
Tous les jours une missive envoyée de la croisette. Mais arrivera-t-elle à bon port ?
Chères toutes, Chers tous (et plus si affinités)
Voir le film de Jean-Luc Godard en compétition, Le Livre d'image, à la projection de 8 h 30 du matin est une expérience neurophysiologique intéressante. La seule qui vaille finalement. Pour ce qui est du versant obscur de la critique cinéma je laisse mon camarade Christophe Carrière se démerder tout seul en lui souhaitant bien du courage. Mais, personnellement, j'octroie à ce Livre d'image un vain/20.
N'étant pas grand-chose d'autre que journaliste, l'expérience qui suit sera évidemment empirique. Elle vaut ce qu'elle vaut, c'est à dire pas grand-chose, au diapason du film, mais je cède les droits d'adaptation en bande dessinée à qui veut.
Donc lever 7 heures après 5 heures de sommeil (une longue nuit cannoise, en fait). Pas de mal de crâne, la salade César du dîner est passée comme une lettre et les différents breuvages aussi. Une douche, un café, temps orageux mais pas trop ; je suis arrivé tôt pour bénéficier d'une bonne place dans la salle, bord de rang, on se sait jamais, des fois qu'il y aurait le feu au lac.
Pour mener cette expérience dans des conditions acceptables, il fallait être là de toute fraicheur, comme le poisson du matin, les adorateurs du temple godardien ayant vite fait de me reprocher un éventuel état de décrépitude volontairement avancé qui aurait abimé l'objectivité nécessaire et requise pour admirer le coucou suisse.
La liste des questions se présentait ainsi : L'ennui rend-il intelligent ? Le sommeil aiguise-t-il les neurones ? L'enthousiasme est-il soluble dans le fauteuil en velours ? La vacuité est-elle mère de sûreté ? Le cigare godardien est-il un écran de fumée ? Faut-il crier au mou ou applaudir avec les chèvres ?
Le Livre d'image est un montage d'extraits de films, de séquence de conflits, d'explosion, d'armes à feu, de lecture de textes, et un récit mortifère sur un monde bientôt en guerre qui ne sait plus choisir entre images de fiction et images réelles, entre rêve et cauchemar, alors que le cinéma tente désespérément de raconter le paradis perdu d'un imaginaire bouffé par la violence. En gros. En tout cas, c'est ce que j'ai cru comprendre. Je l'ai d'ailleurs compris au bout de dix minutes. Après, JLG se répète et dit des trucs pour se la jouer maître Yoda au Collège de France. Ce n'est pas clair mais c'est imposant. Comme un coup de massue sur un tout petit clou. Je ne suis pourtant pas moins con qu'un autre.
Pendant la projection, je me suis aussi amusé à jouer à Monsieur Cinéma pour reconnaitre le maximum de films. Malheureusement, il n'y avait pas de buzzer sous le fauteuil. Dommage. Je pense avoir dépassé la moyenne (le lapin mort c'est La Règle du jeu, James Stewart dans l'eau c'est Sueurs froides, Emil Jannings ouvrant un parapluie c'est Le Dernier des hommes...) et je me la suis pété grave. C'était distrayant, je le reconnais. Mais pour qui n'est pas un obsessionnel cinéphile (pléonasme), pas sûr que le jeu en vaille le chandail.
Pendant ce temps-là, je prenais des notes afin de compléter l'expérience. Sortant de la salle, j'ai secoué le cocotier (suisse), remis l'envers à l'endroit et le noir sur le blanc. Et donc :
L'ennui rend-il intelligent ? Finalement, oui. A la mesure des compétences de chacun évidemment. L'ennui généré par un objet qui se gonfle les chevilles en permanence, pousse à se demander si ce qui se passe à l'écran vaut la peine d'être vécu ou s'il n'y a pas que moi qui suis con.
