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Mank : critique de la magie du cinéma sur Netflix - ÉcranLarge.com

EN MANK de FINCHER

Pour évoquer Mank, on pourrait simplement discuter des heures du noir et blanc sublimement éclairé par Erik Messerschmidt. On pourrait s'attarder longuement sur les nombreuses techniques utilisées pour recréer l'atmosphère typique des années 30 tout en créant un style unique : dégrader l'incroyable numérique 8K pour retrouver la texture des films de cette époque tout en ajoutant des égratignures, des rayures et même de fameuses brûlures de cigarettes pour simuler un changement de bobine, mais sans jamais se refuser l'ampleur de sa caméra Red Ranger.

On pourrait aussi se concentrer sur le travail dingue accompli sur l'ambiance sonore du film. La manière dont Fincher et son ingénieur son Ren Klyce se sont amusés à compresser les sons pour retrouver une sonorité proche des films de l'époque entre leurs grésillements, leurs soubresauts, leurs crépitements, le pop du renouvellement de bobines et ressusciter leur patine très reconnaissable. On pourrait, en conséquence, louer le travail du duo Trent Reznor-Atticus Ross sur la bande-originale enregistrée avec des microphones anciens et composée uniquement avec des instruments d'époque pour mieux s'en imprégner.

photoMank, d'une beauté à couper le souffle

On pourrait également aborder la performance de Gary Oldman dans la peau de Herman J. Mankiewicz, sans doute bien plus impressionnante que celle qui lui aura valu l'Oscar du meilleur acteur pour Les Heures sombres en 2018, et ce sans postiche ; voire la sublime partition d'Amanda Seyfried (son meilleur rôle à ce jour) prouvant encore une fois à quel point Fincher est un grand directeur d'acteur.

On pourrait aussi parler du superbe montage de Kirk Baxter (qui travaille exclusivement avec Fincher depuis L'étrange histoire de Benjamin Button) venant dynamiser, agrémenter ou surligner le scénario dense du film. On pourrait, enfin, glorifier uniquement la mise en scène de David Fincher. Indéniablement, en six ans d'absence au cinéma, David Fincher n'a rien perdu de sa maestria, la construction de ses plans (l'anniversaire de Mayer, le dîner final) et la chorégraphie de ses scènes (la soirée électorale) sont autant de merveilles à contempler.

Non, parler de tout ça serait finalement trop simple pour critiquer Mank, onzième long-métrage de David Fincher et premier du réalisateur pour Netflix. Car, même si tous ces éléments contribuent à la magnificence de Mank, ce n'est pas ce qui interpelle réellement ici.

Photo Gary OldmanUne scène splendide

CITIZEN MANK

Avant de pleinement rentrer dans le vif du sujet, il est important de souligner à quel point le long-métrage de David Fincher est âpre et rude. Dès son entrée en matière, par son noir et blanc, ses longues plages de dialogues et sa myriade de personnages, Mank laissera indubitablement des spectateurs sur le côté de la route. Au bout d'une demi-heure, le message est d'ailleurs adressé quasi-directement aux spectateurs à travers un échange entre John Houseman (Sam Troughton), l'assistant d'Orson Welles, et Mank.

Le premier donne son avis sur les premières pages du scénario du futur Citizen Kane à Mank par ses mots : "L'écriture est remarquable, mais vous le savez. Sa soif de pouvoir, son besoin d'être aimé par ceux qui craignent ses excès, mais... vous exigez beaucoup du spectateur de cinéma. C'est un peu méli-mélo. Un fatras de bavardages, de bouts de scènes qui s'agitent comme des pois sauteurs. Le récit est éparpillé, il va falloir une carte. Daignerez-vous de simplifier ?"

Ce à quoi Mankiewicz répondra : "Bienvenue dans mon cerveau, mon vieux. Le récit est un grand cercle, comme un immense cinnamon roll. Pas une ligne droite vers la sortie. On ne résume pas la vie d'un homme en deux heures, au mieux en donne-t-on un aperçu."

photoAmerican, le Citizen Kane avant Citizen Kane

L'intention est donc limpide et claire : David Fincher (et intrinsèquement Jack Fincher) n'ont pas pour objectif de guider les spectateurs en présentant tout en long et en large. Ainsi, les introductions d'Irving ThalbergLouis B. Mayer, Ben Hecht ou encore Charles Lederer seront quasi-inexistantes et chaque spectateur se devra de faire un travail personnel pour remettre tout en place lui-même.

