- La série Versailles est une série historique franco-canadienne dont la saison 3 sera diffusée sur Canal + dès le 23 avril.
- Sur le tournage de la saison 1, en octobre 2014, le comédien Raphaël Roger Lévy a été blessé par la chute d’une lourde branche : il a notamment perdu son pouce gauche.
- Si la plainte de l’acteur déposée en 2015 a débouché sur un non-lieu, il explique à 20 Minutes pourquoi il a interjeté appel.
Le pouce gauche sectionné, la cuisse droite perforée, trois dents et le nez cassé, un traumatisme crânien. Le 21 octobre 2014, la vie de Raphaël Roger Lévy, 46 ans à l’époque, bascule. Ce jour-là, le vent souffle très fort du côté de la forêt de Rambouillet (Yvelines) où est tourné le troisième épisode de la première saison de la série Versailles. Le comédien, qui incarne le brigand Musket Mike, n’a pas le temps, ni les moyens d’échapper à la lourde branche d’arbre qui s’abat sur lui. Dans les mois qui suivent, il s’attend à être soutenu mais se retrouve livré à lui-même. La plainte pour violences involontaires, mises en danger de la vie d’autrui et violation des conditions de sécurité qu’il dépose fin 2015 débouche, en janvier dernier sur un non-lieu. Raphaël Roger Lévy refuse de se résigner. Il a interjeté appel devant la chambre de l’instruction car il entend bien faire en sorte que Capa Drama reconnaisse ses responsabilités, comme il l’explique à 20 Minutes.
Que représentait pour vous le fait de figurer au casting de Versailles ?
J’ai commencé ma carrière relativement tard, auparavant, je travaillais dans la finance. J’ai pris des milliers d’heures de cours avec d’excellents professeurs de théâtre, dont certains Américains. J’ai d’abord tourné dans des courts-métrages, des petits rôles par-ci par-là. Versailles, c’était un gros casting. Avoir un rôle, en anglais – que je parle couramment - dans une série appelée à être diffusée mondialement, c’était un bon début de carrière. Dans le même temps, j’ai aussi décroché un rôle récurent dans une série suisse. Bref, c’était prometteur.
Quel souvenir gardez-vous de l’accident de ce 21 octobre 2014 ?
On a tourné une scène le matin, le vent soufflait déjà pas mal. On a repris après la pause déjeuner, pour une séquence d’attaque de carrosse. Je suis sous un arbre, je porte un masque en cuir qui me prive de vision périphérique, mon costume pèse une tonne, j’ai une épée, un fusil, deux pistolets à poudre… Le clap est donné. Et puis j’entends « Fais gaffe ! » Je prends un truc en pleine gueule et je perds connaissance. Lorsque je me réveille, je dis « I lost my thumb » [«J’ai perdu mon pouce »]. Le doigt a été sectionné. Je suis en vrac, les pompiers m’amènent à l’hôpital. Il n’y avait pas de services de premiers secours sur le tournage, ce qui est pourtant une obligation.
Vous étiez en état de choc ?
Versailles, c’est une grosse production [le budget de la saison 1 était estimé à quelque 27 millions d'euros], avec des moyens techniques énormes, je faisais confiance aux gens qui étaient là. Je faisais un travail de comédien, je ne m’attendais pas à de telles blessures. Je ne suis pas menuisier, ni tourneur fraiseur… Perdre un doigt, perdre un pouce, ce n’est pas le genre de choses auxquelles j’étais préparé. Les moments qui ont suivi, entre l’état de sidération, la réalisation de ce qu’il se passe et puis les pompiers, la morphine et tout ça, c’est un gros choc.
Que s’est-il passé dans les semaines qui ont suivi ?
Il y a deux ou trois acteurs qui sont venus me voir à l’hôpital. Mais personne de la production, en dehors des Anglo-Saxons, ne s’est déplacé : je n’ai eu aucune nouvelle des producteurs français. Et puis, les semaines suivantes, le temps de réaliser ce qu’il se passe et quand les gens viennent te raconter qu’on essaie de cacher des choses, c’est horrible. Je pense avoir plus souffert de la manière dont on m’a traité après que de la douleur physique sur le moment. Concernant le choc psychologique, je suis encore suivi aujourd’hui.
Et vous avez repris le tournage quelques mois plus tard ?
