Search

"Downsizing": mini-Matt Damon, grande comédie

INSOLITE - Magnifiquement déboussolé. C’est ainsi que l’on nous dévoile Matt Damon, héros ordinaire de "Downsizing" (en salles le 10 janvier), film inclassable réalisé par Alexander Payne au fort goût de satire et de fin du monde. La star y joue un Américain moyen qui, grâce à une invention scientifique inédite et ce pour lutter contre la surpopulation, voit sa taille d’adulte lambda réduite à 12 cm. L’un des films les plus originaux que vous verrez en ce début 2018.

Un homme ordinaire d'Omaha, dans le Nebraska, Paul Safranek (Matt Damon) et sa femme Audrey (Kristen Wiig) se morfondent dans leur vie quotidienne et aspirent à une existence meilleure. Pour réaliser son rêve, Paul se laisse séduire par la découverte d'un scientifique norvégien, qui est parvenu à réduire les hommes à moins de 13 centimètres de hauteur. Certains de leurs amis ont déjà tenté l'aventure et les nouvelles cités dédiées spécialement aux petits hommes sont présentées avec force marketing comme des paradis terrestres du luxe et du farniente. Le couple va tenter l'extraordinaire transformation dans une clinique à produire de lilliputiens et vendre ses maigres biens pour devenir millionnaires. Seul hic, Audrey va changer d'avis à la dernière minute. 

Devenu lilliputien, Matt désillusionne : le rêve américain sur papier glacé n’est pas franchement au rendez-vous. Il devient l'ami d'un cynique mais joyeux voisin serbe (Christoph Waltz, tout sourire et détendu, à mille lieues de ses sempiternels rôles de méchants), un fêtard opportuniste ami de Udo Kier qui commercialise des produits de luxe miniaturisés comme des cigares à un dollar.  Puis, il croise une dissidente vietnamienne, réduite d'office en lilliputienne et envoyée clandestinement aux États-Unis dans un téléviseur. Puis, on lui annonce la fin des temps… Tout s’enchaîne de manière absurde, on se croirait chez Kafka. Est-ce un rêve ? Est-ce un cauchemar ?  

Ce qui frappe dans un premier temps dans Downsizing, c’est la volonté de son réalisateur Alexander Payne d’utiliser le prétexte de la science-fiction pour lorgner vers la satire acerbe et déjouer les attentes. On attend la révolution, comme le héros Matt Damon aux aguets de l'extraordinaire suite à sa miniaturisation ; il n'en est rien. Le monde miniaturisé dépeint ici n'est pas meilleur que l'Amérique grandeur nature dans laquelle le protagoniste errait sans passion. 

Devant ce Downsizing, qui a comme première qualité d’être à la fois bizarroïde et accessible, il n’est pas interdit de penser à un long épisode de la fameuse série Black Mirror comme de s’évoquer la fantaisie d’un Michel Gondry (Eternal Sunshine of the Spotless Mind). On pense aussi et surtout à l’Amérique qui va mal… 

Pas la peine d’être un Bogdanoff pour arguer que cette expérience physique et méta du rapetissement relève bien de l’insolite, d’un prétexte pour parler de l’état morose de l’Américain moyen au bout de son rouleau existentiel, prêt à tous les sacrifices, y compris la négation de soi et la perte des repères familiers, pour s’extraire du réel. La fin du monde a eu lieu, non pas dans un bang fracassant mais dans un soupir et personne ne l’a remarqué. 

C’est d’ailleurs là que réside toute la beauté de Downsizing : raconter comment le héros, cet Américain moyen assoupi, abruti par la routine de son quotidien et, on l’imagine, par les convulsions actuelles de son pays, voit brusquement sa vie bouleversée. Comment il va, au moment où il s’y attendait le moins, tomber amoureux. Et comment il va devenir, enfin, quelqu’un. Même lorsque tout est foutu. Morale de cette fable aux allures de farce, zébrée d’éclairs mémorables: rapetisser ouvre les yeux, permet de voir plus clair et plus grand. En ces temps de débats binaires, voilà une jolie fantaisie anxieuse qui n’a pas toutes les réponses à ses questions, qui propose de ne pas passer à côté des choses compliquées et qui fait un bien fou.

Let's block ads! (Why?)

