Trois jours avant la tenue des Golden Globes, on déroule le tapis sous le regard des photographes avec Lili Bosse, Meher Tatna, Barry Adelman et Allen Shapiro
© 2018 Shutterstock.
Les Golden Globes, qui se tiennent ce dimanche 7 janvier, ouvrent la saison des prix à Hollywood. Mais comment célébrer le glamour du cinéma après une année bouleversée par les multiples révélations d’agressions sexuelles ?
Sur le tapis rouge, elles seront en noir. A l’appel du tout nouveau collectif Time’s Up, composé de femmes issues du show-business américain, Meryl Streep, Jessica Chastain, Emma Stone et de nombreuses autres actrices invitées à la cérémonie des Golden Globes, ce dimanche 7 janvier, abandonneront leurs flamboyantes tenues pour s’habiller entièrement de noir, une manière de montrer leur soutien aux victimes d’agressions sexuelles et d’exprimer leur ras-le-bol d’un système qui considère trop souvent les femmes comme des objets.
En octobre, le New York Times et le New Yorker ont révélé les agissements du tout-puissant producteur Harvey Weinstein, accusé d’agressions sexuelles et de viols par plus de trente femmes. Depuis, pas une semaine ne passe sans que de nouvelles révélations n’éclaboussent le milieu. Les acteurs Kevin Spacey et Jeffrey Tambor (Transparent), les réalisateurs Brett Ratner et James Toback, l’agent Adam Venit, le comédien Louis C.K…, tous sont accusés de harcèlement ou d’agressions sexuelles. En réalité, c’est tout Hollywood qui est mis en cause, tous ceux qui ont étouffé les affaires pendant des années, tous ceux qui savaient et ont détourné le regard. Comment, dans ces conditions, participer à ce grand moment d’autocélébration qu’est la saison des cérémonies de remise de prix ? Comment vendre du rêve alors que la réalité ressemble à un cauchemar ?
Pour certains, porter du noir ne suffit pas. « Vous savez ce qui aurait vraiment eu valeur de protestation ?, a twitté l’activiste April Reign, déjà connue pour sa campagne en faveur d’une plus grande diversité aux Oscars. Aucune femme sur le tapis rouge [des Golden Globes, ndlr] aussi loin que le regard porte. Ça, ça aurait été une vraie déclaration. » Le critique de cinéma Kyle Smith, de la très conservatrice National Review, a appelé purement et simplement à l’annulation des Oscars cette année, en guise d’« expiation ». Impensable pour l’institution, qui en quatre-vingt-dix années d’existence, n’a jamais supprimé une seule de ses éditions.
Aucune femme n’a présenté une des cinq cérémonies les plus importantes depuis 2015
Alors, que faire ? En novembre dernier, la soirée des Governors Awards, qui distinguent les plus belles carrières du septième art, a provoqué le malaise en passant sous silence les affaires qui secouent le cinéma américain. Impossible de répéter l’erreur. Les maîtres de cérémonie devront donc se coller à la lourde tâche d’en parler, de manière subtile et bien sentie, et avec une touche d’humour si possible — après tout, c’est la tradition pour ce genre d’exercices. Là encore, des voix se sont élevées : « Est-ce que l’on veut vraiment entendre un homme tenter de faire des blagues pendant plus de trois heures sur Harvey Weinstein et les abus qui tourmentent Hollywood ? » s’est faussement demandé le magazine W il y a quelques semaines, en appelant à des galas animés par des femmes, histoire de donner la parole aux premières concernées et d’éviter au maximum les blagues lourdingues. Un privilège rare : aucune femme n’a présenté une des cinq cérémonies les plus importantes du cinéma depuis 2015.
Prévus dans deux semaines, les Screen Actors Guild Awards répareront l’injustice. Vus comme des Oscars avant l’heure, les prix seront présentés par l’actrice Kristen Bell (Veronica Mars, The Good Place) et tous les remettants seront des femmes. Organisés par l’Association de la presse étrangère d’Hollywood, les Golden Globes, eux, ont conservé comme maître de cérémonie le comédien et présentateur Seth Meyers. Mais ils ont prévu une liste de remettants majoritairement féminine, parmi lesquels les actrices Halle Berry, Greta Gerwig et Gal Gadot. Présentés par Jimmy Kimmel, les Oscars (qui se tiendront début mars) réfléchissent aussi à la meilleure manière d’aborder le problème. La cérémonie est particulièrement marquée par l’époque Weinstein. Au fil des années, le producteur l’a transformée en une bataille acharnée à la statuette et en a fait un moment d’auto-gratification — le site Quartz a calculé que, dans les discours, Weinstein y était autant remercié que Dieu. Jimmy Kimmel a prévenu : « Ça ne sera pas un sujet de blagues. Il y aura peut-être des gens dans la salle qui auront vécu ces choses-là avec lui. Je ne veux pas leur faire revivre cela le soir où ils reçoivent un oscar. »
Mais la plus célèbre des cérémonies de prix est confrontée à un autre problème. Il est en effet d’usage que l’acteur oscarisé l’année précédente vienne remettre une statuette. Or, l’heureux élu de l’année dernière s’appelle Casey Affleck, soit un comédien ayant été lui-même empêtré dans deux affaires de harcèlement sexuel… Doit-il être banni de la cérémonie ? Et quelle politique adopter avec Dustin Hoffman ou Woody Allen, eux aussi accusés d’agressions sexuelles ? Des interrogations sans fin qui prouvent qu’au-delà de la simple question des cérémonies, Hollywood a un sacré chantier à lancer pour faire enfin de son industrie un endroit sûr pour toutes les femmes.
