rendez-vous avec un Luc Besson débordé qui navigue entre une télé thaïlandaise dont la présentatrice est une drag-queen et une émission allemande animée par une petite fille, en passant par un problème familial à régler au téléphone.

Au bout d'une heure et demie d'une attente roborative (ses assistantes ont amené de quoi ouvrir une sandwicherie-pâtisserie), Luc Besson, sorte de nounours débonnaire qui cache mal un redoutable homme d'affaires, s'assoit dans le minuscule bureau.

Combien de techniciens ont travaillé sur Valérian et la Cité des mille planètes ?

« 2.000 au total dont 960 en visuel pour 2.374 effets spéciaux. A titre indicatif, dans  Le Cinquième Élément il y en avait 188. »

Pourquoi avoir choisi d'adapter cet album de Jean-Claude Mézières ?

« Pourquoi pas ? C'est un des héros de mon enfance, depuis que j'ai dix ans. »

" Je rêve du moment où les premiers aliens vont venir chez nous " Alors pourquoi avez-vous attendu si longtemps pour le porter à l'écran ?

« Quand j'ai bossé avec Mézières sur Le Cinquième Élément il m'a dit " Pourquoi tu fais ce truc débile du Cinquième élément, tu devrais adapter Valérian ". Je n'y avais pas pensé. J'ai réfléchi toute une nuit et le lendemain je lui ai dit que ce n'était pas possible : il y avait cinq cents aliens, la technologie n'était pas prête. Quand j'ai vu Avatar, je me suis dit que les portes s'ouvraient enfin. »

Quels sont les thèmes qui vous plaisent dans Valérian ?

« L'écologie, le vivre-ensemble, l'acceptation des immigrés. C'est intéressant aujourd'hui de dire dans un film : on est tous des immigrés. Personnellement, je rêve du moment où les premiers aliens vont venir chez nous. Dans la seconde on se sentira tous frères : on va embrasser un Sénégalais, un Turc et un Israélien comme quelqu'un de sa famille. »

Pour vous, ça arrivera un jour ?

« Bien sûr ! Il y a 100 millions de milliards de soleils avec une moyenne d'une quinzaine d'étoiles par soleil. Qu'on soit les seuls idiots de l'univers, c'est impossible. »

Comment avez-vous convaincu Rihanna d'interpréter Bubble ?

« Je suis allé chercher un personnage. Elle n'est pas comédienne, mais elle fait des clips. La caméra, elle connaît. Je n'avais qu'une exigence : qu'elle me fasse confiance et me laisse faire. Elle m'a dit OK, mais je suis débutante, il faudra me guider. Rihanna est une des plus grandes stars au monde. Pour se défendre, digérer les critiques et supporter les sollicitations, elle s'est construite une carapace de crocodile de quarante centimètres d'épaisseur. Bubble est beaucoup dans l'émotion et pour aller chercher cette émotion, il fallait que j'aie son autorisation. Elle a joué le jeu, se présentant seule sur le plateau et interdisant même à tout son staff de la suivre. »

Avez-vous également une carapace pour vous protéger ?

« Il faut bien : c'est un métier très difficile. On vous demande à la fois d'être très sensible et un décideur omniprésent. Chaque minute c'est : " Tu veux le bleu ou le rouge, tu en veux quatre ou six, le travelling de vendredi tu veux 12 ou 15 mètres ; l'actrice ne peut pas samedi, ça te gêne si la scène 12B, on la fait vendredi et la deuxième partie la semaine prochaine quand on filme les extérieurs ? " Et vous devez donner une réponse sans hésiter. On m'a posé une question toutes les dix secondes tout le tournage. J'étais un général à la tête de 2.000 personnes. »

" Pour Jeanne d'Arc et Le Grand Bleu j'ai fini à l'hosto "D'où vient le langage des Pearls, ces créatures douces et hédonistes ?

« Je l'ai inventé. J'ai cherché des sonorités qui aillent avec ce qu'ils sont. Il ne fallait pas que ce soit trop germain ou méditerranéen. Il fallait que ce soit doux. Ils sont très androgynes, d'aspect porcelaine irisée, ne connaissent ni la peur ni l'envie, n'ont pas l'esprit de conquête et savent pardonner : ce serait magnifique que les hommes soient comme ça non ? »

Est-ce que ce film vous a donné davantage de fil à retordre que les autres ?