Le sommeil aiguise-t-il les neurones ? Oui, certainement. J'ai dormi une quinzaine de minutes, vers la fin. Très bien dormi d'ailleurs. Je me suis réveillé sans comprendre davantage le film, ce qui prouve que mon acuité intellectuelle n'avait pas baissée.
L'enthousiasme est-il soluble dans le fauteuil en velours ? Sans doute pas. Les applaudissements des gardiens du temple ont été assez nourris - à moins que d'autres saluaient une sortie de salle bienvenue.
La vacuité est-elle mère de sûreté ? Il semble bien, oui. Encore faut-il, pour être sûr de plaire, brasser de l'air avec ostentation et force moulinets qui cachent la forêt, et assener des phrases pleines de mots qui obligent à les avaler sans les mâcher.
Le cigare godardien est-il un écran de fumée ? Oui, de plus en plus. J'ai longtemps aimé Godard et je continue à adorer beaucoup de ses films : A bout de souffle, Une femme est une femme, Pierrot le fou... Et surtout Passion, en 1983, son dernier grand film. Le dernier bon également. Il y a 35 ans.
Faut-il crier au mou ou applaudir avec les chèvres ? Il faut crier dur. Cela fait des lustres que le public est à bout de souffle et que JLG ne s'adresse qu'à ses cireurs de pompes. Lesquels ont tellement crié au chef d'oeuvre à chaque turpitude godardienne que le public n'y croit plus depuis longtemps. Je veux bien admettre des fulgurances ici ou là mais plus d'une centaine de chefs-d'oeuvre en plus d'une centaine de films, je ne sais pas pourquoi, mais je doute.
J'ai d'ailleurs parfois l'impression que Godard se fout de ses adorateurs en disant n'importe quoi, sachant parfaitement que s'il se montrait épluchant une pomme, il serait pris pour Michel-Ange peignant la chapelle Sixtine. C'est une opinion personnelle.
Sinon, il fait beau, ce qui est bien pratique pour vivre sa vie.
Bien à vous
e
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Tous les jours une missive envoyée de la croisette. Mais arrivera-t-elle à bon port ?
Chères toutes, Chers tous (et plus si affinités)
Voir le film de Jean-Luc Godard en compétition, Le Livre d'image, à la projection de 8 h 30 du matin est une expérience neurophysiologique intéressante. La seule qui vaille finalement. Pour ce qui est du versant obscur de la critique cinéma je laisse mon camarade Christophe Carrière se démerder tout seul en lui souhaitant bien du courage. Mais, personnellement, j'octroie à ce Livre d'image un vain/20.
N'étant pas grand-chose d'autre que journaliste, l'expérience qui suit sera évidemment empirique. Elle vaut ce qu'elle vaut, c'est à dire pas grand-chose, au diapason du film, mais je cède les droits d'adaptation en bande dessinée à qui veut.
Donc lever 7 heures après 5 heures de sommeil (une longue nuit cannoise, en fait). Pas de mal de crâne, la salade César du dîner est passée comme une lettre et les différents breuvages aussi. Une douche, un café, temps orageux mais pas trop ; je suis arrivé tôt pour bénéficier d'une bonne place dans la salle, bord de rang, on se sait jamais, des fois qu'il y aurait le feu au lac.
Pour mener cette expérience dans des conditions acceptables, il fallait être là de toute fraicheur, comme le poisson du matin, les adorateurs du temple godardien ayant vite fait de me reprocher un éventuel état de décrépitude volontairement avancé qui aurait abimé l'objectivité nécessaire et requise pour admirer le coucou suisse.
La liste des questions se présentait ainsi : L'ennui rend-il intelligent ? Le sommeil aiguise-t-il les neurones ? L'enthousiasme est-il soluble dans le fauteuil en velours ? La vacuité est-elle mère de sûreté ? Le cigare godardien est-il un écran de fumée ? Faut-il crier au mou ou applaudir avec les chèvres ?
