Dominique Besnehard a été l’agent de Jeanne Moreau pendant dix ans, à partir de la fin des années 90 : «C’était quelqu’un de très curieux. Jeanne Moreau était l’incarnation de l’actrice parfaite. Elle n’aimait que jouer, avoir des projets, rencontrer de jeunes metteurs en scène, elle voyait tous les films... C’était l’essence même de l’actrice. Elle a toujours voulu être comédienne, elle s’est opposée à son père pour cela, a pris des cours de théâtre très jeune. Dans la vie, elle pouvait être extrêmement dure, sévère avec les gens d’argent ou avec les producteurs. Mais jamais avec les acteurs, qu’elle respectait trop. Ces derniers temps, elle avait décidé de ne plus voir grand monde. Elle lançait Viens, mon chéri ! et puis, au dernier moment, elle annulait. Peut-être qu’elle n’avait pas envie qu’on la voit vieillir.»
Josée Dayan a tourné avec Jeanne Moreau onze films et téléfilms entre 2002 et 2011 («Cet amour-là», «Les Misérables», «Les Rois Maudits»...) : «Je l’ai vue il y a trois jours. Elle était très fatiguée. C’était une actrice magnifique, une femme exceptionnelle, très rare, si particulière, avec beaucoup de passion pour son métier. Le cinéma, c’était sa vie. Sur un tournage, elle était disponible à 100%, elle ne quittait jamais le plateau, ne voulait pas s’éloigner de la caméra. Humainement, c’était une femme libre, indépendante, elle disait ce qu’elle avait sur le coeur. Elle s’intéressait à tout, aux jeunes chanteurs... Elle adorait Camille, par exemple. Jeanne Moreau était dans le vent, pas passéiste. Elle lisait aussi beaucoup, mais elle aimait par dessus tout son métier d’actrice.»
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> L'actrice Jeanne Moreau est morte
«Elle n’avait aucun problème à parler de la mort»
Melvil Poupaud. En 2005, Melvil Poupaud joue un jeune homme qui va mourir dans «Le Temps qui reste» de François Ozon. L’acteur se souvient sur le tournage d’une scène intense tournée avec Jeanne Moreau, qui interprète, sa grand-mère. «On a tourné à la campagne, dans un endroit assez isolé. Nous avions une scène très intense où on parlait assez crûment de la mort. François Ozon avait écrit des dialogues assez osés où on se balançait des vérités dans la gueule… Jeanne Moreau n’avait pas loin de 80 ans mais elle n’avait aucun problème à parler de la mort. Elle avait une réaction très surprenante. Elle n’avait aucun tabou, à l’écran comme à la ville. Ce tournage, c’était un beau moment, presque familial. Je crois qu’elle était contente, elle aimait le film. Elle semblait heureuse alors qu’elle pouvait parfois être dure. Il était facile de parler avec Jeanne Moreau, même de séduction ou de sexualité. Elle était libre, jamais conventionnelle. On avait continué à se parler dans les mois qui ont suivi. Ces derniers temps, elle a voulu rester avec ses proches. Elle a consacré sa vie au cinéma, mais elle a préféré la discrétion. Ce n’était pas une femme qui avait besoin de médiatisation pour exister. Mais au fond, je crois qu’elle était assez seule. Elle m’avait offert un coffret avec l’intégrale de ses chansons. Il y a dans ces enregistrements une chaleur marquante. Ma préférée c’est «Chanson», issue de «India Song», le film de Maguerite Duras. Il y a beaucoup de sensualité.
Jeanne Moreau a toujours beaucoup aidé les jeunes qui débutaient dans le métier, notamment via le Festival Premiers Plans d'Angers. Elle préférait parler du futur que du passé, comme quand elle avait remis son César d’Honneur à la réalisatrice Céline Sciamma, comme on passe un relai. J’ai eu de la chance de la côtoyer.
Laurent Heynemann a réalisé «La vieille qui marchait dans la mer», qui a valu à Jeanne Moreau le César de la meilleure actrice en 1992 : «Je l’ai rencontrée en 1972, sur le tournage de "L’Humeur vagabonde", où j’étais son chauffeur. Elle avait 44 ans, elle était sublime. Il y avait une très mauvaise ambiance sur le tournage et puis, à partir du moment où elle est arrivée, tout a été embelli. Elle était enchantée de sa liberté, de sa sensualité, de sa tonicité. Et elle avait un sens du travail et de la fête incroyable. Vingt ans après, donc, je l’ai retrouvée alors qu’elle traversait un trou de carrière. Entre elle et moi, ça a collé. Mais c’est vrai qu’elle était difficile. C’était une actrice de théâtre, une immense bosseuse et face à elle, Michel Serrault était un instinctif qui ne savait pas son texte... Alors elle passait son temps à lever les yeux au ciel ! Le soir, on dînait ensemble dans la maison que Jean-Claude Brialy lui avait prêtée à Ramatuelle (Var) et on ne parlait que du film, des scènes du lendemain. Jeanne Moreau était très exigeante avec les autres et avec elle-même. Elle m’a donné une leçon de travail énorme.»