« Bizarrement, ça a été plus facile, parce qu'on a fait une préparation de malade en amont. Le montage était fini trois jours après les dernières prises et nous avons bouclé le tournage avec trois jours d'avance sur le planning. Le monteur était sur le plateau et dès qu'une prise était bonne, il la montait et ça partait en Nouvelle-Zélande, chez Weta pour la postproduction. Je ne suis pas ressorti fatigué alors que pour Jeanne d'Arc ou Le Grand Bleu, j'ai fini à l'hosto. »

Y aura-t-il une suite à « Valérian et la cité des mille planètes » ?

« On est aux jeux du cirque : à partir du 27 juillet, le public lèvera ou baissera le pouce. S'il le lève, je signe demain pour une suite, et même pour le 3, le 4, le 5 ! »

Il a été question dernièrement des pertes financières de votre société, pensez-vous que Valérian va s'avérer rentable pour vous ?

« Je n'en ai aucune idée et je m'en moque comme de l'an 40. Je peux vous citer 25 peintres qui étaient fauchés et dont les œuvres sont aujourd'hui au Louvre. Mon film est fini, je serai fou de bonheur s'il est aimé et très triste si ce n'est pas le cas. Vous savez, Le Cinquième Élément s'est planté aux USA et aujourd'hui c'est un film culte. Ces jours-ci, ils font même une projection en plein air avec 15.000 personnes. Mais c'est gentil de vous inquiéter pour moi, je vous remercie. »

Est-ce que vous allez partir en vacances ?

« Là, je viens de prendre trois jours, ça m'a fait du bien et bientôt, nous partons en Grèce. Mais avant ça j'accompagne Valérian dans dix-sept pays. »

 A lire aussi :notre critique de « Valérian et la cité des mille planètes »

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 Au nord de Paris, à Saint-Denis, la Cité du cinéma a des airs de campus américain. Version bunker. Passé la guérite où il faut montrer patte blanche, le monde s'agrandit : hall gigantesque, amphithéâtre, fourmilière de bureaux, neuf plateaux de tournage, une garderie, un restaurant de près de 1.200 m2, le vaisseau du Cinquième Élément qui trône au milieu de nulle part…

Luc Besson, qui a imaginé cette Cinecitta à la française, n'est pas du genre à penser petit en termes de moyens. C'est pour son nouveau rêve à près de 200 millions d'euros, Valérian et la Cité des mille planètes, que La Nouvelle République a rendez-vous avec un Luc Besson débordé qui navigue entre une télé thaïlandaise dont la présentatrice est une drag-queen et une émission allemande animée par une petite fille, en passant par un problème familial à régler au téléphone.

Au bout d'une heure et demie d'une attente roborative (ses assistantes ont amené de quoi ouvrir une sandwicherie-pâtisserie), Luc Besson, sorte de nounours débonnaire qui cache mal un redoutable homme d'affaires, s'assoit dans le minuscule bureau.

Combien de techniciens ont travaillé sur Valérian et la Cité des mille planètes ?

« 2.000 au total dont 960 en visuel pour 2.374 effets spéciaux. A titre indicatif, dans  Le Cinquième Élément il y en avait 188. »

Pourquoi avoir choisi d'adapter cet album de Jean-Claude Mézières ?

« Pourquoi pas ? C'est un des héros de mon enfance, depuis que j'ai dix ans. »

" Je rêve du moment où les premiers aliens vont venir chez nous " Alors pourquoi avez-vous attendu si longtemps pour le porter à l'écran ?

« Quand j'ai bossé avec Mézières sur Le Cinquième Élément il m'a dit " Pourquoi tu fais ce truc débile du Cinquième élément, tu devrais adapter Valérian ". Je n'y avais pas pensé. J'ai réfléchi toute une nuit et le lendemain je lui ai dit que ce n'était pas possible : il y avait cinq cents aliens, la technologie n'était pas prête. Quand j'ai vu Avatar, je me suis dit que les portes s'ouvraient enfin. »

Quels sont les thèmes qui vous plaisent dans Valérian ?