C’était un rôle récurrent, qui devait apparaître dans les épisodes 3 à 10. Du fait de mon accident, je n’ai pas pu tourner les scènes des épisodes 6 et 7. J’ai raccourci mon congé maladie pour retourner sur le plateau deux mois plus tard. A la fin du tournage, les Anglo-Saxons dont je parlais tout à l’heure ont envoyé un e-mail à toute la planète Versailles, dans lequel ils notaient plusieurs acteurs nommément, dont moi, en me remerciant d’avoir continué le tournage malgré tout. J’ai fait ce que j’avais à faire. J’ai été professionnel, j’ai eu le courage de remettre le costume alors que personne ne me regardait dans les yeux. J’espérais que les mecs allaient agir correctement, normalement. Malheureusement, ça ne s’est pas passé comme ça.
Pourquoi avez-vous porté plainte ?
A la fin du tournage, en janvier ou février 2015, je suis auditionné par l’inspection du travail qui a fait un signalement au bout d’un an, disant qu’elle suspectait la production de masquer la réalité. J’ai essayé de récupérer des témoignages. Des membres de l’équipe me disaient « Savais-tu ceci ou cela ? » mais lorsque je leur demandais de le coucher par écrit, ils refusaient. La production a refusé la médiation devant la Sécurité sociale, j’ai décidé de porter plainte.
Lorsque le non-lieu a été prononcé en janvier, qu’avez-vous ressenti ?
J’ai eu surtout le sentiment qu’il s’agissait d’un déni de justice total, l’impression que les gens pouvaient agir en toute impunité. Ce n’est pas acceptable.
Vous avez repris votre carrière de comédien ?
Depuis l’accident sur Versailles, j’ai eu une journée de tournage en France, sur le film de Mélanie Laurent [Plonger]. J’enchaîne les castings, mais on ne me rappelle pas. Je constate, je ne tire pas de conclusion.
Qu’attendez-vous de la justice ?
La justice doit concourir à la manifestation de la vérité. Quel que soit le dédommagement financier dont je pourrais éventuellement bénéficier, je ne sais même pas si ça couvrira mes frais d’avocat. Je suis passé à quelques millimètres de la mort, quel aurait été le dédommagement pour ça ? Il est impossible de réparer ce qu’il s’est passé. La seule justice que je peux obtenir, c’est la vérité. Si on essaye de la cacher, c’est ajouter de l’insulte à ma blessure. Des accidents comme cela ne devraient pas arriver et quand ça arrive, il faut agir en conséquence, que les personnes concernées prennent leurs responsabilités.
Read Again- La série Versailles est une série historique franco-canadienne dont la saison 3 sera diffusée sur Canal + dès le 23 avril.
- Sur le tournage de la saison 1, en octobre 2014, le comédien Raphaël Roger Lévy a été blessé par la chute d’une lourde branche : il a notamment perdu son pouce gauche.
- Si la plainte de l’acteur déposée en 2015 a débouché sur un non-lieu, il explique à 20 Minutes pourquoi il a interjeté appel.
Le pouce gauche sectionné, la cuisse droite perforée, trois dents et le nez cassé, un traumatisme crânien. Le 21 octobre 2014, la vie de Raphaël Roger Lévy, 46 ans à l’époque, bascule. Ce jour-là, le vent souffle très fort du côté de la forêt de Rambouillet (Yvelines) où est tourné le troisième épisode de la première saison de la série Versailles. Le comédien, qui incarne le brigand Musket Mike, n’a pas le temps, ni les moyens d’échapper à la lourde branche d’arbre qui s’abat sur lui. Dans les mois qui suivent, il s’attend à être soutenu mais se retrouve livré à lui-même. La plainte pour violences involontaires, mises en danger de la vie d’autrui et violation des conditions de sécurité qu’il dépose fin 2015 débouche, en janvier dernier sur un non-lieu. Raphaël Roger Lévy refuse de se résigner. Il a interjeté appel devant la chambre de l’instruction car il entend bien faire en sorte que Capa Drama reconnaisse ses responsabilités, comme il l’explique à 20 Minutes.
Que représentait pour vous le fait de figurer au casting de Versailles ?
J’ai commencé ma carrière relativement tard, auparavant, je travaillais dans la finance. J’ai pris des milliers d’heures de cours avec d’excellents professeurs de théâtre, dont certains Américains. J’ai d’abord tourné dans des courts-métrages, des petits rôles par-ci par-là. Versailles, c’était un gros casting. Avoir un rôle, en anglais – que je parle couramment - dans une série appelée à être diffusée mondialement, c’était un bon début de carrière. Dans le même temps, j’ai aussi décroché un rôle récurent dans une série suisse. Bref, c’était prometteur.
Quel souvenir gardez-vous de l’accident de ce 21 octobre 2014 ?
