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Festival d’Avignon : «Architecture» a assommé le public du Palais des Papes - Le Parisien

Une distribution de haut vol, qui tient ses promesses, une langue d'une grande beauté, des beaux moments de théâtre, mais un spectacle beaucoup trop long et assez vite ennuyeux. Pascal Rambert a ouvert jeudi soir le festival d'Avignon dans la cour d'honneur du Palais des papes avec « Architecture », création chorale de plus de quatre heures, entracte compris, écrit pour ses acteurs fétiches. Une fresque retransmise ce samedi soir à partir de 22h20 sur France 5.

Sur un grand plateau blanc, des meubles de salon disséminés symbolisent les foyers des différents membres d'une même famille d'intellectuels et d'artistes autrichiens. Sur fond de montée des nationalismes et de perte de valeurs, cette tribu aux névroses profondes va se déchirer. Des personnages qui souffrent, martyrs, presque, d'une époque et qu'on accompagne dans le chaos sur une trentaine d'années, entre 1911 et 1938, l'annexion de leur pays par l'Allemagne.

Ils sont tous habillés de blanc ou de crème. Il y a Jacques (Weber - impérial), architecte de renom, père tyrannique et violent, marié en secondes noces avec la poétesse Anne-Sophie (Ferdane – magistrale) de trente ans sa cadette. Un remariage que les quatre enfants du patriarche n'ont jamais accepté. Il y a les deux filles qui ont grandi dans la terreur de ce père adoré, Anne (Brochet – au jeu éthéré), éthologue, mariée avec Laurent (Poitrenaux – impressionnant), journaliste que le vieux appelle « le gibbon ».

Une première scène saisissante

Il y a Emmanuelle (Béart – charnelle et rauque) psychanalyste qui va sombrer dans la folie en même temps que l'Europe. Elle est mariée avec Arthur (Nauzyciel), gradé dans l'armée. Lui, c'est la « teigne ». Deux couples dysfonctionnels qu'écrase totalement l'ombre du père, chef de famille tout-puissant. Il y a encore Denis (Podalydès - caméléon), compositeur moderne et incompris, en couple avec Audrey (Bonnet – nerveuse), couple fusionnel et compliqué… Lui aussi est terrorisé et en garde un bégaiement chronique.

Il y a enfin Stanislas (Nordey – sec, précis, animal), philosophe qui brave l'autorité du père. Le spectacle s'ouvre sur une colère furieuse de Jacques après un affront public de ce fils lors de la décoration. Une première scène saisissante portée par un Weber d'une précision admirable, qui dézingue tour à tour ces ouailles au garde à vous. C'est piquant, mordant. Ils ne mouftent pas, mais se révoltent en privé, chacun rentré dans ses quartiers.

Puis la famille part en croisière, sur le Danube à travers l'Europe au bord du précipice. Le début de la longue dérive de ce groupe que Rambert va nous conter, entremêlant les considérations, beauté, art, reconnaissance, amour, différence d'âge, sexe et fantasmes, ordre, tradition, engagement, homosexualité, folie, totalitarisme, la guerre, l'histoire, modernisme, luttes intergénérationnelles, puissance de la parole…

Le plaisir de la langue

C'est foisonnant, passionnant, touffu, mais étiré dans le temps. Trop. L'intérêt s'étiole doucement. Face à la cour d'honneur, Rambert pèche peut-être par générosité. Envers ses acteurs, notamment, à qui il entend composer une partition à leur hauteur, leur offrant un monologue à chacun, morceau de bravoure pour tenir la cour en haleine. Les textes s'alignent dans un ventre alors bien mou. Le spectacle devient monotone. « Je n'écris pas pour celui qui écoute », fait dire Rambert à Denis Podalydès. Ça se vérifie.

Des fulgurances nous piquent bien encore – cette fabuleuse scène de jouissance dans le noir et dans la tête entre Jacques Weber et Marie-Sophie Ferdane, la conclusion, rapide pour le coup, qui dope un peu l'intérêt du spectateur - rappelant tout le talent à l'œuvre sur le plateau, mais l'ennui et la fatigue l'emportent au global, l'agacement point aussi par moments… Reste le plaisir de la langue et de voir réunis ces comédiens sur la plus belle scène du monde.

Jusqu'au 13 juillet, Cour d'honneur du Palais des papes. En direct sur France 5 samedi 6 juillet à 22h25.

