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Polémique autour du livre de Yann Moix : «Le piège serait de chercher qui a raison et qui a tort» - Le Parisien

Philosophe et thérapeute, Nicole Prieur, autrice de « Nous nous sommes tant trahis. Amour, famille et trahisons » (Denoël), et « Petits règlements de comptes en famille » (Albin Michel), analyse le phénomène de la déflagration familiale au cœur de « Orléans » de Yann Moix.

Nicole Prieur/DR
Nicole Prieur/DR  

« Orléans » de Moix vient de sortir, puis son père réagit, et maintenant le petit frère exprime sa colère. Que pensez-vous de toutes ces prises de parole ?

NICOLE PRIEUR. Dans une famille, ce n'est jamais le vécu objectif qui est mémorisé. Il n'y a jamais une seule vérité. Chacun a la sienne. On ne peut pas dire que Moix a menti. Le piège ici serait de chercher qui a tort et qui a raison. La seule vérité, c'est la souffrance que tous crient. Quand cela devient pathogène dans une famille, en thérapie, on peut essayer de prendre en compte la souffrance de l'autre. Cette reconnaissance atténue la douleur. Mais dans le cas des Moix, ce déballage devant le public, qui n'est pas un tiers neutre et discret comme peut l'être un psy, risque de figer les positions de chacun.

Mais autant de haine, cela vous semble ordinaire ?

La pulsion fratricide, oui. Dans toute famille, quand arrive un petit frère, pour l'aîné, c'est un gêneur. Combien de fois ai-je entendu le grand, dans des thérapies familiales, dire que si l'on avait pu jeter le petit à la poubelle ou le ramener à la clinique, c'était parfait ! Les souffrances liées au fraternel durent toute une vie. Parfois elles ressortent au moment de l'héritage. Ça reste à fleur de peau. J'ai entendu des personnes assez âgées parler avec une très grande émotion d'un cadeau qu'ils attendaient et n'avaient pas reçu à six ans…

Dans « Orléans », Yann Moix n'évoque pas son frère, mais les sévices de ses parents…

Tout se joue probablement chez les parents. Je ne dis pas du tout ça pour culpabiliser qui que ce soit, parce que c'est toujours inconscient. Mais ce n'est pas la première fois que Yann Moix met ça sur la place publique. Tant qu'il a l'impression que sa souffrance à lui n'a pas été reconnue par ses parents, il va continuer.

Vous dites que chacun a sa vérité, mais « Orléans » évoque des actes graves, et la lettre du petit frère aussi…

Dans une famille, ça se passe à peu près bien quand chaque enfant a le sentiment d'être reconnu. Ce n'est pas le cas ici. Souvent, cela est dû à des problèmes de fratrie non réglés chez les parents eux-mêmes. Jusqu'à laisser les enfants s'entre-tuer, en laissant faire des excès de pouvoir… Mais là, je ne connais pas l'histoire familiale.

Si chacun a ses raisons, il n'y a pas de victime ?

Je ne dis pas cela. Parfois, ces haines familiales deviennent très pathologiques. Mais la confrontation médiatique ne va rien arranger. L'intéressant serait de comprendre tout ce processus de règlement de compte. Il y en a dans toutes les familles. On pourrait penser que la lettre du frère cadet permette à chacun de reconnaître un peu la souffrance de l'autre. Mais le milieu familial semble avoir été insécurisant à tous les niveaux. D'où cet affrontement public…

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Philosophe et thérapeute, Nicole Prieur, autrice de « Nous nous sommes tant trahis. Amour, famille et trahisons » (Denoël), et « Petits règlements de comptes en famille » (Albin Michel), analyse le phénomène de la déflagration familiale au cœur de « Orléans » de Yann Moix.

Nicole Prieur/DR
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« Orléans » de Moix vient de sortir, puis son père réagit, et maintenant le petit frère exprime sa colère. Que pensez-vous de toutes ces prises de parole ?

NICOLE PRIEUR. Dans une famille, ce n'est jamais le vécu objectif qui est mémorisé. Il n'y a jamais une seule vérité. Chacun a la sienne. On ne peut pas dire que Moix a menti. Le piège ici serait de chercher qui a tort et qui a raison. La seule vérité, c'est la souffrance que tous crient. Quand cela devient pathogène dans une famille, en thérapie, on peut essayer de prendre en compte la souffrance de l'autre. Cette reconnaissance atténue la douleur. Mais dans le cas des Moix, ce déballage devant le public, qui n'est pas un tiers neutre et discret comme peut l'être un psy, risque de figer les positions de chacun.

Mais autant de haine, cela vous semble ordinaire ?

La pulsion fratricide, oui. Dans toute famille, quand arrive un petit frère, pour l'aîné, c'est un gêneur. Combien de fois ai-je entendu le grand, dans des thérapies familiales, dire que si l'on avait pu jeter le petit à la poubelle ou le ramener à la clinique, c'était parfait ! Les souffrances liées au fraternel durent toute une vie. Parfois elles ressortent au moment de l'héritage. Ça reste à fleur de peau. J'ai entendu des personnes assez âgées parler avec une très grande émotion d'un cadeau qu'ils attendaient et n'avaient pas reçu à six ans…

Dans « Orléans », Yann Moix n'évoque pas son frère, mais les sévices de ses parents…

Tout se joue probablement chez les parents. Je ne dis pas du tout ça pour culpabiliser qui que ce soit, parce que c'est toujours inconscient. Mais ce n'est pas la première fois que Yann Moix met ça sur la place publique. Tant qu'il a l'impression que sa souffrance à lui n'a pas été reconnue par ses parents, il va continuer.

Vous dites que chacun a sa vérité, mais « Orléans » évoque des actes graves, et la lettre du petit frère aussi…

Dans une famille, ça se passe à peu près bien quand chaque enfant a le sentiment d'être reconnu. Ce n'est pas le cas ici. Souvent, cela est dû à des problèmes de fratrie non réglés chez les parents eux-mêmes. Jusqu'à laisser les enfants s'entre-tuer, en laissant faire des excès de pouvoir… Mais là, je ne connais pas l'histoire familiale.

Si chacun a ses raisons, il n'y a pas de victime ?

Je ne dis pas cela. Parfois, ces haines familiales deviennent très pathologiques. Mais la confrontation médiatique ne va rien arranger. L'intéressant serait de comprendre tout ce processus de règlement de compte. Il y en a dans toutes les familles. On pourrait penser que la lettre du frère cadet permette à chacun de reconnaître un peu la souffrance de l'autre. Mais le milieu familial semble avoir été insécurisant à tous les niveaux. D'où cet affrontement public…

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