On a tourné une scène le matin, le vent soufflait déjà pas mal. On a repris après la pause déjeuner, pour une séquence d’attaque de carrosse. Je suis sous un arbre, je porte un masque en cuir qui me prive de vision périphérique, mon costume pèse une tonne, j’ai une épée, un fusil, deux pistolets à poudre… Le clap est donné. Et puis j’entends « Fais gaffe ! » Je prends un truc en pleine gueule et je perds connaissance. Lorsque je me réveille, je dis « I lost my thumb » [«J’ai perdu mon pouce »]. Le doigt a été sectionné. Je suis en vrac, les pompiers m’amènent à l’hôpital. Il n’y avait pas de services de premiers secours sur le tournage, ce qui est pourtant une obligation.
Vous étiez en état de choc ?
Versailles, c’est une grosse production [le budget de la saison 1 était estimé à quelque 27 millions d'euros], avec des moyens techniques énormes, je faisais confiance aux gens qui étaient là. Je faisais un travail de comédien, je ne m’attendais pas à de telles blessures. Je ne suis pas menuisier, ni tourneur fraiseur… Perdre un doigt, perdre un pouce, ce n’est pas le genre de choses auxquelles j’étais préparé. Les moments qui ont suivi, entre l’état de sidération, la réalisation de ce qu’il se passe et puis les pompiers, la morphine et tout ça, c’est un gros choc.
Que s’est-il passé dans les semaines qui ont suivi ?
Il y a deux ou trois acteurs qui sont venus me voir à l’hôpital. Mais personne de la production, en dehors des Anglo-Saxons, ne s’est déplacé : je n’ai eu aucune nouvelle des producteurs français. Et puis, les semaines suivantes, le temps de réaliser ce qu’il se passe et quand les gens viennent te raconter qu’on essaie de cacher des choses, c’est horrible. Je pense avoir plus souffert de la manière dont on m’a traité après que de la douleur physique sur le moment. Concernant le choc psychologique, je suis encore suivi aujourd’hui.
Et vous avez repris le tournage quelques mois plus tard ?
C’était un rôle récurrent, qui devait apparaître dans les épisodes 3 à 10. Du fait de mon accident, je n’ai pas pu tourner les scènes des épisodes 6 et 7. J’ai raccourci mon congé maladie pour retourner sur le plateau deux mois plus tard. A la fin du tournage, les Anglo-Saxons dont je parlais tout à l’heure ont envoyé un e-mail à toute la planète Versailles, dans lequel ils notaient plusieurs acteurs nommément, dont moi, en me remerciant d’avoir continué le tournage malgré tout. J’ai fait ce que j’avais à faire. J’ai été professionnel, j’ai eu le courage de remettre le costume alors que personne ne me regardait dans les yeux. J’espérais que les mecs allaient agir correctement, normalement. Malheureusement, ça ne s’est pas passé comme ça.
Pourquoi avez-vous porté plainte ?
A la fin du tournage, en janvier ou février 2015, je suis auditionné par l’inspection du travail qui a fait un signalement au bout d’un an, disant qu’elle suspectait la production de masquer la réalité. J’ai essayé de récupérer des témoignages. Des membres de l’équipe me disaient « Savais-tu ceci ou cela ? » mais lorsque je leur demandais de le coucher par écrit, ils refusaient. La production a refusé la médiation devant la Sécurité sociale, j’ai décidé de porter plainte.
Lorsque le non-lieu a été prononcé en janvier, qu’avez-vous ressenti ?
J’ai eu surtout le sentiment qu’il s’agissait d’un déni de justice total, l’impression que les gens pouvaient agir en toute impunité. Ce n’est pas acceptable.
Vous avez repris votre carrière de comédien ?
Depuis l’accident sur Versailles, j’ai eu une journée de tournage en France, sur le film de Mélanie Laurent [Plonger]. J’enchaîne les castings, mais on ne me rappelle pas. Je constate, je ne tire pas de conclusion.
Qu’attendez-vous de la justice ?
La justice doit concourir à la manifestation de la vérité. Quel que soit le dédommagement financier dont je pourrais éventuellement bénéficier, je ne sais même pas si ça couvrira mes frais d’avocat. Je suis passé à quelques millimètres de la mort, quel aurait été le dédommagement pour ça ? Il est impossible de réparer ce qu’il s’est passé. La seule justice que je peux obtenir, c’est la vérité. Si on essaye de la cacher, c’est ajouter de l’insulte à ma blessure. Des accidents comme cela ne devraient pas arriver et quand ça arrive, il faut agir en conséquence, que les personnes concernées prennent leurs responsabilités.
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