Solveig Halloin, 43 ans, accuse l'acteur et metteur en scène de l'avoir violée. L’intéressé, qui a répondu à «Libération», dément et affirme «tomber des nues».
Face à la caméra du Huffington Post, une jeune femme brune de 43 ans ravive d’une voix douce quelques souvenirs de l’époque où elle était «dramaturge, metteur en scène, interprète». Elle parle de Philippe Caubère, imposante figure du spectacle français, icône du Théâtre du Soleil, qu’elle décrit comme «un acteur de référence», son «père artistique». Avant de relater une scène qui remonte à février 2010 : c’était à Béziers, à la fin de la pièce l’Asticot de Shakespeare, elle a osé l’aborder pour lui dire son admiration et ils ont un peu discuté au bar. Puis «il m’a dit, “donnez-moi votre numéro”», poursuit Solveig Halloin. Et à partir de là, le cauchemar a commencé.» Huit ans plus tard, le «cauchemar» est devenu une plainte pour viol déposée le 27 mars auprès du parquet de Béziers. Une enquête préliminaire a été ouverte lundi par le parquet de Paris. «On est dans une période de libération de la parole, c’en est une nouvelle illustration», insiste son avocat, Me Jonas Haddad.
D’après la vidéo, qui semble corroborer le contenu de la plainte révélée par le Parisien mercredi, une rencontre a d’abord eu lieu chez le comédien à Saint-Mandé (Val-de-Marne). «J’étais très impressionnée, j’étais face à quelqu’un qui représentait beaucoup pour moi, détaille-t-elle. Paf, il m’embrasse, il me dit allonge-toi, déshabille-toi.» Elle décrit des caresses violentes après lesquelles elle repart sans réagir, «complètement dissociée», «avec des blancs». Sa voix se voile lorsqu’elle aborde des textos au langage cru : «J’ai commencé à devenir aliénée. […] J’étais sous emprise, un truc super-puissant.»
Energie
En mars 2010, Solveig Halloin décide de rejoindre le comédien à Béziers dans une chambre d’hôtel. C’est là que ce serait déroulé le viol. «Il me frappait, il m’étranglait, il me pénétrait violemment», décrit-elle à la caméra du Huffington Post. A l’heure du mouvement #MeToo, «j’aimerais beaucoup que toutes les victimes parlent et témoignent», exhorte celle qui se dit «en état d’agonie perpétuelle».
Ces dernières années, cette Toulousaine, mère de deux enfants, aurait tourné son énergie vers le militantisme : féministe, antispéciste… Elle a donné de la voix à Nuit debout à Toulouse l’été 2016. Le Parisien lui prête un engagement chez les Femen, ce que l’organisation, contactée par Libération, réfute : «Solveig Halloin a de manière autonome repris les codes de nos actions à plusieurs reprises, mais n’a jamais été adhérente de Femen et n’y a pris part que quelques jours lors d’un camp d’été en 2013. Ces approximations n’enlèvent cependant rien au fait que Femen soutient toutes les femmes qui se disent victimes de violences et osent briser le silence.» Elle était passée par conservatoire et écoles parisiennes d’arts du spectacle, avait connu quelque succès avec l’une de ses créations, l’Amour, même pas peur – une centaine de représentations de 2002 à 2009 – mais semble désormais avoir pris ses distances avec le théâtre.
A ce stade, Philippe Caubère, 67 ans, n’a pas encore été entendu par les enquêteurs. Contacté par Libération, il dément les propos de la comédienne. «J’ai appris ça par voie de presse ce matin. Je tombe des nues», explique-t-il avant d’évoquer une relation «sexuelle, amoureuse, plus que consentie : désirée». Certes, il a bien rencontré Solveig Halloin à Béziers mais réfute vigoureusement les accusations de viol. «On s’est dragué, elle m’a suivi dans ma chambre d’hôtel, on a couché ensemble. J’ai eu un coup de cœur pour elle, il y a eu des mots plutôt à l’eau de rose qu’autre chose, des mots d’amour même.» Et d’ajouter : «Frapper une femme, je sais pas comment vous dire, c’est contre mon idéologie, contre ma culture, contre mon éducation, contre ma famille artistique au Théâtre du Soleil.»
