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De Morsay à Nick Conrad : quand la fachosphère instrumentalise des rappeurs inconnus

Ce mercredi, le rappeur Nick Conrad est passé d'anonyme à ennemi public numéro 1. La faute à un clip ultra violent et à des paroles nauséabondes, relayé avec plaisir par une fachosphère qui n'attendait que ça pour faire valider ses thèses.

En à peine 24 heures, un obscur rappeur du Val-de-Marne est passé de l’anonymat au bandeau de BFMTV. Avec fracas. De Nick Conrad, bien peu de monde avait entendu parler avant ce 26 septembre 2018. Malgré plusieurs années de présence sur YouTube, Facebook et Deezer, l'audience du jeune homme était jusque-là restée famélique. Et puis, la machine s'est emballée. En cause, la chanson PBL, pour "Pendez les Blancs" et son texte nauséabond. Dans le clip de neuf minutes, on voit le rappeur kidnapper un homme blanc avant de le torturer dans un parking et entre les tours d'une cité. Plus tard, il invite à massacrer des bébés blancs dans une crèche. Un brûlot ultra violent évidemment vu par la fachosphère comme une preuve que le racisme anti-blanc est un phénomène bien réel, diffusé dans les quartiers populaires.

Crier au loup

Publié le 17 septembre, il aura fallu une dizaine de jours pour que le clip trouve une quelconque résonance. Malgré un partage par Dieudonné le weekend dernier, le destin de la chanson était de végèter parmi le flot de vidéos mises en ligne au quotidien sur la plateforme de Google. PBL est finalement remarquée par une poignée d'internautes de la fachosphère. Dans la nuit de mardi à mercredi, quelques comptes trop contents de trouver un ennemi caricatural pour prouver leurs thèses lancent la machine, relatent ainsi les Décodeurs du Monde. "Heureusement que le racisme anti-blanc n'existent pas", s'insurge ainsi un tweetos qui se présente comme un "admirateur de Renaud Camus" (théoricien du Grand Remplacement). A partir de là rien ne pourra stopper la polémique, remontée le temps d'une matinée jusqu'au gouvernement. "Profondément choqué" par la vidéo, le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb a demandé que PBL soit retirée. Il obtient rapidement gain de cause, mais le clip est reposté plusieurs fois dans la foulée.

Le buzz orchestré par quelques comptes de l'extrême droite française n'est pas un cas isolé. Au contraire, tout au long des années 2010, la fachosphère a pris l'habitude de crier au loup et ainsi faire gonfler artificiellement l'audience de rappeurs inconnus au discours outrancier afin de faire valider son discours. Avant de s’appeler Nick Conrad, le grand méchant se nommait Cortex. A la fin des années 2000, les vidéos de ce jeune homme originaire d'Evry sont visionnées par à peine quelques centaines de personnes. Et puis petit à petit, Cortex va radicaliser sa parole, passant de mises en scènes dans le RER ou à la plage à des attaques directes contre les voix de l'extrême droite, Eric Zemmour et Marine Le Pen en tête. En mars 2010, il publie une vidéo où il insulte violemment à la cheffe du Rassemblement Nationale, qui porte plainte contre lui. Une aubaine pour le rappeur anonyme. "T’façon quand ils parlent de moi, c’est d’abord à moi qu’ils font de la pub !", réagira, goguenard, Cortex à StreetPress quelques mois plus tard.

Collomb-Hortefeux, même indignation

Mais pour la fachosphère, il devient le symbole de la "racaille islamisée". Certains site surfent sur la grande gueule d'un rappeur en mal de buzz pour faire croître leur visibilité. Riposte Laïque le consacre "caricature monstrueuse d’une politique d’immigration sans intégration, du communautarisme haineux, de l’islamisation violente de la France". Fdesouche lui dédie des articles qui déclenchent des centaines de commentaires. Interrogé en 2015 dans le cadre du livre La Fachosphère de Dominique Albertini et David Doucet, Pierre Sautarel créateur de cette dernière plateforme expliquait : "Nos clashs avec Morsay et Cortex ont eu beaucoup d’impact sur notre fréquentation. Beaucoup de jeunes fréquentant jeuxvideo.com nous ont rejoints suite à cela."

L'homme fort de Fdesouche évoque ici aussi Morsay, autre rappeur venu de nulle part. Il se fait connaitre à la même époque et de la même manière. Son clip J'ai 40 meufs où il s'en prend notamment à la police municipale choque jusqu'aux ministres de la Culture, Frédérique Mitterrand, et de l'Intérieur, Brice Hortefeux.

Sortis renforcés de ces clashs, parfois inventés de toute pièce, les principaux sites de la fachoshère continueront d'agiter l’épouvantail du rap pour faire valider leurs thèses. Ils n'hésitent plus à s'attaquer même parfois à des figures populaires. Ce fut le cas de Black M en 2016. Le rappeur, parmi d'autres, devait se produire à Verdun pour le centenaire de la bataille. Dans un article, Fdesouche lançait ainsi la polémique en expliquant que l'ancien de Sexion d'Assaut "n'avait pas sa place" pour l'événement. Des accusations très vite reprises par les ténors du Front National. Dernièrement Medine a été obligé d'annuler un concert au Bataclan. Morale de l'histoire, alors qu'il devait jouer dans 1 300 personnes, son concert a été déplacé au Zenith. Sa capacité : 6 000 places.

