Wes Craven, George Romero, Tobe Hooper. En l’espace de deux ans, trois géants du cinéma d’horreur américain, dont le geste inspiré venait remuer les zones d’ombre d’un pays souvent trop sûr de lui, nous ont quitté. Moins joueur et méta que le créateur de Scream et moins ouvertement politique que le père des zombies, Tobe Hooper aura construit en près de cinquante ans une œuvre radicale et singulière, certes en dents de scie mais d’une rare cohérence thématique. Le réalisateur est mort le samedi 26 août à son domicile, à l’âge de 74 ans, dans des circonstances pour le moment inconnues.
Les racines d’une œuvre
Né le 25 janvier 1943 à Austin (Texas), le jeune Tobe, biberonné aux programmes bis des cinémas de quartier, décide d’entrer en 1962 au département Radio-Télévision-Film de l’université du Texas. Parallèlement à sa formation théorique, il affute sa pratique de l’image en officiant comme cadreur pour une chaîne de télévision. C’est à la fin des 60’s, décennie entre deux mondes (le conservatisme des aînés et la fougue libertaire des plus jeunes) et entre deux cinémas (les derniers feux décadents de l’Âge d’or des studios et l’énergie électrique du Nouvel Hollywood) que le cinéaste réalise son premier long-métrage Eggshell.
Tourné en décors réels à très petit budget, infusé de psychédélisme et déconcertant à souhait, ce coup d’essai sera cependant éclipsé quatre ans plus tard par ce qui deviendra un classique inégalé de l’horreur moderne…
Massacre à la tronçonneuse, vertige d’horreur psychédélique
Tourné cette fois encore avec des moyens limités, The Texas ChainsawMassacre (la version française du titre élude l’indispensable ancrage territorial du récit) fait depuis plus de quarante ans figure de Graal maudit pour les cinéphiles amateurs de frissons. Quasiment introuvable pendant des décennies, mainte fois interdit et relégué aux arrière-boutiques des vidéoclubs avertis, le film, récemment restauré, fait partie de ces œuvres plus fantasmées que réellement vues, boîte à cauchemars licencieuse dont le seul nom échangé faisait frémir les gamins dans les cours de récré.
Massacre à la tronçonneuse. Un titre on ne peut plus évocateur, qui augure un déchainement sans pitié de violence capté avec une frontalité inouïe. Et effectivement, les jeunes touristes en goguette dans un coin reculé du Texas se feront assassiner un à un par une famille de rednecks cannibales et leur rejeton dégénéré Leatherface, anciens employés d’abattoirs ayant troqué les carcasses bovines contre les corps humains (sur un croc de boucher, la différence est à peine perceptible…).
Mais si le film fascine tant, c’est surtout parce qu’il explore par l’outrance et le grand guignol les blessures secrètes d’une Amérique oubliée, celle des laissés-pour-compte ruraux mis à la marge de la modernisation effrénée d’un pays dont ils tiennent encore les pages les plus sombres. Esthétiquement, Hooper semble encaisser la gueule de bois des 60’s pour en présenter sa part maudite, distillant ses explosions de violence dans un cocon psychédélique hanté.
Une carrière en dents de scie mais d’une cohérence thématique rare
Ce coup d’éclat sanglant restera le plus grand succès de son auteur, qui naviguera dès lors de suites en remakes et de la télé au ciné. Il posera cependant les bases thématiques d’une œuvre d’une rare cohérence, sertie de quelques pépites originales et méconnues. Du Crocodile de la mort (1977) à Djinn (2013), il s’agira toujours de gratter le vernis de normalité du réel pour révéler son envers hanté et pulsionnel, jalonné de freaks à la fois terrifiants et tragiques. Hooper, cousin turbulent et sanglant de David Lynch ? Le rapprochement est peut-être osée, mais la vison de l’inclassable ToolboxMurders (2004), dans lequel le Mal se niche dans les machines du quotidien, pourra réjouir les afficionados du père de Twin Peaks, dont la troisième saison nous a offert récemment des scènes stupéfiantes de terreur domestique.
C’est d’ailleurs au rayon des objets maléfiques qu’on trouvera le second grand succès de Tobe Hooper, Poltergeist, histoire de maison hantée d’avantage tournée vers le grand public produite en 1982 par Steven Spielberg. Cette fois, c’est un téléviseur qui fera office de vecteur pour les forces obscures…
L’œuvre de Tobe Hooper, violente et bariolée, inquiétante et bouffonne, n’aura eu de cesse de faire remonter, dans un geste éminemment politique, le fond de violence d’un pays qui se plait à l’ignorer, de tendre à l’Amérique un miroir déformant et hanté dont on ne cessera de (re)découvrir les éclats cinématographiques.
