CINEMA - Le producteur Harvey Weinstein, l'un des plus puissants d'Hollywood, a présenté ce jeudi 5 octobre ses excuses et a déclaré se mettre en "congé" à la suite d'une série d'accusations de harcèlement sexuel révéléesdans une enquête du New York Times. Il y est accusé par une série de femmes, dont l'actrice vedette Ashley Judd.
Co-président de la Weinstein Company avec son frère Bob, Harvey Weinstein, 65 ans, connaît depuis plusieurs décennies toutes les ficelles pour séduire le jury des Oscars. Il est l'un des meilleurs pour monter la nécessaire batterie d'interviews, de projections, pour accentuer la présence d'un film en festivals ou multiplier les campagnes publicitaires agressives afin d'influencer les votants.
Sa réputation s'est construite sur la victoire de "Shakespeare in Love", petit film produit par la BBC qui remporta l'Oscar du meilleur film en 1999 et rapporta ensuite 100 millions de dollars au box-office. C'était aussi lui derrière "Gangs of New York" en 2002 et surtout "The Artist", le film français dont il a mené la campagne pour les Oscars 2012 -vainqueur de cinq récompenses- et qui est décryptée ci-dessous. Aujourd'hui, les Weinstein comptent près de 300 nominations aux Oscars pour un nombre de récompenses vertigineux, aux alentours de la centaine.
• La caution historique
Pour conduire un film à l'Oscar, rien de plus efficace que de recevoir le soutien public de figures emblématiques du 7e Art. Harvey s'était donc affiché avec les petites-filles de Charlie Chaplin pour "The Artist". "Sorties du placard" comme le racontait Michael Cieply, journaliste au New York Times, et présentées aux membres de l'Academy of Motion Picture Arts and Sciences, Carmen et Dolores, qui n'ont aucun rôle dans le film de Michel Hazanavicius, ont accompagné Weinstein à la présentation du film et ont ponctué la projection d'un "notre grand père aurait adoré".
• L'expérience politique
Harvey Weinstein aime faire le show. La victoire du "Discours d'un Roi" l'a rendu encore plus légitime aux yeux des Académiciens. Le producteur profite de toutes les tribunes offertes pour défendre ses films, comme sur le HuffPost américain avec "My Week With Marilyn". Il concède volontiers que cette habitude vient de ses premières leçons politiques retenues alors qu'il travaillait pour le parti démocrate. "J'ai rencontré Frank Sedita, le maire de Buffalo qui me racontait qu'à l'époque, sans télé, le meilleur moyen d'attirer l'attention des foules, c'était de poser une petite bombe au milieu de la rue et d'attendre que les gens sortent pour voir ce qu'il se passe. La métaphore, c'est que vous pouvez faire un peu de bruit si c'est pour pousser les gens vers des films différents et intelligents." Harvey est aussi capable de se rendre sur le plateau du célèbre polémiste conservateur Bill O'Reilly sur la chaîne Fox News pour défendre "La Dame de Fer" et préciser que ce n'est pas un film de gauchiste qui attaque Margaret Thatcher, grande copine de Reagan.
Harvey Weinstein lors d'une projection privée du Discours d'un Roi à New York
• Le "remontage"
Un de ses surnoms, Harvey "Scissorhands", vient du fait qu'il sait remonter les films pour les rendre meilleurs et plus accessibles. Une manière de dire qu'il ne se soucie pas spécialement de l'ego du cinéaste. Au moment de l'achat des droits de "The Artist" par Weinstein, Thomas Langman et Michel Hazanavicius auraient demandé l'assurance que le film ne subisse pas de coupe intempestive. Le staff du producteur aurait alors répondu que c'était impossible avant que Harvey lui-même accepte finalement de ranger les ciseaux. Décrit dans le milieu du cinéma comme quelqu'un de brutal, il se défend: "Si je dis à quelqu'un qu'il peut améliorer ça, que ça ne devrait pas être comme ça... 99% du temps, je le fais calmement."
