On a tous grandi avec Kirk Douglas, l'ultime légende à avoir épousé l'âge d'or d'Hollywood du noir et blanc au Cinémascope, mais aucun d'entre nous ne savait qui était Issur Danielovitch Demsky, son nom de naissance, mort mercredi à l'âge de 103 ans. Un nom très long et en même temps « rien », zéro, comme il le note dans son autobiographie « Le fils du chiffonnier » : « Rien, cela voulait dire être le fils d'un immigrant juif de Russie, illettré… », écrit-il dans ce texte magnifique qui aide à comprendre pourquoi « Spartacus » (1960) de Stanley Kubrick, ce péplum sur une révolte d'esclaves sous l'Antiquité, était plus qu'un film pour ce fils de persécutés. Son père avait fui la Russie antisémite des pogroms et « des Cosaques excités par la vodka, qui s'amusaient à fendre le crâne des juifs dans les rues des ghettos, au grand galop de leurs chevaux, racontait-il. L'un des frères de ma mère fut tué dans la rue, sous ses yeux ».
Il s'est battu toute sa vie contre l'infamie. Contre l'Amérique du maccarthysme et de la chasse aux sorcières, lui qui impose en pleine Guerre Froide le scénariste Dalton Trumbo, proscrit dans la « liste noire » − ces communistes supposés qui n'avaient pas le droit de travailler − au générique de « Spartacus ». Contre la boucherie militaire de 1914-1918 dans « Les sentiers de la gloire » du même Kubrick, film longtemps interdit qui réduit l'actuel « 1917 » à une simple performance technique. Ce n'est pas du cinéma : Kirk Douglas a fait la guerre, la vraie, en 1942, à bord d'un sous-marin.
La gloire et la rébellion
Il cherche la vérité qui dérange derrière la beauté qui arrange. Revoyez « l'Arrangement » (1969), d'Elia Kazan, Titanic de la vie conjugale, où l'acteur règle son compte à la réussite érigée en seule valeur, en publicitaire revenu de tout.
Kirk Douglas, ce paradoxe, la gloire et la rébellion, une belle gueule un peu cassée, yeux bleu lagon et fossette au menton fendu. Le lutteur – il a combattu dans les foires pour se payer des cours de comédie — choisit des films qui lui ressemblent. Dans « la Captive aux yeux clairs » (1952), de Howard Hawks, au panthéon des plus beaux westerns, son personnage tombe amoureux d'une Indienne. Aux antipodes d'un John Wayne, et plusieurs décennies avant « Danse avec les loups », Kirk Douglas se place du côté des minorités, des opprimés.
Son Van Gogh, dans le film de Vincente Minnelli, est habité et halluciné. Et pour cause : le jeune peintre voulait être pasteur. L'acteur, selon le vœu familial, aurait dû devenir rabbin. Après avoir survécu à un accident d'hélicoptère en 1991, il était revenu à la foi juive. C'était, à tous les sens du terme, un spirituel, aussi drôle sur les plateaux télévisés – une mémorable séquence d'Apostrophes en témoigne – que prophète.
«Profondément fier d'être un Américain»
En 2016, le démocrate fervent ferraille avec Donald Trump : « J'ai toujours été profondément fier d'être un Américain. Pour les jours qui me restent à venir, je prie pour que cela ne change jamais ».
Ce dur avait peut-être appris la douceur parmi ses six sœurs. A l'Académie d'art dramatique de New York, il fait des avances à Lauren Bacall. Elle le repousse. Elle fait mieux : la jeune actrice lance sa carrière en le recommandant. Bien d'autres tombent dans ses bras, de Joan Crawford et Rita Hayworth à Marlene Dietrich.
Celles qu'il épouse restent dans l'ombre, de Diana Dill, actrice apparue dans de nombreuses séries et mère de son fils Michael – lequel, contrairement à son père plusieurs fois nommé, décroche l'Oscar pour « Wall Street » – et Anne Buydens, productrice belge, qui a elle-même fêté ses 100 ans l'an dernier. Le couple avait perdu un fils, victime d'une overdose en 2004. La tragédie, le fils du chiffonnier ne l'a jamais effacée à l'écran. Dernier des géants, premier des modernes dans son affrontement douloureux avec le rêve américain.