Car oui, Mank est exigeant, demandera l'attention des spectateurs et surtout leur envie de s'accrocher, David Fincher se refusant à transformer son film en simple fiche Wikipedia (et heureusement) et de rentrer dans les carcans du divertissement basique et fade qui envahit Hollywood.

En effet, quand Houseman critique Citizen Kane (alors titré American), fils et père Fincher parlent finalement de Mank. Le film est construit un peu à la manière du chef-d'oeuvre d'Orson Welles dont il raconte la conception. Sa structure en flashback n'est pas aussi ambitieuse que Citizen Kane (peut-être pour ne pas perdre l'intégralité du public) avec seulement deux temporalités et un déroulé chronologique, mais elle demande un investissement de tous les instants pour pouvoir y comprendre les tenants et les aboutissants.

À ce propos, même si rien n'empêche de regarder Mank sans avoir vu Citizen Kane, en connaître les grandes lignes est plus que le bienvenu tant cela offre une perspective et surtout une aide précieuse pour mieux appréhender les desseins de Fincher. Il faut donc en vouloir pour se jeter dans le long-métrage Netflix de Fincher tant il pourra paraître inaccessible à bien des abonnés qui le lanceront sur la plateforme. 

Photo Tom Burke, Gary OldmanOrson Welles, quasiment fantomatique

ON THE OTHER SIDE OF MOVIES

Toutefois, malgré tout ça, Mank n'est pas seulement un film pour les cinéphiles. Le long-métrage a longtemps été présenté, à tort, comme une oeuvre centrée sur la paternité de Citizen Kane et sur la collaboration houleuse entre le jeune loup de 24 ans, Orson Welles (Tom Burke) et le clownesque Herman J. Mankiewicz. Au final, leur confrontation est brève et se résume à une minuscule séquence dans le dernier quart du long-métrage. 

Ce qui intéresse pleinement David Fincher, c'est avant tout l'histoire de Mankiewicz lui-même et le combat intérieur qui le mènera à écrire Citizen Kane. Loin d'être un simple biopic, Mank est une oeuvre fine et sincère sur la création et surtout l'idée même d'être un artiste dans un système aussi cloisonné et pourri par l'argent que peut l'être Hollywood (déjà à l'époque, et encore aujourd'hui).

Ainsi, David Fincher raconte avant tout l'histoire d'un homme en pleine déchéance, qui ne croit plus en ce qu'Hollywood est devenu et qui va, dans un dernier geste épique, décider de faire ce que bon lui semble ("tell the story he knows") pour lutter (pour la première fois de sa vie) contre ce système vérolé, indigne des talents qui le composent. Une manière pour lui de renaître mentalement et physiquement (le personnage d'Oldman, alité et convalescent en début de film, finira debout avec la plus belle des récompenses en main) et de surtout prendre conscience du rôle qu'il a à jouer.

photo, Gary OldmanMank, de clown à conquérant

En plongeant dans les méandres de l'esprit et des souvenirs de Mankiewicz, David Fincher s'amuse alors à reconstruire le puzzle derrière la création de Citizen Kane tout en rendant hommage à son père Jack Fincher. Mank n'est pas un simple hommage à l'âge d'or hollywoodien (dont il est d'ailleurs plutôt une critique amère), c'est une ode au père de David et au métier de scénariste. 

Lors de la première rencontre entre Marion Davies et Mank, Thalberg présente Mank à Louis B. Mayer d'un méprisant "C'est un simple scénariste". Et justement, ce mépris pour ce métier des coulisses, destiné à rester loin des lumières projetées sur les réalisateurs, acteurs ou producteurs, David Fincher se fait la promesse de le stopper en en montrant le pouvoir et l'héroïsme. Car si l'argent a une puissance incontestable (capable de fausser des élections), la puissance d'une plume et de l'art (le vrai, l'authentique) est sans doute bien plus grande, bien plus belle et par-dessus tout plus honnête.

Et si, à travers un "simple" scénario, le scénariste bousculait les hiérarchies, modifiait les mentalités et finalement bouleversait la phase du monde ? Le réalisateur de Seven livre, dès lors, une révérence à son père et surtout à tous les scénaristes qui l'ont accompagné, lui qui n'a jamais écrit un seul de ses longs-métrages en vingt-cinq ans de carrière. Et si c'était surtout eux, les vrais artistes derrière ses films ?