«Un monument du cinéma mondial»
Claudia Cardinale. «Je suis très touchée par la disparition de Jeanne Moreau. C'est un monument du cinéma mondial qui restera comme un exemple d'excellence pour les générations à venir. Manoel de Oliveira m'a offert la chance tardive de travailler avec elle en 2012, pour "Gebo et l'ombre". «Je garde de cette expérience le souvenir ému d'une actrice exigeante, mais surtout d'une femme dont la nature et l'engagement force le respect.»
Gilles Jacob, ex-président du Festival de Cannes, (tribune publiée dans le Huffington Post) : «Jeanne Moreau, c'est l'art, la culture, la beauté, le chic, l'esprit français (...) Mademoiselle Jeanne, comme aimait proclamer Brialy, a été merveilleuse au théâtre, comme elle a été sublime au cinéma.» «Il est des comédiennes pour lesquelles, indépendamment de leur gloire, la classe et l'élégance morale sont un art de vivre. Jeanne Moreau est de celles-là.»
Jack Lang, ancien ministre de la Culture (communiqué) : «Le cinéma, le théâtre, et plus encore la culture, perd l'un de ses plus beaux joyaux. Jeanne Moreau, l'éternelle amoureuse, muse incontestable des plus grands cinéastes et des plus grands auteurs, était une femme affranchie, une perle rare (...) Dans une société corsetée, elle aura montré à toute une génération de femmes le chemin de l'émancipation et de l'affranchissement. Envoûtante et inoubliable, Jeanne Moreau nous entraînera toujours dans le tourbillon de la vie pour nous émouvoir et nous émerveiller inlassablement.»
Read AgainDominique Besnehard a été l’agent de Jeanne Moreau pendant dix ans, à partir de la fin des années 90 : «C’était quelqu’un de très curieux. Jeanne Moreau était l’incarnation de l’actrice parfaite. Elle n’aimait que jouer, avoir des projets, rencontrer de jeunes metteurs en scène, elle voyait tous les films... C’était l’essence même de l’actrice. Elle a toujours voulu être comédienne, elle s’est opposée à son père pour cela, a pris des cours de théâtre très jeune. Dans la vie, elle pouvait être extrêmement dure, sévère avec les gens d’argent ou avec les producteurs. Mais jamais avec les acteurs, qu’elle respectait trop. Ces derniers temps, elle avait décidé de ne plus voir grand monde. Elle lançait Viens, mon chéri ! et puis, au dernier moment, elle annulait. Peut-être qu’elle n’avait pas envie qu’on la voit vieillir.»
Josée Dayan a tourné avec Jeanne Moreau onze films et téléfilms entre 2002 et 2011 («Cet amour-là», «Les Misérables», «Les Rois Maudits»...) : «Je l’ai vue il y a trois jours. Elle était très fatiguée. C’était une actrice magnifique, une femme exceptionnelle, très rare, si particulière, avec beaucoup de passion pour son métier. Le cinéma, c’était sa vie. Sur un tournage, elle était disponible à 100%, elle ne quittait jamais le plateau, ne voulait pas s’éloigner de la caméra. Humainement, c’était une femme libre, indépendante, elle disait ce qu’elle avait sur le coeur. Elle s’intéressait à tout, aux jeunes chanteurs... Elle adorait Camille, par exemple. Jeanne Moreau était dans le vent, pas passéiste. Elle lisait aussi beaucoup, mais elle aimait par dessus tout son métier d’actrice.»
