
Brigitte Fontaine a rouvert les portes de l’Olympia, dimanche 6 septembre. Période mise cul par-dessus tête par le Covid-19, c’est plus que cohérent. Depuis le 11 mars, la salle était fermée. Deux cents jours plus tard, elle accueille le public en configuration assise, masquée, distances respectées, procédures de sortie. Une armée d’ouvreuses équipées de rouleaux de scotch neutralisent les places intermédiaires ; 1 300 admis alors que la salle peut en accueillir 2 800 en version « debout ».
Au centre de la scène trône un trône, ou plutôt un fauteuil remarquable aux proportions extravagantes. Une voix venue d’ailleurs nous rappelle les consignes. Ça rigole pas. On se tient à carreau. Fond sonore de violon chinois et percussions. Longue ovation. Enfin, « ils » entrent, lui côté jardin, elle côté cour : Yan Péchin, le fidèle guitariste avec qui elle se produit en duo, et elle, Brigitte Fontaine. Elle, pour la première fois depuis quatorze ans, c’est un comble, sans masque. Ni masque égyptien, ni masque celte – sans masque.
Cheveux longs en fontaine vénitienne, verres de vue à monture d’or, combinaison de skaï rouge vif et chaqueta chamarrée, bijoux, bracelets, bottines de cuir blanc, attention : on ne garantit rien… Les tenues de Brigitte Fontaine relèvent de la plus savante recherche… La plupart des hommes sont bien incapables d’improviser à vue. Sans compter qu’ils en prendront pour leur grade plus tard : Vendetta est une de ses dernières chansons.
Annie Cordy et Barbara
Salve d’applaudissements. Ils marchent l’une vers l’autre (lui, très grand de taille), s’arrêtent, se fixent. Elle pousse un cri digne d’Artaud et d’Abbey Lincoln. Qu’elle se blottisse ou qu’elle fasse la princesse dans le fauteuil qui trône, elle a l’air de quoi ? D’une petite fille ? D’un chat ? Pas exactement. En tout cas, jamais de l’adulte qu’elle n’a jamais été. Jamais elle n’aura paru si vive, si présente. La voix claire, grave ou cisaillée. Toujours audible à la syllabe près. Les machos anonymes et leurs prêtresses angoissées n’y peuvent rien : quand on ne comprend pas, c’est que l’on comprend trop.
En son fauteuil, Brigitte Fontaine convoque le guitariste démesuré qui se met à genoux, comme à confesse. Dit comme ça, ça paraît ballot. En fait, c’est très marrant et grave à la fois. Il chante, bref hommage à Annie Cordy, La Bonne du curé. Elle enchaîne, Brigitte, Les Beaux Animaux, tresse les chansons les plus anciennes à la moitié des titres de son dernier album (Terre Neuve, Verycords, janvier 2020). Guirlande poétique dans le style de la Guirlande de Julie (XVIIe siècle) ou la Guirlande de Lou (Apollinaire) : mais pour elle, en scène, la voix claire, le corps en avant, diction lumineuse, dérapages voulus. Dialogue d’enfer avec les guitares de Yan Péchin, orages désirés, larsens lancinants, mise en place d’artistes exigeants.
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Brigitte Fontaine a rouvert les portes de l’Olympia, dimanche 6 septembre. Période mise cul par-dessus tête par le Covid-19, c’est plus que cohérent. Depuis le 11 mars, la salle était fermée. Deux cents jours plus tard, elle accueille le public en configuration assise, masquée, distances respectées, procédures de sortie. Une armée d’ouvreuses équipées de rouleaux de scotch neutralisent les places intermédiaires ; 1 300 admis alors que la salle peut en accueillir 2 800 en version « debout ».
Au centre de la scène trône un trône, ou plutôt un fauteuil remarquable aux proportions extravagantes. Une voix venue d’ailleurs nous rappelle les consignes. Ça rigole pas. On se tient à carreau. Fond sonore de violon chinois et percussions. Longue ovation. Enfin, « ils » entrent, lui côté jardin, elle côté cour : Yan Péchin, le fidèle guitariste avec qui elle se produit en duo, et elle, Brigitte Fontaine. Elle, pour la première fois depuis quatorze ans, c’est un comble, sans masque. Ni masque égyptien, ni masque celte – sans masque.
Cheveux longs en fontaine vénitienne, verres de vue à monture d’or, combinaison de skaï rouge vif et chaqueta chamarrée, bijoux, bracelets, bottines de cuir blanc, attention : on ne garantit rien… Les tenues de Brigitte Fontaine relèvent de la plus savante recherche… La plupart des hommes sont bien incapables d’improviser à vue. Sans compter qu’ils en prendront pour leur grade plus tard : Vendetta est une de ses dernières chansons.
Annie Cordy et Barbara
Salve d’applaudissements. Ils marchent l’une vers l’autre (lui, très grand de taille), s’arrêtent, se fixent. Elle pousse un cri digne d’Artaud et d’Abbey Lincoln. Qu’elle se blottisse ou qu’elle fasse la princesse dans le fauteuil qui trône, elle a l’air de quoi ? D’une petite fille ? D’un chat ? Pas exactement. En tout cas, jamais de l’adulte qu’elle n’a jamais été. Jamais elle n’aura paru si vive, si présente. La voix claire, grave ou cisaillée. Toujours audible à la syllabe près. Les machos anonymes et leurs prêtresses angoissées n’y peuvent rien : quand on ne comprend pas, c’est que l’on comprend trop.
En son fauteuil, Brigitte Fontaine convoque le guitariste démesuré qui se met à genoux, comme à confesse. Dit comme ça, ça paraît ballot. En fait, c’est très marrant et grave à la fois. Il chante, bref hommage à Annie Cordy, La Bonne du curé. Elle enchaîne, Brigitte, Les Beaux Animaux, tresse les chansons les plus anciennes à la moitié des titres de son dernier album (Terre Neuve, Verycords, janvier 2020). Guirlande poétique dans le style de la Guirlande de Julie (XVIIe siècle) ou la Guirlande de Lou (Apollinaire) : mais pour elle, en scène, la voix claire, le corps en avant, diction lumineuse, dérapages voulus. Dialogue d’enfer avec les guitares de Yan Péchin, orages désirés, larsens lancinants, mise en place d’artistes exigeants.
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