Photo Arliss Howard, Amanda SeyfriedAmanda Seyfried, étonnante en Marion Davies

LE MAGICIEN OSE

Derrière cet hommage poignant et mélancolique, le cinéaste propose donc, in fine, une réflexion grandiose et humble sur lui-même. À travers le personnage de Mank, David Fincher se remet en cause, questionnant son propre talent et son propre mérite. Mank, cet homme qui exècre la course à l'argent de la MGM, répudie cette manipulation de l'art à des fins politiques, ne comprend pas les reproches envers son écriture "trop exigeante pour le spectateur" et largement désabusé par ce qui l'a tant animé, c'est finalement Fincher en personne.

Lui qui, dès son premier long-métrage Alien 3, a vu ses désirs bloqués par des producteurs aigris et autoritaires, n'a cessé, ces dernières années, de pointer du doigt le chemin pris par Hollywood. La multitude des projets qu'il a dû abandonner, les studios "en manque d'imagination" et leur refus de faire Mank, ont forcé Fincher à trouver refuge ailleurs, chez le salvateur Netflix, (faux-)producteur lui laissant carte blanche et maître de son art.

Photo Arliss Howard, Charles DanceIl est temps d"écouter ce qu'a à dire David

L'occasion de lui donner les mains libres pour livrer son film le plus personnel (il y travaille depuis le début des années 90) et surtout un film pour lui. Pour se donner, enfin, la possibilité de conclure un projet de longue haleine et de déployer tout ce qu'il a sur le coeur en tant qu'artiste (évidemment, sa critique de Hollywood), mais aussi en tant qu'homme et citoyen.

Si Mank est incontestablement le film le plus dur d'accès du cinéaste, il s'agit également d'un de ses (le ?) plus riches. Il est clairement question de cinéma, d'art et de création dans cette sublime balade spirituelle en noir et blanc, mais c'est aussi une réflexion sur la solitude, la manipulation des médias, la rédemption, la quête de vérité, d'idéal, de reconnaissance, de dignité... Il serait donc audacieux, voire présomptueux, d'imaginer une seule seconde pouvoir décrire tout ce que raconte Mank en un seul texte (déjà beaucoup trop long).

En revanche, une chose est sûre : le cinéma est encore magique et le dernier film de David Fincher est une des plus belles choses qui lui soit arrivée de mémoire récente.

Mank est disponible sur Netflix depuis le 4 décembre sur Netflix en France. 

Affiche US

Let's block ads! (Why?)

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EN MANK de FINCHER

Pour évoquer Mank, on pourrait simplement discuter des heures du noir et blanc sublimement éclairé par Erik Messerschmidt. On pourrait s'attarder longuement sur les nombreuses techniques utilisées pour recréer l'atmosphère typique des années 30 tout en créant un style unique : dégrader l'incroyable numérique 8K pour retrouver la texture des films de cette époque tout en ajoutant des égratignures, des rayures et même de fameuses brûlures de cigarettes pour simuler un changement de bobine, mais sans jamais se refuser l'ampleur de sa caméra Red Ranger.

On pourrait aussi se concentrer sur le travail dingue accompli sur l'ambiance sonore du film. La manière dont Fincher et son ingénieur son Ren Klyce se sont amusés à compresser les sons pour retrouver une sonorité proche des films de l'époque entre leurs grésillements, leurs soubresauts, leurs crépitements, le pop du renouvellement de bobines et ressusciter leur patine très reconnaissable. On pourrait, en conséquence, louer le travail du duo Trent Reznor-Atticus Ross sur la bande-originale enregistrée avec des microphones anciens et composée uniquement avec des instruments d'époque pour mieux s'en imprégner.

photoMank, d'une beauté à couper le souffle

On pourrait également aborder la performance de Gary Oldman dans la peau de Herman J. Mankiewicz, sans doute bien plus impressionnante que celle qui lui aura valu l'Oscar du meilleur acteur pour Les Heures sombres en 2018, et ce sans postiche ; voire la sublime partition d'Amanda Seyfried (son meilleur rôle à ce jour) prouvant encore une fois à quel point Fincher est un grand directeur d'acteur.

On pourrait aussi parler du superbe montage de Kirk Baxter (qui travaille exclusivement avec Fincher depuis L'étrange histoire de Benjamin Button) venant dynamiser, agrémenter ou surligner le scénario dense du film. On pourrait, enfin, glorifier uniquement la mise en scène de David Fincher. Indéniablement, en six ans d'absence au cinéma, David Fincher n'a rien perdu de sa maestria, la construction de ses plans (l'anniversaire de Mayer, le dîner final) et la chorégraphie de ses scènes (la soirée électorale) sont autant de merveilles à contempler.