Le Livre d'image est un montage d'extraits de films, de séquence de conflits, d'explosion, d'armes à feu, de lecture de textes, et un récit mortifère sur un monde bientôt en guerre qui ne sait plus choisir entre images de fiction et images réelles, entre rêve et cauchemar, alors que le cinéma tente désespérément de raconter le paradis perdu d'un imaginaire bouffé par la violence. En gros. En tout cas, c'est ce que j'ai cru comprendre. Je l'ai d'ailleurs compris au bout de dix minutes. Après, JLG se répète et dit des trucs pour se la jouer maître Yoda au Collège de France. Ce n'est pas clair mais c'est imposant. Comme un coup de massue sur un tout petit clou. Je ne suis pourtant pas moins con qu'un autre.
Pendant la projection, je me suis aussi amusé à jouer à Monsieur Cinéma pour reconnaitre le maximum de films. Malheureusement, il n'y avait pas de buzzer sous le fauteuil. Dommage. Je pense avoir dépassé la moyenne (le lapin mort c'est La Règle du jeu, James Stewart dans l'eau c'est Sueurs froides, Emil Jannings ouvrant un parapluie c'est Le Dernier des hommes...) et je me la suis pété grave. C'était distrayant, je le reconnais. Mais pour qui n'est pas un obsessionnel cinéphile (pléonasme), pas sûr que le jeu en vaille le chandail.
Pendant ce temps-là, je prenais des notes afin de compléter l'expérience. Sortant de la salle, j'ai secoué le cocotier (suisse), remis l'envers à l'endroit et le noir sur le blanc. Et donc :
L'ennui rend-il intelligent ? Finalement, oui. A la mesure des compétences de chacun évidemment. L'ennui généré par un objet qui se gonfle les chevilles en permanence, pousse à se demander si ce qui se passe à l'écran vaut la peine d'être vécu ou s'il n'y a pas que moi qui suis con.
Le sommeil aiguise-t-il les neurones ? Oui, certainement. J'ai dormi une quinzaine de minutes, vers la fin. Très bien dormi d'ailleurs. Je me suis réveillé sans comprendre davantage le film, ce qui prouve que mon acuité intellectuelle n'avait pas baissée.
L'enthousiasme est-il soluble dans le fauteuil en velours ? Sans doute pas. Les applaudissements des gardiens du temple ont été assez nourris - à moins que d'autres saluaient une sortie de salle bienvenue.
La vacuité est-elle mère de sûreté ? Il semble bien, oui. Encore faut-il, pour être sûr de plaire, brasser de l'air avec ostentation et force moulinets qui cachent la forêt, et assener des phrases pleines de mots qui obligent à les avaler sans les mâcher.
Le cigare godardien est-il un écran de fumée ? Oui, de plus en plus. J'ai longtemps aimé Godard et je continue à adorer beaucoup de ses films : A bout de souffle, Une femme est une femme, Pierrot le fou... Et surtout Passion, en 1983, son dernier grand film. Le dernier bon également. Il y a 35 ans.
Faut-il crier au mou ou applaudir avec les chèvres ? Il faut crier dur. Cela fait des lustres que le public est à bout de souffle et que JLG ne s'adresse qu'à ses cireurs de pompes. Lesquels ont tellement crié au chef d'oeuvre à chaque turpitude godardienne que le public n'y croit plus depuis longtemps. Je veux bien admettre des fulgurances ici ou là mais plus d'une centaine de chefs-d'oeuvre en plus d'une centaine de films, je ne sais pas pourquoi, mais je doute.
J'ai d'ailleurs parfois l'impression que Godard se fout de ses adorateurs en disant n'importe quoi, sachant parfaitement que s'il se montrait épluchant une pomme, il serait pris pour Michel-Ange peignant la chapelle Sixtine. C'est une opinion personnelle.
Sinon, il fait beau, ce qui est bien pratique pour vivre sa vie.
Bien à vous
e
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