On a tous grandi avec Kirk Douglas, l'ultime légende à avoir épousé l'âge d'or d'Hollywood du noir et blanc au Cinémascope, mais aucun d'entre nous ne savait qui était Issur Danielovitch Demsky, son nom de naissance, mort mercredi à l'âge de 103 ans. Un nom très long et en même temps « rien », zéro, comme il le note dans son autobiographie « Le fils du chiffonnier » : « Rien, cela voulait dire être le fils d'un immigrant juif de Russie, illettré… », écrit-il dans ce texte magnifique qui aide à comprendre pourquoi « Spartacus » (1960) de Stanley Kubrick, ce péplum sur une révolte d'esclaves sous l'Antiquité, était plus qu'un film pour ce fils de persécutés. Son père avait fui la Russie antisémite des pogroms et « des Cosaques excités par la vodka, qui s'amusaient à fendre le crâne des juifs dans les rues des ghettos, au grand galop de leurs chevaux, racontait-il. L'un des frères de ma mère fut tué dans la rue, sous ses yeux ».
Il s'est battu toute sa vie contre l'infamie. Contre l'Amérique du maccarthysme et de la chasse aux sorcières, lui qui impose en pleine Guerre Froide le scénariste Dalton Trumbo, proscrit dans la « liste noire » − ces communistes supposés qui n'avaient pas le droit de travailler − au générique de « Spartacus ». Contre la boucherie militaire de 1914-1918 dans « Les sentiers de la gloire » du même Kubrick, film longtemps interdit qui réduit l'actuel « 1917 » à une simple performance technique. Ce n'est pas du cinéma : Kirk Douglas a fait la guerre, la vraie, en 1942, à bord d'un sous-marin.
La gloire et la rébellion
Il cherche la vérité qui dérange derrière la beauté qui arrange. Revoyez « l'Arrangement » (1969), d'Elia Kazan, Titanic de la vie conjugale, où l'acteur règle son compte à la réussite érigée en seule valeur, en publicitaire revenu de tout.
Kirk Douglas, ce paradoxe, la gloire et la rébellion, une belle gueule un peu cassée, yeux bleu lagon et fossette au menton fendu. Le lutteur – il a combattu dans les foires pour se payer des cours de comédie — choisit des films qui lui ressemblent. Dans « la Captive aux yeux clairs » (1952), de Howard Hawks, au panthéon des plus beaux westerns, son personnage tombe amoureux d'une Indienne. Aux antipodes d'un John Wayne, et plusieurs décennies avant « Danse avec les loups », Kirk Douglas se place du côté des minorités, des opprimés.
Son Van Gogh, dans le film de Vincente Minnelli, est habité et halluciné. Et pour cause : le jeune peintre voulait être pasteur. L'acteur, selon le vœu familial, aurait dû devenir rabbin. Après avoir survécu à un accident d'hélicoptère en 1991, il était revenu à la foi juive. C'était, à tous les sens du terme, un spirituel, aussi drôle sur les plateaux télévisés – une mémorable séquence d'Apostrophes en témoigne – que prophète.
«Profondément fier d'être un Américain»
En 2016, le démocrate fervent ferraille avec Donald Trump : « J'ai toujours été profondément fier d'être un Américain. Pour les jours qui me restent à venir, je prie pour que cela ne change jamais ».
Ce dur avait peut-être appris la douceur parmi ses six sœurs. A l'Académie d'art dramatique de New York, il fait des avances à Lauren Bacall. Elle le repousse. Elle fait mieux : la jeune actrice lance sa carrière en le recommandant. Bien d'autres tombent dans ses bras, de Joan Crawford et Rita Hayworth à Marlene Dietrich.
Celles qu'il épouse restent dans l'ombre, de Diana Dill, actrice apparue dans de nombreuses séries et mère de son fils Michael – lequel, contrairement à son père plusieurs fois nommé, décroche l'Oscar pour « Wall Street » – et Anne Buydens, productrice belge, qui a elle-même fêté ses 100 ans l'an dernier. Le couple avait perdu un fils, victime d'une overdose en 2004. La tragédie, le fils du chiffonnier ne l'a jamais effacée à l'écran. Dernier des géants, premier des modernes dans son affrontement douloureux avec le rêve américain.
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