Trois jours avant la tenue des Golden Globes, on déroule le tapis sous le regard des photographes avec Lili Bosse, Meher Tatna, Barry Adelman et Allen Shapiro
© 2018 Shutterstock.
Les Golden Globes, qui se tiennent ce dimanche 7 janvier, ouvrent la saison des prix à Hollywood. Mais comment célébrer le glamour du cinéma après une année bouleversée par les multiples révélations d’agressions sexuelles ?
Sur le tapis rouge, elles seront en noir. A l’appel du tout nouveau collectif Time’s Up, composé de femmes issues du show-business américain, Meryl Streep, Jessica Chastain, Emma Stone et de nombreuses autres actrices invitées à la cérémonie des Golden Globes, ce dimanche 7 janvier, abandonneront leurs flamboyantes tenues pour s’habiller entièrement de noir, une manière de montrer leur soutien aux victimes d’agressions sexuelles et d’exprimer leur ras-le-bol d’un système qui considère trop souvent les femmes comme des objets.
En octobre, le New York Times et le New Yorker ont révélé les agissements du tout-puissant producteur Harvey Weinstein, accusé d’agressions sexuelles et de viols par plus de trente femmes. Depuis, pas une semaine ne passe sans que de nouvelles révélations n’éclaboussent le milieu. Les acteurs Kevin Spacey et Jeffrey Tambor (Transparent), les réalisateurs Brett Ratner et James Toback, l’agent Adam Venit, le comédien Louis C.K…, tous sont accusés de harcèlement ou d’agressions sexuelles. En réalité, c’est tout Hollywood qui est mis en cause, tous ceux qui ont étouffé les affaires pendant des années, tous ceux qui savaient et ont détourné le regard. Comment, dans ces conditions, participer à ce grand moment d’autocélébration qu’est la saison des cérémonies de remise de prix ? Comment vendre du rêve alors que la réalité ressemble à un cauchemar ?
Pour certains, porter du noir ne suffit pas. « Vous savez ce qui aurait vraiment eu valeur de protestation ?, a twitté l’activiste April Reign, déjà connue pour sa campagne en faveur d’une plus grande diversité aux Oscars. Aucune femme sur le tapis rouge [des Golden Globes, ndlr] aussi loin que le regard porte. Ça, ça aurait été une vraie déclaration. » Le critique de cinéma Kyle Smith, de la très conservatrice National Review, a appelé purement et simplement à l’annulation des Oscars cette année, en guise d’« expiation ». Impensable pour l’institution, qui en quatre-vingt-dix années d’existence, n’a jamais supprimé une seule de ses éditions.
Aucune femme n’a présenté une des cinq cérémonies les plus importantes depuis 2015
Alors, que faire ? En novembre dernier, la soirée des Governors Awards, qui distinguent les plus belles carrières du septième art, a provoqué le malaise en passant sous silence les affaires qui secouent le cinéma américain. Impossible de répéter l’erreur. Les maîtres de cérémonie devront donc se coller à la lourde tâche d’en parler, de manière subtile et bien sentie, et avec une touche d’humour si possible — après tout, c’est la tradition pour ce genre d’exercices. Là encore, des voix se sont élevées : « Est-ce que l’on veut vraiment entendre un homme tenter de faire des blagues pendant plus de trois heures sur Harvey Weinstein et les abus qui tourmentent Hollywood ? » s’est faussement demandé le magazine W il y a quelques semaines, en appelant à des galas animés par des femmes, histoire de donner la parole aux premières concernées et d’éviter au maximum les blagues lourdingues. Un privilège rare : aucune femme n’a présenté une des cinq cérémonies les plus importantes du cinéma depuis 2015.
Prévus dans deux semaines, les Screen Actors Guild Awards répareront l’injustice. Vus comme des Oscars avant l’heure, les prix seront présentés par l’actrice Kristen Bell (Veronica Mars, The Good Place) et tous les remettants seront des femmes. Organisés par l’Association de la presse étrangère d’Hollywood, les Golden Globes, eux, ont conservé comme maître de cérémonie le comédien et présentateur Seth Meyers. Mais ils ont prévu une liste de remettants majoritairement féminine, parmi lesquels les actrices Halle Berry, Greta Gerwig et Gal Gadot. Présentés par Jimmy Kimmel, les Oscars (qui se tiendront début mars) réfléchissent aussi à la meilleure manière d’aborder le problème. La cérémonie est particulièrement marquée par l’époque Weinstein. Au fil des années, le producteur l’a transformée en une bataille acharnée à la statuette et en a fait un moment d’auto-gratification — le site Quartz a calculé que, dans les discours, Weinstein y était autant remercié que Dieu. Jimmy Kimmel a prévenu : « Ça ne sera pas un sujet de blagues. Il y aura peut-être des gens dans la salle qui auront vécu ces choses-là avec lui. Je ne veux pas leur faire revivre cela le soir où ils reçoivent un oscar. »
Mais la plus célèbre des cérémonies de prix est confrontée à un autre problème. Il est en effet d’usage que l’acteur oscarisé l’année précédente vienne remettre une statuette. Or, l’heureux élu de l’année dernière s’appelle Casey Affleck, soit un comédien ayant été lui-même empêtré dans deux affaires de harcèlement sexuel… Doit-il être banni de la cérémonie ? Et quelle politique adopter avec Dustin Hoffman ou Woody Allen, eux aussi accusés d’agressions sexuelles ? Des interrogations sans fin qui prouvent qu’au-delà de la simple question des cérémonies, Hollywood a un sacré chantier à lancer pour faire enfin de son industrie un endroit sûr pour toutes les femmes.
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