• L'intimidation
Impossible de prouver qu'Harvey Weinstein a utilisé des méthodes pas très catholiques dans ses combats pour l'obtention de statuettes. En 1999, Steven Spielberg en course avec "Il faut sauver le soldat Ryan" est furieux. Il estime que les nombreux articles qui relèvent les libertés historiques prises dans son film ne peuvent être que l'œuvre de Harvey Weinstein, en compétition et futur vainqueur avec "Shakespeare In Love". Idem en 2009, les producteurs de "Slumdog Millionaire" doivent gérer les rumeurs qui dénoncent l'utilisation abusive de jeunes acteurs indiens dans le long métrage de Danny Boyle. On pense tout de suite à Harvey Weinstein qui se défend en répondant: "Qu'y puis-je? Quand vous êtes Billy the Kid et que les gens meurent autour de vous de cause naturelle, tout le monde pense que c'est vous qui les avez tués."
• Le flou artistique
La sortie de "The Artist" aux Etats-Unis avait été orchestrée d'une main de maître par Harvey Weinstein qui avait d'abord fait croire que le film était apatride voire américain pour faciliter son éclosion. Son plus gros atout? La présence de seconds rôles comme John Goodman ou James Cromwell, visages familiers pour le public, semait le trouble quant à la nationalité du film. Ensuite, il a suffi de mettre en scène Jean Dujardin et multiplier les passages sur les plateaux télé dans une sorte d'opération séduction rondement menée. Au "Saturday Night Live" avec Zooey Deschanel, imitant Robert De Niro sur les Late Shows de Jay Leno ou Craig Ferguson, dans une parodie sur le site Funny Or Die, le capital sympathie de Jean Dujardin avait grimpé en flèche, lui permettant d'arriver aux Oscars avec un "background" plus solide.
• La réputation
Les surnoms ne manquent pas pour Harvey Weinstein. Madonna l'affuble du sobriquet "The Punisher", héros de comics Marvel quand Thomas Langman, producteur de "The Artist" l'appelle simplement "Le Boss". Meryl Streep déclarait au Financial Times: "Il ne peut pas séparer le cœur et la tête. C'est une force selon moi. Il peut être très dur mais c'est toujours au service de ce qu'il pense être le mieux pour les intérêts du film, commercialement ou artistiquement." L'actrice américaine le remerciait et le comparait à "Dieu" lors de son discours de victoire au Golden Globes 2012. Les Weinstein comptent beaucoup de rivaux. Certains se sont déjà exprimés: "Harvey ne fait pas dans le sentiment. Il achète le plus de poneys possibles, les nourris avec la meilleure avoine et puis il envoie ceux qui ne passeront pas la ligne d'arrivée à l'abattoir."
La "Sucess story" des frères Weinstein
En 1979, les frères Weinstein fondent Miramax (du nom des parents Mira et Max) dans leur studio de Manhattan et se spécialisent dans les films indépendants. La société fonctionne à merveille grâce à des auteurs fétiches: Steven Soderbergh ("Sexe, Mensonges et Vidéo"), Quentin Tarantino ("Pulp Fiction", "Jackie Brown"), Kevin Smith ("Clerks", "Jay & Silent Bob Strike Back") ou Anthony Minghella ("Le Patient Anglais", "Le Talentueux Mr Ripley").
Miramax est vendu à Disney en 1993. Les Weinstein restent au sein de leur société le temps d'alimenter le département films d'horreur qui prend son envol et s'émancipe avec la création de Dimension Films (comme "The Faculty"). Avant de se fâcher avec la maison mère (ils ont besoin de l'accord de Disney pour valider la production de films au dessus d'un certain budget) et de repartir.
En 2005, ils lancent The Weinstein Company avec l'aide du milliard de dollars levé par Goldman Sachs. Ils fondent avec Hearst, grand groupe de presse, un magazine Talk qui ne dure qu'un temps. En 2006, ils prennent possession d'A Small World, un réseau social destiné aux gens aisés et la marque Halston. Plus de succès. Le milieu les croit perdus quand ils doivent vendre leur catalogue et restructurer l'entreprise en 2010. Mais les deux frères se remettent sur pieds. Parce que Tarantino est resté avec eux, que Kate Winslet gagne l'Oscar de la meilleure actrice pour "The Reader" en 2008 . Mais aussi par la force des choses et une redistribution des rôles. Les Weinstein concentrent dorénavant leur activité, moins flamboyante, sur la distribution. Comme c'est le cas avec "The Artist" ou "Le Discours d'un Roi" qui valide leur come-back, l'année dernière.