Non, parler de tout ça serait finalement trop simple pour critiquer Mank, onzième long-métrage de David Fincher et premier du réalisateur pour Netflix. Car, même si tous ces éléments contribuent à la magnificence de Mank, ce n'est pas ce qui interpelle réellement ici.

Photo Gary OldmanUne scène splendide

CITIZEN MANK

Avant de pleinement rentrer dans le vif du sujet, il est important de souligner à quel point le long-métrage de David Fincher est âpre et rude. Dès son entrée en matière, par son noir et blanc, ses longues plages de dialogues et sa myriade de personnages, Mank laissera indubitablement des spectateurs sur le côté de la route. Au bout d'une demi-heure, le message est d'ailleurs adressé quasi-directement aux spectateurs à travers un échange entre John Houseman (Sam Troughton), l'assistant d'Orson Welles, et Mank.

Le premier donne son avis sur les premières pages du scénario du futur Citizen Kane à Mank par ses mots : "L'écriture est remarquable, mais vous le savez. Sa soif de pouvoir, son besoin d'être aimé par ceux qui craignent ses excès, mais... vous exigez beaucoup du spectateur de cinéma. C'est un peu méli-mélo. Un fatras de bavardages, de bouts de scènes qui s'agitent comme des pois sauteurs. Le récit est éparpillé, il va falloir une carte. Daignerez-vous de simplifier ?"

Ce à quoi Mankiewicz répondra : "Bienvenue dans mon cerveau, mon vieux. Le récit est un grand cercle, comme un immense cinnamon roll. Pas une ligne droite vers la sortie. On ne résume pas la vie d'un homme en deux heures, au mieux en donne-t-on un aperçu."

photoAmerican, le Citizen Kane avant Citizen Kane

L'intention est donc limpide et claire : David Fincher (et intrinsèquement Jack Fincher) n'ont pas pour objectif de guider les spectateurs en présentant tout en long et en large. Ainsi, les introductions d'Irving ThalbergLouis B. Mayer, Ben Hecht ou encore Charles Lederer seront quasi-inexistantes et chaque spectateur se devra de faire un travail personnel pour remettre tout en place lui-même.

Car oui, Mank est exigeant, demandera l'attention des spectateurs et surtout leur envie de s'accrocher, David Fincher se refusant à transformer son film en simple fiche Wikipedia (et heureusement) et de rentrer dans les carcans du divertissement basique et fade qui envahit Hollywood.

En effet, quand Houseman critique Citizen Kane (alors titré American), fils et père Fincher parlent finalement de Mank. Le film est construit un peu à la manière du chef-d'oeuvre d'Orson Welles dont il raconte la conception. Sa structure en flashback n'est pas aussi ambitieuse que Citizen Kane (peut-être pour ne pas perdre l'intégralité du public) avec seulement deux temporalités et un déroulé chronologique, mais elle demande un investissement de tous les instants pour pouvoir y comprendre les tenants et les aboutissants.

À ce propos, même si rien n'empêche de regarder Mank sans avoir vu Citizen Kane, en connaître les grandes lignes est plus que le bienvenu tant cela offre une perspective et surtout une aide précieuse pour mieux appréhender les desseins de Fincher. Il faut donc en vouloir pour se jeter dans le long-métrage Netflix de Fincher tant il pourra paraître inaccessible à bien des abonnés qui le lanceront sur la plateforme. 

Photo Tom Burke, Gary OldmanOrson Welles, quasiment fantomatique

ON THE OTHER SIDE OF MOVIES

Toutefois, malgré tout ça, Mank n'est pas seulement un film pour les cinéphiles. Le long-métrage a longtemps été présenté, à tort, comme une oeuvre centrée sur la paternité de Citizen Kane et sur la collaboration houleuse entre le jeune loup de 24 ans, Orson Welles (Tom Burke) et le clownesque Herman J. Mankiewicz. Au final, leur confrontation est brève et se résume à une minuscule séquence dans le dernier quart du long-métrage. 

Ce qui intéresse pleinement David Fincher, c'est avant tout l'histoire de Mankiewicz lui-même et le combat intérieur qui le mènera à écrire Citizen Kane. Loin d'être un simple biopic, Mank est une oeuvre fine et sincère sur la création et surtout l'idée même d'être un artiste dans un système aussi cloisonné et pourri par l'argent que peut l'être Hollywood (déjà à l'époque, et encore aujourd'hui).

