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Mathieu Gallet, une première chute dans un parcours fulgurant

Mathieu Gallet

Mathieu Gallet

© Jérôme Bonnet pour Télérama

Directeur de cabinet à 31 ans, pdg de l’INA à 33, puis de Radio France avant ses 40 printemps, Mathieu Gallet a connu une ascension fulgurante. Elle vient de connaître une pause forcée avec la décision du CSA de le démettre de ses fonctions le 1er mars. 

Pour la deuxième fois de sa vie, Mathieu Gallet n’achèvera pas le mandat public qui lui a été donné. La première, c’était en 2014 : un an avant la fin de sa mission à la tête de l’INA, en 2010, il avait quitté son poste, pour s’emparer de la présidence de Radio France. L’histoire se répète aujourd’hui dans des circonstances moins glorieuses : au nom de « l’intérêt général » et du « bon fonctionnement du service public audiovisuel », le CSA lui retire les fonctions qu’il lui avait confiées à l’unanimité de ses membres, il y a exactement quatre ans. Sa condamnation pour favoritisme, alors qu’il dirigeait l’Institut national de l’audiovisuel justement, aura mis un coup d’arrêt à une carrière menée jusqu’ici tambour battant. Même s’il fait appel du jugement (un an de prison avec sursis et 20 000 euros d’amende) et quand bien même il déposerait un recours au Conseil d’Etat, Mathieu Gallet devra quitter son poste un an plus tôt que prévu, le 1er mars.

Après des débuts dans le privé, chez Pathé et à Canal+ notamment, le jeune homme pressé avait fait le choix des cabinets ministériels. A l’Industrie d’abord, puis à la Culture, où le remplacement de Christine Albanel par Frédéric Mitterrand lui avait porté chance. Propulsé à 31 ans directeur adjoint du cabinet de l’homme de lettres, il était devenu, grâce à ce dernier, pdg de l’Institut national de l’audiovisuel deux ans plus tard. Non sans faire bondir les esprits soucieux de légalité : administrer une entreprise que l’on a auparavant supervisée (au ministère, donc) ne constitue-t-il pas, en droit, une « prise illégale d’intérêts » ?

S’entourer des bonnes personnes

Classée sans suite, l’affaire avait mis en lumière la formidable capacité du jeune homme à susciter soutiens et amitiés. Mais la capacité à s’entourer des bonnes personnes fait partie des qualités que l’on attend d’un bon dirigeant. Et à Radio France, Mathieu Gallet avait eu le flair d’inviter Frédéric Schlesinger à ses côtés, celui-ci lui apportant la connaissance de la maison et l’expérience professionnelle qu’il n’avait pas. Le dirigeant n’a pas eu à le regretter. Redéfinies, les antennes n’ont cessé de gagner des auditeurs jusqu’à atteindre des niveaux historiques, tandis que l’écoute des podcasts a progressé sans relâche.

En 2015, la plus longue grève jamais observée à Radio France aurait pu le faire valser comme un fétu de paille ; elle n’a fait que ralentir ses projets, menés depuis dans un calme apparent. Au plus fort de la tourmente, la semaine dernière, les syndicats (hier vent debout contre lui) avaient manifesté leur angoisse de le voir partir. A leurs yeux, mieux valait affronter les prochaines tempêtes avec celui « qui avait fini par se plaire » à Radio France (selon l’un de leurs représentants) plutôt avec qu’un inconnu à qui il allait falloir tout apprendre.

Sur la refonte de l’audiovisuel public, le pdg partageait nombre d’options du gouvernement

Car ces derniers mois, des craintes avaient refait leur apparition, dans la Maison ronde. Alors que la volonté de réforme de l’exécutif s’annonce radicale, Mathieu Gallet semblait parfaitement s’en accommoder : hormis son hostilité au projet de fusion avec France Télévisions, le pdg partageait nombre d’options avec le gouvernement d’Emmanuel Macron… Menés par ce quadragénaire décidé à s’inscrire dans le mouvement de refonte de l’audiovisuel public, les salariés de Radio France s’attendaient à une année socialement difficile.

Sans lui, l’entreprise ne sait plus où donner de l’inquiétude. Dans quel état d’esprit arrive Jean-Luc Vergne, doyen du conseil d’administration de Radio France, désigné président par intérim ? Combien de temps restera-t-il en place ? Par qui sera-t-il remplacé, et quand ? Le CSA sera-t-il empêché de désigner le prochain pdg de Radio France ? Radio France sera-t-elle encore longtemps Radio France, ou seulement l’une des sociétés d’une holding de l’audiovisuel public ? Mathieu Gallet pulvérisé en plein vol, c’est toute la radio publique qui craint de finir en miettes.

