Blanche Gardin a remis le prix de l’humour… à elle-même.
Photo : Romuald MEIGNEUX/ FTV
Les théâtres privés surreprésentés, la Comédie Française totalement oubliée… Malgré la reconnaissance (tardive) d’Ariane Mnouchkine et une belle performance de Blanche Gardin, la trentième nuit des Molières ne nous a pas pleinement convaincu.
On pourrait donner un Molière de la meilleure « Madame Loyale » à Zabou Breitman, tant sa poigne d’organisatrice, derrière une délicieuse fantaisie, a réussi à rendre cet exercice de remise des prix, d’habitude toujours lourdingue, attrayant... même pour le téléspectateur. Pour la 30e cérémonie à Paris, Salle Pleyel, ça tombe plutôt bien.
En revanche, zéro pointé à France Télévisions qui fait démarrer la retransmission à 23 h et diffère le direct de trois bonnes heures : qui donc a pu regarder la cérémonie jusqu’au bout ? Dommage, car, vers la fin, la prestation de Blanche Gardin – déclarant «c’est bien tout moi, ça, de gagner un prix [de l’humour] l’année de l’affaire Weinstein, quand récompenser une femme n’a pas de valeur» – valait son pesant de statuettes.
Concentration des prix dans le théâtre privé
La remise des dix-neuf statuettes a été très (trop) concentrée cette année, puisque Adieu Monsieur Hafmann – texte et mise en scène de Jean-Philippe Daguerre au Petit Montparnasse et grand succès du théâtre privé – a raflé quatre statuettes à lui seul (Molière du spectacle privé, de l’auteur francophone vivant, du comédien dans un second rôle, de la révélation féminine). En laissant loin derrière – de manière injuste – Le Fils de Florian Zeller, dont seul Rod Paradot a été primé comme révélation masculine. Beau doublet cependant pour ce jeune comédien qui avait déjà obtenu en 2016 au cinéma le César de la même catégorie. Dommage pour un autre « auteur vivant », Pierre Notte, qui a présenté cette saison La Nostalgie des Blattes au Rond-Point.
Concentration des prix dans le théâtre privé d’un côté – L’histoire du Soldat, meilleur spectacle musical monté au Poche Montparnasse, ou la poignante prestation de Raphaël Personnaz primé « seul en scène » dans le texte d’Antoine Leiris (Vous n’aurez pas ma haine) font figure exceptions…
Molière de l'auteur francophone pour Jean Philippe Daguerre.
Photo : Romuald MEIGNEUX / FTV
Et brouillage des catégories public/privé de l’autre, puisque le Cendrillon de Joël Pommerat, pourtant produit en 2011 par le théâtre public belge (le Théâtre National Wallonie-Bruxelles) et accueilli dans la foulée au Théâtre National de L’Odéon, se voit ici récompensé pour son exploitation au Théâtre de la Porte Saint-Martin... dans le privé. Aussi magnifique que soit le spectacle (l’un des plus beaux de Pommerat), ce prix n’a guère de sens. L’association des Molières ne pourrait-elle pas revoir ses règles, se soucier de la date de création (pas plus de deux ans d’âge par exemple) autant que des producteurs qui ont endossé les premiers risques financiers ?
“Ariane” récompensée, la Comédie Française oubliée
Ariane Mnouchkine – 54 ans d’endurance en chef de troupe du Théâtre du Soleil – a été enfin adoubée pour Une chambre en Inde : meilleure mise en scène et meilleur spectacle du théâtre public. L’occasion pour le vétéran de la troupe Maurice Durozier de convoquer Jean Vilar et sa fameuse citation sur le théâtre public... «utopie nécessaire».
Comme pour le contredire, La Comédie-Française est la grande absente du palmarès. A tort. Ne reconnaître ni en Benjamin Lavernhe dans le rôle de Scapin mis en scène par Denis Podalydès, ni en Anne Kessler mise en scène dans L’Hôtel du Libre Echange par Isabelle Nanty, de sacrées trempes d’acteur, est une erreur de jugement !