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> L'actrice Jeanne Moreau est morte
«Elle n’avait aucun problème à parler de la mort»
Melvil Poupaud. En 2005, Melvil Poupaud joue un jeune homme qui va mourir dans «Le Temps qui reste» de François Ozon. L’acteur se souvient sur le tournage d’une scène intense tournée avec Jeanne Moreau, qui interprète, sa grand-mère. «On a tourné à la campagne, dans un endroit assez isolé. Nous avions une scène très intense où on parlait assez crûment de la mort. François Ozon avait écrit des dialogues assez osés où on se balançait des vérités dans la gueule… Jeanne Moreau n’avait pas loin de 80 ans mais elle n’avait aucun problème à parler de la mort. Elle avait une réaction très surprenante. Elle n’avait aucun tabou, à l’écran comme à la ville. Ce tournage, c’était un beau moment, presque familial. Je crois qu’elle était contente, elle aimait le film. Elle semblait heureuse alors qu’elle pouvait parfois être dure. Il était facile de parler avec Jeanne Moreau, même de séduction ou de sexualité. Elle était libre, jamais conventionnelle. On avait continué à se parler dans les mois qui ont suivi. Ces derniers temps, elle a voulu rester avec ses proches. Elle a consacré sa vie au cinéma, mais elle a préféré la discrétion. Ce n’était pas une femme qui avait besoin de médiatisation pour exister. Mais au fond, je crois qu’elle était assez seule. Elle m’avait offert un coffret avec l’intégrale de ses chansons. Il y a dans ces enregistrements une chaleur marquante. Ma préférée c’est «Chanson», issue de «India Song», le film de Maguerite Duras. Il y a beaucoup de sensualité.
Jeanne Moreau a toujours beaucoup aidé les jeunes qui débutaient dans le métier, notamment via le Festival Premiers Plans d'Angers. Elle préférait parler du futur que du passé, comme quand elle avait remis son César d’Honneur à la réalisatrice Céline Sciamma, comme on passe un relai. J’ai eu de la chance de la côtoyer.
Laurent Heynemann a réalisé «La vieille qui marchait dans la mer», qui a valu à Jeanne Moreau le César de la meilleure actrice en 1992 : «Je l’ai rencontrée en 1972, sur le tournage de "L’Humeur vagabonde", où j’étais son chauffeur. Elle avait 44 ans, elle était sublime. Il y avait une très mauvaise ambiance sur le tournage et puis, à partir du moment où elle est arrivée, tout a été embelli. Elle était enchantée de sa liberté, de sa sensualité, de sa tonicité. Et elle avait un sens du travail et de la fête incroyable. Vingt ans après, donc, je l’ai retrouvée alors qu’elle traversait un trou de carrière. Entre elle et moi, ça a collé. Mais c’est vrai qu’elle était difficile. C’était une actrice de théâtre, une immense bosseuse et face à elle, Michel Serrault était un instinctif qui ne savait pas son texte... Alors elle passait son temps à lever les yeux au ciel ! Le soir, on dînait ensemble dans la maison que Jean-Claude Brialy lui avait prêtée à Ramatuelle (Var) et on ne parlait que du film, des scènes du lendemain. Jeanne Moreau était très exigeante avec les autres et avec elle-même. Elle m’a donné une leçon de travail énorme.»
«Un monument du cinéma mondial»
Claudia Cardinale. «Je suis très touchée par la disparition de Jeanne Moreau. C'est un monument du cinéma mondial qui restera comme un exemple d'excellence pour les générations à venir. Manoel de Oliveira m'a offert la chance tardive de travailler avec elle en 2012, pour "Gebo et l'ombre". «Je garde de cette expérience le souvenir ému d'une actrice exigeante, mais surtout d'une femme dont la nature et l'engagement force le respect.»
Gilles Jacob, ex-président du Festival de Cannes, (tribune publiée dans le Huffington Post) : «Jeanne Moreau, c'est l'art, la culture, la beauté, le chic, l'esprit français (...) Mademoiselle Jeanne, comme aimait proclamer Brialy, a été merveilleuse au théâtre, comme elle a été sublime au cinéma.» «Il est des comédiennes pour lesquelles, indépendamment de leur gloire, la classe et l'élégance morale sont un art de vivre. Jeanne Moreau est de celles-là.»
Jack Lang, ancien ministre de la Culture (communiqué) : «Le cinéma, le théâtre, et plus encore la culture, perd l'un de ses plus beaux joyaux. Jeanne Moreau, l'éternelle amoureuse, muse incontestable des plus grands cinéastes et des plus grands auteurs, était une femme affranchie, une perle rare (...) Dans une société corsetée, elle aura montré à toute une génération de femmes le chemin de l'émancipation et de l'affranchissement. Envoûtante et inoubliable, Jeanne Moreau nous entraînera toujours dans le tourbillon de la vie pour nous émouvoir et nous émerveiller inlassablement.»
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