Les faits dénoncés dans son appartement de Saint-Mandé ne lui rappellent rien mais, selon lui, une chose est sûre : la description des lieux brossée par la plaignante – «une pièce entièrement vouée aux plaisirs sexuels, avec de nombreux masques, notamment de diables, et toute sorte d’instruments» selon le Parisien – est mensongère. «Les policiers peuvent y aller ! En effet sur le mur j’ai des photos de Marylin à poil, un tableau d’Egon Schiele, une photo libertine de 1910 et à l’époque j’avais un masque balinais et un masque d’Arlequin ! C’est tout à fait surréaliste», s’émeut-il.
«Terrorisé»
Alors que les investigations vont se poursuivre dans ce dossier qui s’annonce «parole contre parole», Philippe Caubère se désole : «Je suis terrorisé, j’ai l’impression d’être coupable d’emblée. Pourquoi ? Parce que j’ai pris position au moment de la loi stigmatisant les clients de prostituées ? Parce que je n’ai jamais caché que j’en étais client ? Je parle de cul dans mes spectacles, comme dans Clémence, mais la violence n’a pas sa place là-dedans.»
Dans Clémence justement, un des ultimes volets des aventures de «Ferdinand», avatar qu’il s’est créé en 1981 et qui accompagna plusieurs générations de fans, il évoque sans détour sa vie sexuelle et l’épineuse mise en œuvre de l’amour libre – un idéal dont il n’a jamais fait mystère. La pièce appartient à une trilogie qu’il doit jouer à partir de jeudi au théâtre Le Liberté à Toulon. Son directeur Charles Berling a apporté son soutien au comédien. Lequel «ne sait pas comment il réussira à jouer» même si, comme il nous l’explique, il parlera aux spectateurs le plus franchement du monde et que sa productrice et compagne sera au premier rang, texte en main, au cas où il ait des trous. «Le théâtre n’est pas un tribunal, et il n’est pas question d’annuler, affirme Matthieu Mas, responsable des relations presse du théâtre. On est tous un peu secoués.» Du côté du Printemps des comédiens, à Montpellier, dont Caubère est un vieil habitué, et où il doit se produire en juin, on énonce la position suivante par la voix de son directeur Jean Varela : «Elle est simple : d’abord, s’opposer à toute forme de violence sexuelle. Ensuite, respecter la présomption d’innocence. Enfin, il y a une affaire judiciaire. On va la suivre très attentivement.»
Solveig Halloin, 43 ans, accuse l'acteur et metteur en scène de l'avoir violée. L’intéressé, qui a répondu à «Libération», dément et affirme «tomber des nues».
Face à la caméra du Huffington Post, une jeune femme brune de 43 ans ravive d’une voix douce quelques souvenirs de l’époque où elle était «dramaturge, metteur en scène, interprète». Elle parle de Philippe Caubère, imposante figure du spectacle français, icône du Théâtre du Soleil, qu’elle décrit comme «un acteur de référence», son «père artistique». Avant de relater une scène qui remonte à février 2010 : c’était à Béziers, à la fin de la pièce l’Asticot de Shakespeare, elle a osé l’aborder pour lui dire son admiration et ils ont un peu discuté au bar. Puis «il m’a dit, “donnez-moi votre numéro”», poursuit Solveig Halloin. Et à partir de là, le cauchemar a commencé.» Huit ans plus tard, le «cauchemar» est devenu une plainte pour viol déposée le 27 mars auprès du parquet de Béziers. Une enquête préliminaire a été ouverte lundi par le parquet de Paris. «On est dans une période de libération de la parole, c’en est une nouvelle illustration», insiste son avocat, Me Jonas Haddad.
D’après la vidéo, qui semble corroborer le contenu de la plainte révélée par le Parisien mercredi, une rencontre a d’abord eu lieu chez le comédien à Saint-Mandé (Val-de-Marne). «J’étais très impressionnée, j’étais face à quelqu’un qui représentait beaucoup pour moi, détaille-t-elle. Paf, il m’embrasse, il me dit allonge-toi, déshabille-toi.» Elle décrit des caresses violentes après lesquelles elle repart sans réagir, «complètement dissociée», «avec des blancs». Sa voix se voile lorsqu’elle aborde des textos au langage cru : «J’ai commencé à devenir aliénée. […] J’étais sous emprise, un truc super-puissant.»
Energie
En mars 2010, Solveig Halloin décide de rejoindre le comédien à Béziers dans une chambre d’hôtel. C’est là que ce serait déroulé le viol. «Il me frappait, il m’étranglait, il me pénétrait violemment», décrit-elle à la caméra du Huffington Post. A l’heure du mouvement #MeToo, «j’aimerais beaucoup que toutes les victimes parlent et témoignent», exhorte celle qui se dit «en état d’agonie perpétuelle».