Lire aussi :
• Harvey Weinstein accusé d'avoir harcelé sexuellement des dizaines de femmes
• La police suisse enquête sur une nouvelle accusation de viol contre Polanski
• "Kingsman": porter un costard au cinéma donne-t-il un permis de tuer?
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Co-président de la Weinstein Company avec son frère Bob, Harvey Weinstein, 65 ans, connaît depuis plusieurs décennies toutes les ficelles pour séduire le jury des Oscars. Il est l'un des meilleurs pour monter la nécessaire batterie d'interviews, de projections, pour accentuer la présence d'un film en festivals ou multiplier les campagnes publicitaires agressives afin d'influencer les votants.
Sa réputation s'est construite sur la victoire de "Shakespeare in Love", petit film produit par la BBC qui remporta l'Oscar du meilleur film en 1999 et rapporta ensuite 100 millions de dollars au box-office. C'était aussi lui derrière "Gangs of New York" en 2002 et surtout "The Artist", le film français dont il a mené la campagne pour les Oscars 2012 -vainqueur de cinq récompenses- et qui est décryptée ci-dessous. Aujourd'hui, les Weinstein comptent près de 300 nominations aux Oscars pour un nombre de récompenses vertigineux, aux alentours de la centaine.
• La caution historique
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Harvey Weinstein aime faire le show. La victoire du "Discours d'un Roi" l'a rendu encore plus légitime aux yeux des Académiciens. Le producteur profite de toutes les tribunes offertes pour défendre ses films, comme sur le HuffPost américain avec "My Week With Marilyn". Il concède volontiers que cette habitude vient de ses premières leçons politiques retenues alors qu'il travaillait pour le parti démocrate. "J'ai rencontré Frank Sedita, le maire de Buffalo qui me racontait qu'à l'époque, sans télé, le meilleur moyen d'attirer l'attention des foules, c'était de poser une petite bombe au milieu de la rue et d'attendre que les gens sortent pour voir ce qu'il se passe. La métaphore, c'est que vous pouvez faire un peu de bruit si c'est pour pousser les gens vers des films différents et intelligents." Harvey est aussi capable de se rendre sur le plateau du célèbre polémiste conservateur Bill O'Reilly sur la chaîne Fox News pour défendre "La Dame de Fer" et préciser que ce n'est pas un film de gauchiste qui attaque Margaret Thatcher, grande copine de Reagan.
Harvey Weinstein lors d'une projection privée du Discours d'un Roi à New York
• Le "remontage"
Un de ses surnoms, Harvey "Scissorhands", vient du fait qu'il sait remonter les films pour les rendre meilleurs et plus accessibles. Une manière de dire qu'il ne se soucie pas spécialement de l'ego du cinéaste. Au moment de l'achat des droits de "The Artist" par Weinstein, Thomas Langman et Michel Hazanavicius auraient demandé l'assurance que le film ne subisse pas de coupe intempestive. Le staff du producteur aurait alors répondu que c'était impossible avant que Harvey lui-même accepte finalement de ranger les ciseaux. Décrit dans le milieu du cinéma comme quelqu'un de brutal, il se défend: "Si je dis à quelqu'un qu'il peut améliorer ça, que ça ne devrait pas être comme ça... 99% du temps, je le fais calmement."
• L'intimidation
Impossible de prouver qu'Harvey Weinstein a utilisé des méthodes pas très catholiques dans ses combats pour l'obtention de statuettes. En 1999, Steven Spielberg en course avec "Il faut sauver le soldat Ryan" est furieux. Il estime que les nombreux articles qui relèvent les libertés historiques prises dans son film ne peuvent être que l'œuvre de Harvey Weinstein, en compétition et futur vainqueur avec "Shakespeare In Love". Idem en 2009, les producteurs de "Slumdog Millionaire" doivent gérer les rumeurs qui dénoncent l'utilisation abusive de jeunes acteurs indiens dans le long métrage de Danny Boyle. On pense tout de suite à Harvey Weinstein qui se défend en répondant: "Qu'y puis-je? Quand vous êtes Billy the Kid et que les gens meurent autour de vous de cause naturelle, tout le monde pense que c'est vous qui les avez tués."