Read AgainWes Craven, George Romero, Tobe Hooper. En l’espace de deux ans, trois géants du cinéma d’horreur américain, dont le geste inspiré venait remuer les zones d’ombre d’un pays souvent trop sûr de lui, nous ont quitté. Moins joueur et méta que le créateur de Scream et moins ouvertement politique que le père des zombies, Tobe Hooper aura construit en près de cinquante ans une œuvre radicale et singulière, certes en dents de scie mais d’une rare cohérence thématique. Le réalisateur est mort le samedi 26 août à son domicile, à l’âge de 74 ans, dans des circonstances pour le moment inconnues.
Les racines d’une œuvre
Né le 25 janvier 1943 à Austin (Texas), le jeune Tobe, biberonné aux programmes bis des cinémas de quartier, décide d’entrer en 1962 au département Radio-Télévision-Film de l’université du Texas. Parallèlement à sa formation théorique, il affute sa pratique de l’image en officiant comme cadreur pour une chaîne de télévision. C’est à la fin des 60’s, décennie entre deux mondes (le conservatisme des aînés et la fougue libertaire des plus jeunes) et entre deux cinémas (les derniers feux décadents de l’Âge d’or des studios et l’énergie électrique du Nouvel Hollywood) que le cinéaste réalise son premier long-métrage Eggshell.
Tourné en décors réels à très petit budget, infusé de psychédélisme et déconcertant à souhait, ce coup d’essai sera cependant éclipsé quatre ans plus tard par ce qui deviendra un classique inégalé de l’horreur moderne…
Massacre à la tronçonneuse, vertige d’horreur psychédélique
Tourné cette fois encore avec des moyens limités, The Texas ChainsawMassacre (la version française du titre élude l’indispensable ancrage territorial du récit) fait depuis plus de quarante ans figure de Graal maudit pour les cinéphiles amateurs de frissons. Quasiment introuvable pendant des décennies, mainte fois interdit et relégué aux arrière-boutiques des vidéoclubs avertis, le film, récemment restauré, fait partie de ces œuvres plus fantasmées que réellement vues, boîte à cauchemars licencieuse dont le seul nom échangé faisait frémir les gamins dans les cours de récré.
Massacre à la tronçonneuse. Un titre on ne peut plus évocateur, qui augure un déchainement sans pitié de violence capté avec une frontalité inouïe. Et effectivement, les jeunes touristes en goguette dans un coin reculé du Texas se feront assassiner un à un par une famille de rednecks cannibales et leur rejeton dégénéré Leatherface, anciens employés d’abattoirs ayant troqué les carcasses bovines contre les corps humains (sur un croc de boucher, la différence est à peine perceptible…).
Mais si le film fascine tant, c’est surtout parce qu’il explore par l’outrance et le grand guignol les blessures secrètes d’une Amérique oubliée, celle des laissés-pour-compte ruraux mis à la marge de la modernisation effrénée d’un pays dont ils tiennent encore les pages les plus sombres. Esthétiquement, Hooper semble encaisser la gueule de bois des 60’s pour en présenter sa part maudite, distillant ses explosions de violence dans un cocon psychédélique hanté.
Une carrière en dents de scie mais d’une cohérence thématique rare
Ce coup d’éclat sanglant restera le plus grand succès de son auteur, qui naviguera dès lors de suites en remakes et de la télé au ciné. Il posera cependant les bases thématiques d’une œuvre d’une rare cohérence, sertie de quelques pépites originales et méconnues. Du Crocodile de la mort (1977) à Djinn (2013), il s’agira toujours de gratter le vernis de normalité du réel pour révéler son envers hanté et pulsionnel, jalonné de freaks à la fois terrifiants et tragiques. Hooper, cousin turbulent et sanglant de David Lynch ? Le rapprochement est peut-être osée, mais la vison de l’inclassable ToolboxMurders (2004), dans lequel le Mal se niche dans les machines du quotidien, pourra réjouir les afficionados du père de Twin Peaks, dont la troisième saison nous a offert récemment des scènes stupéfiantes de terreur domestique.
C’est d’ailleurs au rayon des objets maléfiques qu’on trouvera le second grand succès de Tobe Hooper, Poltergeist, histoire de maison hantée d’avantage tournée vers le grand public produite en 1982 par Steven Spielberg. Cette fois, c’est un téléviseur qui fera office de vecteur pour les forces obscures…
L’œuvre de Tobe Hooper, violente et bariolée, inquiétante et bouffonne, n’aura eu de cesse de faire remonter, dans un geste éminemment politique, le fond de violence d’un pays qui se plait à l’ignorer, de tendre à l’Amérique un miroir déformant et hanté dont on ne cessera de (re)découvrir les éclats cinématographiques.
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