Autre oubli regrettable : la dramaturge et metteuse en scène Caroline Guiela Nguyen. Elle n'a été distinguée dans aucune catégorie pour Saïgon, créé à Avignon l’année dernière. Alors qu’elle représente une génération de trentenaires qui renouvelle l’art théâtral grâce à leur méthodes plus collectives. Les votants des Molières semblent prêter peu d’attention à ce vivier bouillonnant... du théâtre subventionné.
Voici la liste des prix :
Molière du théâtre public : Une chambre en Inde, d'Ariane Mnouchkine
Molière du théâtre privé : Adieu monsieur Haffman, de Jean-Philippe Daguerre
Révélation féminine : Julie Cavanna, dans Adieu monsieur Haffman
Révélation masculine : Rod Paradot dans Le fils
Molière de la comédie : Le gros diamant du prince Ludwig, mise en scène de Gwen Aduh
Molière de la comédienne d'un spectacle de théâtre public : Marina Hands dans Actrice
Molière du comédien d'un spectacle de théâtre public : Jacques Gamblin dans 1 heure 23'14'' et 7 centièmes
Molière de la comédienne d'un spectacle privé : Laure Calamy dans Le jeu de l'amour et du hasard
Molière du comédien d'un spectacle privé : Jean-Pierre Darroussin dans Art
Molière de l'auteur francophone vivant : Jean-Philippe Daguerre, pour Adieu Monsieur Haffman
Molière du metteur en scène d'un spectacle de théâtre public : Ariane Mnouchkine, pour Une chambre en Inde
Molière du metteur en scène d'un spectacle de théâtre privé : Joël Pommerat pour Cendrillon
Molière de la création visuelle : Cendrillon de Joël Pommerat
Molières du spectacle musical : Histoire du soldat, mise en scène de Stéphan Druet
Molière du jeune public : Le Petit Chaperon rouge, de Joël Pommerat
Molière de l'humour : Blanche Gardin dans Je parle toute seule
Molière Seul en scène : Vous n'aurez pas ma haine, mise en scène de Benjamin Guillard
Blanche Gardin a remis le prix de l’humour… à elle-même.
Photo : Romuald MEIGNEUX/ FTV
Les théâtres privés surreprésentés, la Comédie Française totalement oubliée… Malgré la reconnaissance (tardive) d’Ariane Mnouchkine et une belle performance de Blanche Gardin, la trentième nuit des Molières ne nous a pas pleinement convaincu.
On pourrait donner un Molière de la meilleure « Madame Loyale » à Zabou Breitman, tant sa poigne d’organisatrice, derrière une délicieuse fantaisie, a réussi à rendre cet exercice de remise des prix, d’habitude toujours lourdingue, attrayant... même pour le téléspectateur. Pour la 30e cérémonie à Paris, Salle Pleyel, ça tombe plutôt bien.
En revanche, zéro pointé à France Télévisions qui fait démarrer la retransmission à 23 h et diffère le direct de trois bonnes heures : qui donc a pu regarder la cérémonie jusqu’au bout ? Dommage, car, vers la fin, la prestation de Blanche Gardin – déclarant «c’est bien tout moi, ça, de gagner un prix [de l’humour] l’année de l’affaire Weinstein, quand récompenser une femme n’a pas de valeur» – valait son pesant de statuettes.
Concentration des prix dans le théâtre privé
La remise des dix-neuf statuettes a été très (trop) concentrée cette année, puisque Adieu Monsieur Hafmann – texte et mise en scène de Jean-Philippe Daguerre au Petit Montparnasse et grand succès du théâtre privé – a raflé quatre statuettes à lui seul (Molière du spectacle privé, de l’auteur francophone vivant, du comédien dans un second rôle, de la révélation féminine). En laissant loin derrière – de manière injuste – Le Fils de Florian Zeller, dont seul Rod Paradot a été primé comme révélation masculine. Beau doublet cependant pour ce jeune comédien qui avait déjà obtenu en 2016 au cinéma le César de la même catégorie. Dommage pour un autre « auteur vivant », Pierre Notte, qui a présenté cette saison La Nostalgie des Blattes au Rond-Point.