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© Jérôme Bonnet pour Télérama

Directeur de cabinet à 31 ans, pdg de l’INA à 33, puis de Radio France avant ses 40 printemps, Mathieu Gallet a connu une ascension fulgurante. Elle vient de connaître une pause forcée avec la décision du CSA de le démettre de ses fonctions le 1er mars. 

Pour la deuxième fois de sa vie, Mathieu Gallet n’achèvera pas le mandat public qui lui a été donné. La première, c’était en 2014 : un an avant la fin de sa mission à la tête de l’INA, en 2010, il avait quitté son poste, pour s’emparer de la présidence de Radio France. L’histoire se répète aujourd’hui dans des circonstances moins glorieuses : au nom de « l’intérêt général » et du « bon fonctionnement du service public audiovisuel », le CSA lui retire les fonctions qu’il lui avait confiées à l’unanimité de ses membres, il y a exactement quatre ans. Sa condamnation pour favoritisme, alors qu’il dirigeait l’Institut national de l’audiovisuel justement, aura mis un coup d’arrêt à une carrière menée jusqu’ici tambour battant. Même s’il fait appel du jugement (un an de prison avec sursis et 20 000 euros d’amende) et quand bien même il déposerait un recours au Conseil d’Etat, Mathieu Gallet devra quitter son poste un an plus tôt que prévu, le 1er mars.

Après des débuts dans le privé, chez Pathé et à Canal+ notamment, le jeune homme pressé avait fait le choix des cabinets ministériels. A l’Industrie d’abord, puis à la Culture, où le remplacement de Christine Albanel par Frédéric Mitterrand lui avait porté chance. Propulsé à 31 ans directeur adjoint du cabinet de l’homme de lettres, il était devenu, grâce à ce dernier, pdg de l’Institut national de l’audiovisuel deux ans plus tard. Non sans faire bondir les esprits soucieux de légalité : administrer une entreprise que l’on a auparavant supervisée (au ministère, donc) ne constitue-t-il pas, en droit, une « prise illégale d’intérêts » ?

S’entourer des bonnes personnes

Classée sans suite, l’affaire avait mis en lumière la formidable capacité du jeune homme à susciter soutiens et amitiés. Mais la capacité à s’entourer des bonnes personnes fait partie des qualités que l’on attend d’un bon dirigeant. Et à Radio France, Mathieu Gallet avait eu le flair d’inviter Frédéric Schlesinger à ses côtés, celui-ci lui apportant la connaissance de la maison et l’expérience professionnelle qu’il n’avait pas. Le dirigeant n’a pas eu à le regretter. Redéfinies, les antennes n’ont cessé de gagner des auditeurs jusqu’à atteindre des niveaux historiques, tandis que l’écoute des podcasts a progressé sans relâche.

En 2015, la plus longue grève jamais observée à Radio France aurait pu le faire valser comme un fétu de paille ; elle n’a fait que ralentir ses projets, menés depuis dans un calme apparent. Au plus fort de la tourmente, la semaine dernière, les syndicats (hier vent debout contre lui) avaient manifesté leur angoisse de le voir partir. A leurs yeux, mieux valait affronter les prochaines tempêtes avec celui « qui avait fini par se plaire » à Radio France (selon l’un de leurs représentants) plutôt avec qu’un inconnu à qui il allait falloir tout apprendre.

Sur la refonte de l’audiovisuel public, le pdg partageait nombre d’options du gouvernement

Car ces derniers mois, des craintes avaient refait leur apparition, dans la Maison ronde. Alors que la volonté de réforme de l’exécutif s’annonce radicale, Mathieu Gallet semblait parfaitement s’en accommoder : hormis son hostilité au projet de fusion avec France Télévisions, le pdg partageait nombre d’options avec le gouvernement d’Emmanuel Macron… Menés par ce quadragénaire décidé à s’inscrire dans le mouvement de refonte de l’audiovisuel public, les salariés de Radio France s’attendaient à une année socialement difficile.

Sans lui, l’entreprise ne sait plus où donner de l’inquiétude. Dans quel état d’esprit arrive Jean-Luc Vergne, doyen du conseil d’administration de Radio France, désigné président par intérim ? Combien de temps restera-t-il en place ? Par qui sera-t-il remplacé, et quand ? Le CSA sera-t-il empêché de désigner le prochain pdg de Radio France ? Radio France sera-t-elle encore longtemps Radio France, ou seulement l’une des sociétés d’une holding de l’audiovisuel public ? Mathieu Gallet pulvérisé en plein vol, c’est toute la radio publique qui craint de finir en miettes.

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