Trois visages de et avec Jafar Panahi
© Memento Films Distribution
Toujours assigné à résidence en Iran, et donc physiquement absent de Cannes, et toujours interdit de cinéma dans son pays, le cinéaste envoie malgré tout au Festival un nouvelle preuve de sa vitalité artistique. En compétition, son film “Trois visages”, rend aussi un vibrant hommage au maître Abbas Kiarostami.
Une célèbre actrice de télé iranienne reçoit sur son téléphone une vidéo macabre, à l’authenticité incertaine : une jeune fille inconnue se pend dans une grotte tout en l’appelant personnellement à l’aide… Bouleversée, la vedette (dans son propre rôle) plaque son tournage en cours et persuade son vieil ami, le réalisateur Jafar Panahi (dans son propre rôle aussi) de partir enquêter sur les lieux de la tragédie, dans les montagnes du Nord-Ouest iranien.
Rien qu’à l’énoncé de cette intrigue, on retrouve quelques ingrédients du grand cinéma iranien de naguère : le mélange inextricable de fiction et de réalité (avec ses mises en abyme) ; la voiture semblable à un studio ambulant ; le reflet du sort injuste fait aux femmes ; l’ombre du suicide, réponse ultime à une société oppressante où l’art est fort mal vu… Jafar Panahi est bien l’héritier de l’immense Abbas Kiarostami, mort en 2016, dont il fut l’assistant. Trois visages est le premier film du disciple tourné après la mort du maître. C’est un hommage émouvant à son œuvre, dont plusieurs films clés sont cités au détour du récit, notamment le sublime Goût de la cerise, Palme d’or en 1997.
Humour et modestie
Avec modestie, avec les moyens du bord (il lui est officiellement interdit de faire des films), mais aussi avec beaucoup d’humour, Jafar Panahi actualise donc tous les thèmes et les motifs légués par Kiarostami. Le village montagnard où débarquent la vedette et le cinéaste s’y prête parfaitement, avec ses traditions ancestrales et sa jeunesse en révolte sourde. Il y a même, dans une minuscule demeure à l’écart, une chanteuse-actrice d’avant la révolution islamique (1979), vivant comme une recluse. Dans le plus beau moment du film, on aperçoit de loin, après la tombée de la nuit, par la fenêtre de la maisonnette, trois silhouettes danser joyeusement : une activité proscrite en Iran.
Eloge des actrices (trois générations sont évoquées), et de l’expression artistique en général, le film traite aussi, et peut-être avant tout, de l’empêchement et de l’entrave. Jafar Panahi est toujours assigné à résidence en Iran – sa chaise était vide à la conférence de presse du film, ce dimanche 13 mai. Lui qui a tourné son précédent film, Taxi Téhéran, entièrement à l’abri de son véhicule, a, cette fois, une plaisanterie terrible, déclinant une invitation à dormir dans une maison du village : « C’est encore dans ma voiture que je suis le plus en sécurité ! »
Trois visages (Iran, 1h 40min), sortie le 6 juin 2018.
Trois visages de et avec Jafar Panahi
© Memento Films Distribution
Toujours assigné à résidence en Iran, et donc physiquement absent de Cannes, et toujours interdit de cinéma dans son pays, le cinéaste envoie malgré tout au Festival un nouvelle preuve de sa vitalité artistique. En compétition, son film “Trois visages”, rend aussi un vibrant hommage au maître Abbas Kiarostami.
Une célèbre actrice de télé iranienne reçoit sur son téléphone une vidéo macabre, à l’authenticité incertaine : une jeune fille inconnue se pend dans une grotte tout en l’appelant personnellement à l’aide… Bouleversée, la vedette (dans son propre rôle) plaque son tournage en cours et persuade son vieil ami, le réalisateur Jafar Panahi (dans son propre rôle aussi) de partir enquêter sur les lieux de la tragédie, dans les montagnes du Nord-Ouest iranien.
Rien qu’à l’énoncé de cette intrigue, on retrouve quelques ingrédients du grand cinéma iranien de naguère : le mélange inextricable de fiction et de réalité (avec ses mises en abyme) ; la voiture semblable à un studio ambulant ; le reflet du sort injuste fait aux femmes ; l’ombre du suicide, réponse ultime à une société oppressante où l’art est fort mal vu… Jafar Panahi est bien l’héritier de l’immense Abbas Kiarostami, mort en 2016, dont il fut l’assistant. Trois visages est le premier film du disciple tourné après la mort du maître. C’est un hommage émouvant à son œuvre, dont plusieurs films clés sont cités au détour du récit, notamment le sublime Goût de la cerise, Palme d’or en 1997.
Humour et modestie
Avec modestie, avec les moyens du bord (il lui est officiellement interdit de faire des films), mais aussi avec beaucoup d’humour, Jafar Panahi actualise donc tous les thèmes et les motifs légués par Kiarostami. Le village montagnard où débarquent la vedette et le cinéaste s’y prête parfaitement, avec ses traditions ancestrales et sa jeunesse en révolte sourde. Il y a même, dans une minuscule demeure à l’écart, une chanteuse-actrice d’avant la révolution islamique (1979), vivant comme une recluse. Dans le plus beau moment du film, on aperçoit de loin, après la tombée de la nuit, par la fenêtre de la maisonnette, trois silhouettes danser joyeusement : une activité proscrite en Iran.
Eloge des actrices (trois générations sont évoquées), et de l’expression artistique en général, le film traite aussi, et peut-être avant tout, de l’empêchement et de l’entrave. Jafar Panahi est toujours assigné à résidence en Iran – sa chaise était vide à la conférence de presse du film, ce dimanche 13 mai. Lui qui a tourné son précédent film, Taxi Téhéran, entièrement à l’abri de son véhicule, a, cette fois, une plaisanterie terrible, déclinant une invitation à dormir dans une maison du village : « C’est encore dans ma voiture que je suis le plus en sécurité ! »
Trois visages (Iran, 1h 40min), sortie le 6 juin 2018.
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