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La sortie de "The Artist" aux Etats-Unis avait été orchestrée d'une main de maître par Harvey Weinstein qui avait d'abord fait croire que le film était apatride voire américain pour faciliter son éclosion. Son plus gros atout? La présence de seconds rôles comme John Goodman ou James Cromwell, visages familiers pour le public, semait le trouble quant à la nationalité du film. Ensuite, il a suffi de mettre en scène Jean Dujardin et multiplier les passages sur les plateaux télé dans une sorte d'opération séduction rondement menée. Au "Saturday Night Live" avec Zooey Deschanel, imitant Robert De Niro sur les Late Shows de Jay Leno ou Craig Ferguson, dans une parodie sur le site Funny Or Die, le capital sympathie de Jean Dujardin avait grimpé en flèche, lui permettant d'arriver aux Oscars avec un "background" plus solide.
• La réputation
Les surnoms ne manquent pas pour Harvey Weinstein. Madonna l'affuble du sobriquet "The Punisher", héros de comics Marvel quand Thomas Langman, producteur de "The Artist" l'appelle simplement "Le Boss". Meryl Streep déclarait au Financial Times: "Il ne peut pas séparer le cœur et la tête. C'est une force selon moi. Il peut être très dur mais c'est toujours au service de ce qu'il pense être le mieux pour les intérêts du film, commercialement ou artistiquement." L'actrice américaine le remerciait et le comparait à "Dieu" lors de son discours de victoire au Golden Globes 2012. Les Weinstein comptent beaucoup de rivaux. Certains se sont déjà exprimés: "Harvey ne fait pas dans le sentiment. Il achète le plus de poneys possibles, les nourris avec la meilleure avoine et puis il envoie ceux qui ne passeront pas la ligne d'arrivée à l'abattoir."
La "Sucess story" des frères Weinstein
En 1979, les frères Weinstein fondent Miramax (du nom des parents Mira et Max) dans leur studio de Manhattan et se spécialisent dans les films indépendants. La société fonctionne à merveille grâce à des auteurs fétiches: Steven Soderbergh ("Sexe, Mensonges et Vidéo"), Quentin Tarantino ("Pulp Fiction", "Jackie Brown"), Kevin Smith ("Clerks", "Jay & Silent Bob Strike Back") ou Anthony Minghella ("Le Patient Anglais", "Le Talentueux Mr Ripley").
Miramax est vendu à Disney en 1993. Les Weinstein restent au sein de leur société le temps d'alimenter le département films d'horreur qui prend son envol et s'émancipe avec la création de Dimension Films (comme "The Faculty"). Avant de se fâcher avec la maison mère (ils ont besoin de l'accord de Disney pour valider la production de films au dessus d'un certain budget) et de repartir.
En 2005, ils lancent The Weinstein Company avec l'aide du milliard de dollars levé par Goldman Sachs. Ils fondent avec Hearst, grand groupe de presse, un magazine Talk qui ne dure qu'un temps. En 2006, ils prennent possession d'A Small World, un réseau social destiné aux gens aisés et la marque Halston. Plus de succès. Le milieu les croit perdus quand ils doivent vendre leur catalogue et restructurer l'entreprise en 2010. Mais les deux frères se remettent sur pieds. Parce que Tarantino est resté avec eux, que Kate Winslet gagne l'Oscar de la meilleure actrice pour "The Reader" en 2008 . Mais aussi par la force des choses et une redistribution des rôles. Les Weinstein concentrent dorénavant leur activité, moins flamboyante, sur la distribution. Comme c'est le cas avec "The Artist" ou "Le Discours d'un Roi" qui valide leur come-back, l'année dernière.
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