Ainsi, David Fincher raconte avant tout l'histoire d'un homme en pleine déchéance, qui ne croit plus en ce qu'Hollywood est devenu et qui va, dans un dernier geste épique, décider de faire ce que bon lui semble ("tell the story he knows") pour lutter (pour la première fois de sa vie) contre ce système vérolé, indigne des talents qui le composent. Une manière pour lui de renaître mentalement et physiquement (le personnage d'Oldman, alité et convalescent en début de film, finira debout avec la plus belle des récompenses en main) et de surtout prendre conscience du rôle qu'il a à jouer.

photo, Gary OldmanMank, de clown à conquérant

En plongeant dans les méandres de l'esprit et des souvenirs de Mankiewicz, David Fincher s'amuse alors à reconstruire le puzzle derrière la création de Citizen Kane tout en rendant hommage à son père Jack Fincher. Mank n'est pas un simple hommage à l'âge d'or hollywoodien (dont il est d'ailleurs plutôt une critique amère), c'est une ode au père de David et au métier de scénariste. 

Lors de la première rencontre entre Marion Davies et Mank, Thalberg présente Mank à Louis B. Mayer d'un méprisant "C'est un simple scénariste". Et justement, ce mépris pour ce métier des coulisses, destiné à rester loin des lumières projetées sur les réalisateurs, acteurs ou producteurs, David Fincher se fait la promesse de le stopper en en montrant le pouvoir et l'héroïsme. Car si l'argent a une puissance incontestable (capable de fausser des élections), la puissance d'une plume et de l'art (le vrai, l'authentique) est sans doute bien plus grande, bien plus belle et par-dessus tout plus honnête.

Et si, à travers un "simple" scénario, le scénariste bousculait les hiérarchies, modifiait les mentalités et finalement bouleversait la phase du monde ? Le réalisateur de Seven livre, dès lors, une révérence à son père et surtout à tous les scénaristes qui l'ont accompagné, lui qui n'a jamais écrit un seul de ses longs-métrages en vingt-cinq ans de carrière. Et si c'était surtout eux, les vrais artistes derrière ses films ?

Photo Arliss Howard, Amanda SeyfriedAmanda Seyfried, étonnante en Marion Davies

LE MAGICIEN OSE

Derrière cet hommage poignant et mélancolique, le cinéaste propose donc, in fine, une réflexion grandiose et humble sur lui-même. À travers le personnage de Mank, David Fincher se remet en cause, questionnant son propre talent et son propre mérite. Mank, cet homme qui exècre la course à l'argent de la MGM, répudie cette manipulation de l'art à des fins politiques, ne comprend pas les reproches envers son écriture "trop exigeante pour le spectateur" et largement désabusé par ce qui l'a tant animé, c'est finalement Fincher en personne.

Lui qui, dès son premier long-métrage Alien 3, a vu ses désirs bloqués par des producteurs aigris et autoritaires, n'a cessé, ces dernières années, de pointer du doigt le chemin pris par Hollywood. La multitude des projets qu'il a dû abandonner, les studios "en manque d'imagination" et leur refus de faire Mank, ont forcé Fincher à trouver refuge ailleurs, chez le salvateur Netflix, (faux-)producteur lui laissant carte blanche et maître de son art.

Photo Arliss Howard, Charles DanceIl est temps d"écouter ce qu'a à dire David

L'occasion de lui donner les mains libres pour livrer son film le plus personnel (il y travaille depuis le début des années 90) et surtout un film pour lui. Pour se donner, enfin, la possibilité de conclure un projet de longue haleine et de déployer tout ce qu'il a sur le coeur en tant qu'artiste (évidemment, sa critique de Hollywood), mais aussi en tant qu'homme et citoyen.

Si Mank est incontestablement le film le plus dur d'accès du cinéaste, il s'agit également d'un de ses (le ?) plus riches. Il est clairement question de cinéma, d'art et de création dans cette sublime balade spirituelle en noir et blanc, mais c'est aussi une réflexion sur la solitude, la manipulation des médias, la rédemption, la quête de vérité, d'idéal, de reconnaissance, de dignité... Il serait donc audacieux, voire présomptueux, d'imaginer une seule seconde pouvoir décrire tout ce que raconte Mank en un seul texte (déjà beaucoup trop long).

En revanche, une chose est sûre : le cinéma est encore magique et le dernier film de David Fincher est une des plus belles choses qui lui soit arrivée de mémoire récente.

Mank est disponible sur Netflix depuis le 4 décembre sur Netflix en France. 

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