Read Again

INSOLITE - Magnifiquement déboussolé. C’est ainsi que l’on nous dévoile Matt Damon, héros ordinaire de "Downsizing" (en salles le 10 janvier), film inclassable réalisé par Alexander Payne au fort goût de satire et de fin du monde. La star y joue un Américain moyen qui, grâce à une invention scientifique inédite et ce pour lutter contre la surpopulation, voit sa taille d’adulte lambda réduite à 12 cm. L’un des films les plus originaux que vous verrez en ce début 2018.

Un homme ordinaire d'Omaha, dans le Nebraska, Paul Safranek (Matt Damon) et sa femme Audrey (Kristen Wiig) se morfondent dans leur vie quotidienne et aspirent à une existence meilleure. Pour réaliser son rêve, Paul se laisse séduire par la découverte d'un scientifique norvégien, qui est parvenu à réduire les hommes à moins de 13 centimètres de hauteur. Certains de leurs amis ont déjà tenté l'aventure et les nouvelles cités dédiées spécialement aux petits hommes sont présentées avec force marketing comme des paradis terrestres du luxe et du farniente. Le couple va tenter l'extraordinaire transformation dans une clinique à produire de lilliputiens et vendre ses maigres biens pour devenir millionnaires. Seul hic, Audrey va changer d'avis à la dernière minute. 

Devenu lilliputien, Matt désillusionne : le rêve américain sur papier glacé n’est pas franchement au rendez-vous. Il devient l'ami d'un cynique mais joyeux voisin serbe (Christoph Waltz, tout sourire et détendu, à mille lieues de ses sempiternels rôles de méchants), un fêtard opportuniste ami de Udo Kier qui commercialise des produits de luxe miniaturisés comme des cigares à un dollar.  Puis, il croise une dissidente vietnamienne, réduite d'office en lilliputienne et envoyée clandestinement aux États-Unis dans un téléviseur. Puis, on lui annonce la fin des temps… Tout s’enchaîne de manière absurde, on se croirait chez Kafka. Est-ce un rêve ? Est-ce un cauchemar ?  

Ce qui frappe dans un premier temps dans Downsizing, c’est la volonté de son réalisateur Alexander Payne d’utiliser le prétexte de la science-fiction pour lorgner vers la satire acerbe et déjouer les attentes. On attend la révolution, comme le héros Matt Damon aux aguets de l'extraordinaire suite à sa miniaturisation ; il n'en est rien. Le monde miniaturisé dépeint ici n'est pas meilleur que l'Amérique grandeur nature dans laquelle le protagoniste errait sans passion. 

Devant ce Downsizing, qui a comme première qualité d’être à la fois bizarroïde et accessible, il n’est pas interdit de penser à un long épisode de la fameuse série Black Mirror comme de s’évoquer la fantaisie d’un Michel Gondry (Eternal Sunshine of the Spotless Mind). On pense aussi et surtout à l’Amérique qui va mal… 

Pas la peine d’être un Bogdanoff pour arguer que cette expérience physique et méta du rapetissement relève bien de l’insolite, d’un prétexte pour parler de l’état morose de l’Américain moyen au bout de son rouleau existentiel, prêt à tous les sacrifices, y compris la négation de soi et la perte des repères familiers, pour s’extraire du réel. La fin du monde a eu lieu, non pas dans un bang fracassant mais dans un soupir et personne ne l’a remarqué. 

C’est d’ailleurs là que réside toute la beauté de Downsizing : raconter comment le héros, cet Américain moyen assoupi, abruti par la routine de son quotidien et, on l’imagine, par les convulsions actuelles de son pays, voit brusquement sa vie bouleversée. Comment il va, au moment où il s’y attendait le moins, tomber amoureux. Et comment il va devenir, enfin, quelqu’un. Même lorsque tout est foutu. Morale de cette fable aux allures de farce, zébrée d’éclairs mémorables: rapetisser ouvre les yeux, permet de voir plus clair et plus grand. En ces temps de débats binaires, voilà une jolie fantaisie anxieuse qui n’a pas toutes les réponses à ses questions, qui propose de ne pas passer à côté des choses compliquées et qui fait un bien fou.

Let's block ads! (Why?)



Bagikan Berita Ini

0 Response to ""Downsizing": mini-Matt Damon, grande comédie"

Post a Comment

Powered by Blogger.