Concentration des prix dans le théâtre privé d’un côté – L’histoire du Soldat, meilleur spectacle musical monté au Poche Montparnasse, ou la poignante prestation de Raphaël Personnaz primé « seul en scène » dans le texte d’Antoine Leiris (Vous n’aurez pas ma haine) font figure exceptions…
Molière de l'auteur francophone pour Jean Philippe Daguerre.
Photo : Romuald MEIGNEUX / FTV
Et brouillage des catégories public/privé de l’autre, puisque le Cendrillon de Joël Pommerat, pourtant produit en 2011 par le théâtre public belge (le Théâtre National Wallonie-Bruxelles) et accueilli dans la foulée au Théâtre National de L’Odéon, se voit ici récompensé pour son exploitation au Théâtre de la Porte Saint-Martin... dans le privé. Aussi magnifique que soit le spectacle (l’un des plus beaux de Pommerat), ce prix n’a guère de sens. L’association des Molières ne pourrait-elle pas revoir ses règles, se soucier de la date de création (pas plus de deux ans d’âge par exemple) autant que des producteurs qui ont endossé les premiers risques financiers ?
“Ariane” récompensée, la Comédie Française oubliée
Ariane Mnouchkine – 54 ans d’endurance en chef de troupe du Théâtre du Soleil – a été enfin adoubée pour Une chambre en Inde : meilleure mise en scène et meilleur spectacle du théâtre public. L’occasion pour le vétéran de la troupe Maurice Durozier de convoquer Jean Vilar et sa fameuse citation sur le théâtre public... «utopie nécessaire».
Comme pour le contredire, La Comédie-Française est la grande absente du palmarès. A tort. Ne reconnaître ni en Benjamin Lavernhe dans le rôle de Scapin mis en scène par Denis Podalydès, ni en Anne Kessler mise en scène dans L’Hôtel du Libre Echange par Isabelle Nanty, de sacrées trempes d’acteur, est une erreur de jugement !
Autre oubli regrettable : la dramaturge et metteuse en scène Caroline Guiela Nguyen. Elle n'a été distinguée dans aucune catégorie pour Saïgon, créé à Avignon l’année dernière. Alors qu’elle représente une génération de trentenaires qui renouvelle l’art théâtral grâce à leur méthodes plus collectives. Les votants des Molières semblent prêter peu d’attention à ce vivier bouillonnant... du théâtre subventionné.
Voici la liste des prix :
Molière du théâtre public : Une chambre en Inde, d'Ariane Mnouchkine
Molière du théâtre privé : Adieu monsieur Haffman, de Jean-Philippe Daguerre
Révélation féminine : Julie Cavanna, dans Adieu monsieur Haffman
Révélation masculine : Rod Paradot dans Le fils
Molière de la comédie : Le gros diamant du prince Ludwig, mise en scène de Gwen Aduh
Molière de la comédienne d'un spectacle de théâtre public : Marina Hands dans Actrice
Molière du comédien d'un spectacle de théâtre public : Jacques Gamblin dans 1 heure 23'14'' et 7 centièmes
Molière de la comédienne d'un spectacle privé : Laure Calamy dans Le jeu de l'amour et du hasard
Molière du comédien d'un spectacle privé : Jean-Pierre Darroussin dans Art
Molière de l'auteur francophone vivant : Jean-Philippe Daguerre, pour Adieu Monsieur Haffman
Molière du metteur en scène d'un spectacle de théâtre public : Ariane Mnouchkine, pour Une chambre en Inde
Molière du metteur en scène d'un spectacle de théâtre privé : Joël Pommerat pour Cendrillon
Molière de la création visuelle : Cendrillon de Joël Pommerat
Molières du spectacle musical : Histoire du soldat, mise en scène de Stéphan Druet
Molière du jeune public : Le Petit Chaperon rouge, de Joël Pommerat
Molière de l'humour : Blanche Gardin dans Je parle toute seule
Molière Seul en scène : Vous n'aurez pas ma haine, mise en scène de Benjamin Guillard
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