Ces dernières années, cette Toulousaine, mère de deux enfants, aurait tourné son énergie vers le militantisme : féministe, antispéciste… Elle a donné de la voix à Nuit debout à Toulouse l’été 2016. Le Parisien lui prête un engagement chez les Femen, ce que l’organisation, contactée par Libération, réfute : «Solveig Halloin a de manière autonome repris les codes de nos actions à plusieurs reprises, mais n’a jamais été adhérente de Femen et n’y a pris part que quelques jours lors d’un camp d’été en 2013. Ces approximations n’enlèvent cependant rien au fait que Femen soutient toutes les femmes qui se disent victimes de violences et osent briser le silence.» Elle était passée par conservatoire et écoles parisiennes d’arts du spectacle, avait connu quelque succès avec l’une de ses créations, l’Amour, même pas peur – une centaine de représentations de 2002 à 2009 – mais semble désormais avoir pris ses distances avec le théâtre.
A ce stade, Philippe Caubère, 67 ans, n’a pas encore été entendu par les enquêteurs. Contacté par Libération, il dément les propos de la comédienne. «J’ai appris ça par voie de presse ce matin. Je tombe des nues», explique-t-il avant d’évoquer une relation «sexuelle, amoureuse, plus que consentie : désirée». Certes, il a bien rencontré Solveig Halloin à Béziers mais réfute vigoureusement les accusations de viol. «On s’est dragué, elle m’a suivi dans ma chambre d’hôtel, on a couché ensemble. J’ai eu un coup de cœur pour elle, il y a eu des mots plutôt à l’eau de rose qu’autre chose, des mots d’amour même.» Et d’ajouter : «Frapper une femme, je sais pas comment vous dire, c’est contre mon idéologie, contre ma culture, contre mon éducation, contre ma famille artistique au Théâtre du Soleil.»
Les faits dénoncés dans son appartement de Saint-Mandé ne lui rappellent rien mais, selon lui, une chose est sûre : la description des lieux brossée par la plaignante – «une pièce entièrement vouée aux plaisirs sexuels, avec de nombreux masques, notamment de diables, et toute sorte d’instruments» selon le Parisien – est mensongère. «Les policiers peuvent y aller ! En effet sur le mur j’ai des photos de Marylin à poil, un tableau d’Egon Schiele, une photo libertine de 1910 et à l’époque j’avais un masque balinais et un masque d’Arlequin ! C’est tout à fait surréaliste», s’émeut-il.
«Terrorisé»
Alors que les investigations vont se poursuivre dans ce dossier qui s’annonce «parole contre parole», Philippe Caubère se désole : «Je suis terrorisé, j’ai l’impression d’être coupable d’emblée. Pourquoi ? Parce que j’ai pris position au moment de la loi stigmatisant les clients de prostituées ? Parce que je n’ai jamais caché que j’en étais client ? Je parle de cul dans mes spectacles, comme dans Clémence, mais la violence n’a pas sa place là-dedans.»
Dans Clémence justement, un des ultimes volets des aventures de «Ferdinand», avatar qu’il s’est créé en 1981 et qui accompagna plusieurs générations de fans, il évoque sans détour sa vie sexuelle et l’épineuse mise en œuvre de l’amour libre – un idéal dont il n’a jamais fait mystère. La pièce appartient à une trilogie qu’il doit jouer à partir de jeudi au théâtre Le Liberté à Toulon. Son directeur Charles Berling a apporté son soutien au comédien. Lequel «ne sait pas comment il réussira à jouer» même si, comme il nous l’explique, il parlera aux spectateurs le plus franchement du monde et que sa productrice et compagne sera au premier rang, texte en main, au cas où il ait des trous. «Le théâtre n’est pas un tribunal, et il n’est pas question d’annuler, affirme Matthieu Mas, responsable des relations presse du théâtre. On est tous un peu secoués.» Du côté du Printemps des comédiens, à Montpellier, dont Caubère est un vieil habitué, et où il doit se produire en juin, on énonce la position suivante par la voix de son directeur Jean Varela : «Elle est simple : d’abord, s’opposer à toute forme de violence sexuelle. Ensuite, respecter la présomption d’innocence. Enfin, il y a une affaire judiciaire. On va la suivre très attentivement.»
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