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Ce mercredi, le rappeur Nick Conrad est passé d'anonyme à ennemi public numéro 1. La faute à un clip ultra violent et à des paroles nauséabondes, relayé avec plaisir par une fachosphère qui n'attendait que ça pour faire valider ses thèses.

En à peine 24 heures, un obscur rappeur du Val-de-Marne est passé de l’anonymat au bandeau de BFMTV. Avec fracas. De Nick Conrad, bien peu de monde avait entendu parler avant ce 26 septembre 2018. Malgré plusieurs années de présence sur YouTube, Facebook et Deezer, l'audience du jeune homme était jusque-là restée famélique. Et puis, la machine s'est emballée. En cause, la chanson PBL, pour "Pendez les Blancs" et son texte nauséabond. Dans le clip de neuf minutes, on voit le rappeur kidnapper un homme blanc avant de le torturer dans un parking et entre les tours d'une cité. Plus tard, il invite à massacrer des bébés blancs dans une crèche. Un brûlot ultra violent évidemment vu par la fachosphère comme une preuve que le racisme anti-blanc est un phénomène bien réel, diffusé dans les quartiers populaires.

Crier au loup

Publié le 17 septembre, il aura fallu une dizaine de jours pour que le clip trouve une quelconque résonance. Malgré un partage par Dieudonné le weekend dernier, le destin de la chanson était de végèter parmi le flot de vidéos mises en ligne au quotidien sur la plateforme de Google. PBL est finalement remarquée par une poignée d'internautes de la fachosphère. Dans la nuit de mardi à mercredi, quelques comptes trop contents de trouver un ennemi caricatural pour prouver leurs thèses lancent la machine, relatent ainsi les Décodeurs du Monde. "Heureusement que le racisme anti-blanc n'existent pas", s'insurge ainsi un tweetos qui se présente comme un "admirateur de Renaud Camus" (théoricien du Grand Remplacement). A partir de là rien ne pourra stopper la polémique, remontée le temps d'une matinée jusqu'au gouvernement. "Profondément choqué" par la vidéo, le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb a demandé que PBL soit retirée. Il obtient rapidement gain de cause, mais le clip est reposté plusieurs fois dans la foulée.

Le buzz orchestré par quelques comptes de l'extrême droite française n'est pas un cas isolé. Au contraire, tout au long des années 2010, la fachosphère a pris l'habitude de crier au loup et ainsi faire gonfler artificiellement l'audience de rappeurs inconnus au discours outrancier afin de faire valider son discours. Avant de s’appeler Nick Conrad, le grand méchant se nommait Cortex. A la fin des années 2000, les vidéos de ce jeune homme originaire d'Evry sont visionnées par à peine quelques centaines de personnes. Et puis petit à petit, Cortex va radicaliser sa parole, passant de mises en scènes dans le RER ou à la plage à des attaques directes contre les voix de l'extrême droite, Eric Zemmour et Marine Le Pen en tête. En mars 2010, il publie une vidéo où il insulte violemment à la cheffe du Rassemblement Nationale, qui porte plainte contre lui. Une aubaine pour le rappeur anonyme. "T’façon quand ils parlent de moi, c’est d’abord à moi qu’ils font de la pub !", réagira, goguenard, Cortex à StreetPress quelques mois plus tard.

Collomb-Hortefeux, même indignation

Mais pour la fachosphère, il devient le symbole de la "racaille islamisée". Certains site surfent sur la grande gueule d'un rappeur en mal de buzz pour faire croître leur visibilité. Riposte Laïque le consacre "caricature monstrueuse d’une politique d’immigration sans intégration, du communautarisme haineux, de l’islamisation violente de la France". Fdesouche lui dédie des articles qui déclenchent des centaines de commentaires. Interrogé en 2015 dans le cadre du livre La Fachosphère de Dominique Albertini et David Doucet, Pierre Sautarel créateur de cette dernière plateforme expliquait : "Nos clashs avec Morsay et Cortex ont eu beaucoup d’impact sur notre fréquentation. Beaucoup de jeunes fréquentant jeuxvideo.com nous ont rejoints suite à cela."

L'homme fort de Fdesouche évoque ici aussi Morsay, autre rappeur venu de nulle part. Il se fait connaitre à la même époque et de la même manière. Son clip J'ai 40 meufs où il s'en prend notamment à la police municipale choque jusqu'aux ministres de la Culture, Frédérique Mitterrand, et de l'Intérieur, Brice Hortefeux.

Sortis renforcés de ces clashs, parfois inventés de toute pièce, les principaux sites de la fachoshère continueront d'agiter l’épouvantail du rap pour faire valider leurs thèses. Ils n'hésitent plus à s'attaquer même parfois à des figures populaires. Ce fut le cas de Black M en 2016. Le rappeur, parmi d'autres, devait se produire à Verdun pour le centenaire de la bataille. Dans un article, Fdesouche lançait ainsi la polémique en expliquant que l'ancien de Sexion d'Assaut "n'avait pas sa place" pour l'événement. Des accusations très vite reprises par les ténors du Front National. Dernièrement Medine a été obligé d'annuler un concert au Bataclan. Morale de l'histoire, alors qu'il devait jouer dans 1 300 personnes, son concert a été déplacé au Zenith. Sa capacité : 6 000 places.

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