« L'écologie, le vivre-ensemble, l'acceptation des immigrés. C'est intéressant aujourd'hui de dire dans un film : on est tous des immigrés. Personnellement, je rêve du moment où les premiers aliens vont venir chez nous. Dans la seconde on se sentira tous frères : on va embrasser un Sénégalais, un Turc et un Israélien comme quelqu'un de sa famille. »

Pour vous, ça arrivera un jour ?

« Bien sûr ! Il y a 100 millions de milliards de soleils avec une moyenne d'une quinzaine d'étoiles par soleil. Qu'on soit les seuls idiots de l'univers, c'est impossible. »

Comment avez-vous convaincu Rihanna d'interpréter Bubble ?

« Je suis allé chercher un personnage. Elle n'est pas comédienne, mais elle fait des clips. La caméra, elle connaît. Je n'avais qu'une exigence : qu'elle me fasse confiance et me laisse faire. Elle m'a dit OK, mais je suis débutante, il faudra me guider. Rihanna est une des plus grandes stars au monde. Pour se défendre, digérer les critiques et supporter les sollicitations, elle s'est construite une carapace de crocodile de quarante centimètres d'épaisseur. Bubble est beaucoup dans l'émotion et pour aller chercher cette émotion, il fallait que j'aie son autorisation. Elle a joué le jeu, se présentant seule sur le plateau et interdisant même à tout son staff de la suivre. »

Avez-vous également une carapace pour vous protéger ?

« Il faut bien : c'est un métier très difficile. On vous demande à la fois d'être très sensible et un décideur omniprésent. Chaque minute c'est : " Tu veux le bleu ou le rouge, tu en veux quatre ou six, le travelling de vendredi tu veux 12 ou 15 mètres ; l'actrice ne peut pas samedi, ça te gêne si la scène 12B, on la fait vendredi et la deuxième partie la semaine prochaine quand on filme les extérieurs ? " Et vous devez donner une réponse sans hésiter. On m'a posé une question toutes les dix secondes tout le tournage. J'étais un général à la tête de 2.000 personnes. »

" Pour Jeanne d'Arc et Le Grand Bleu j'ai fini à l'hosto "D'où vient le langage des Pearls, ces créatures douces et hédonistes ?

« Je l'ai inventé. J'ai cherché des sonorités qui aillent avec ce qu'ils sont. Il ne fallait pas que ce soit trop germain ou méditerranéen. Il fallait que ce soit doux. Ils sont très androgynes, d'aspect porcelaine irisée, ne connaissent ni la peur ni l'envie, n'ont pas l'esprit de conquête et savent pardonner : ce serait magnifique que les hommes soient comme ça non ? »

Est-ce que ce film vous a donné davantage de fil à retordre que les autres ?

« Bizarrement, ça a été plus facile, parce qu'on a fait une préparation de malade en amont. Le montage était fini trois jours après les dernières prises et nous avons bouclé le tournage avec trois jours d'avance sur le planning. Le monteur était sur le plateau et dès qu'une prise était bonne, il la montait et ça partait en Nouvelle-Zélande, chez Weta pour la postproduction. Je ne suis pas ressorti fatigué alors que pour Jeanne d'Arc ou Le Grand Bleu, j'ai fini à l'hosto. »

Y aura-t-il une suite à « Valérian et la cité des mille planètes » ?

« On est aux jeux du cirque : à partir du 27 juillet, le public lèvera ou baissera le pouce. S'il le lève, je signe demain pour une suite, et même pour le 3, le 4, le 5 ! »

Il a été question dernièrement des pertes financières de votre société, pensez-vous que Valérian va s'avérer rentable pour vous ?

« Je n'en ai aucune idée et je m'en moque comme de l'an 40. Je peux vous citer 25 peintres qui étaient fauchés et dont les œuvres sont aujourd'hui au Louvre. Mon film est fini, je serai fou de bonheur s'il est aimé et très triste si ce n'est pas le cas. Vous savez, Le Cinquième Élément s'est planté aux USA et aujourd'hui c'est un film culte. Ces jours-ci, ils font même une projection en plein air avec 15.000 personnes. Mais c'est gentil de vous inquiéter pour moi, je vous remercie. »

Est-ce que vous allez partir en vacances ?

« Là, je viens de prendre trois jours, ça m'a fait du bien et bientôt, nous partons en Grèce. Mais avant ça j'accompagne Valérian dans dix-sept pays. »

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