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Une distribution de haut vol, qui tient ses promesses, une langue d'une grande beauté, des beaux moments de théâtre, mais un spectacle beaucoup trop long et assez vite ennuyeux. Pascal Rambert a ouvert jeudi soir le festival d'Avignon dans la cour d'honneur du Palais des papes avec « Architecture », création chorale de plus de quatre heures, entracte compris, écrit pour ses acteurs fétiches. Une fresque retransmise ce samedi soir à partir de 22h20 sur France 5.

Sur un grand plateau blanc, des meubles de salon disséminés symbolisent les foyers des différents membres d'une même famille d'intellectuels et d'artistes autrichiens. Sur fond de montée des nationalismes et de perte de valeurs, cette tribu aux névroses profondes va se déchirer. Des personnages qui souffrent, martyrs, presque, d'une époque et qu'on accompagne dans le chaos sur une trentaine d'années, entre 1911 et 1938, l'annexion de leur pays par l'Allemagne.

Ils sont tous habillés de blanc ou de crème. Il y a Jacques (Weber - impérial), architecte de renom, père tyrannique et violent, marié en secondes noces avec la poétesse Anne-Sophie (Ferdane – magistrale) de trente ans sa cadette. Un remariage que les quatre enfants du patriarche n'ont jamais accepté. Il y a les deux filles qui ont grandi dans la terreur de ce père adoré, Anne (Brochet – au jeu éthéré), éthologue, mariée avec Laurent (Poitrenaux – impressionnant), journaliste que le vieux appelle « le gibbon ».

Une première scène saisissante

Il y a Emmanuelle (Béart – charnelle et rauque) psychanalyste qui va sombrer dans la folie en même temps que l'Europe. Elle est mariée avec Arthur (Nauzyciel), gradé dans l'armée. Lui, c'est la « teigne ». Deux couples dysfonctionnels qu'écrase totalement l'ombre du père, chef de famille tout-puissant. Il y a encore Denis (Podalydès - caméléon), compositeur moderne et incompris, en couple avec Audrey (Bonnet – nerveuse), couple fusionnel et compliqué… Lui aussi est terrorisé et en garde un bégaiement chronique.

Il y a enfin Stanislas (Nordey – sec, précis, animal), philosophe qui brave l'autorité du père. Le spectacle s'ouvre sur une colère furieuse de Jacques après un affront public de ce fils lors de la décoration. Une première scène saisissante portée par un Weber d'une précision admirable, qui dézingue tour à tour ces ouailles au garde à vous. C'est piquant, mordant. Ils ne mouftent pas, mais se révoltent en privé, chacun rentré dans ses quartiers.

Puis la famille part en croisière, sur le Danube à travers l'Europe au bord du précipice. Le début de la longue dérive de ce groupe que Rambert va nous conter, entremêlant les considérations, beauté, art, reconnaissance, amour, différence d'âge, sexe et fantasmes, ordre, tradition, engagement, homosexualité, folie, totalitarisme, la guerre, l'histoire, modernisme, luttes intergénérationnelles, puissance de la parole…

Le plaisir de la langue

C'est foisonnant, passionnant, touffu, mais étiré dans le temps. Trop. L'intérêt s'étiole doucement. Face à la cour d'honneur, Rambert pèche peut-être par générosité. Envers ses acteurs, notamment, à qui il entend composer une partition à leur hauteur, leur offrant un monologue à chacun, morceau de bravoure pour tenir la cour en haleine. Les textes s'alignent dans un ventre alors bien mou. Le spectacle devient monotone. « Je n'écris pas pour celui qui écoute », fait dire Rambert à Denis Podalydès. Ça se vérifie.

Des fulgurances nous piquent bien encore – cette fabuleuse scène de jouissance dans le noir et dans la tête entre Jacques Weber et Marie-Sophie Ferdane, la conclusion, rapide pour le coup, qui dope un peu l'intérêt du spectateur - rappelant tout le talent à l'œuvre sur le plateau, mais l'ennui et la fatigue l'emportent au global, l'agacement point aussi par moments… Reste le plaisir de la langue et de voir réunis ces comédiens sur la plus belle scène du monde.

Jusqu'au 13 juillet, Cour d'honneur du Palais des papes. En direct sur France 5 samedi 6 juillet à 22h25.

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